Interview Jeanne Desaubry et Max Obione, Editions SKA !

Stanislas Petrosky est parti à la rencontre de Jeanne Desaubry et Max Obione, pour vous présenter leur maison d’éditions SKA

Max Obione et Jeanne Desaubry
Max Obione et Jeanne Desaubry

Jeanne Desaubry et Max Obione s’y connaissent un peu dans le monde de l’édition.

Déjà, les deux écrivent depuis quelques paires d’années, tiens d’ailleurs, si tu n’as pas encore lu Poubelle’s girls, tu peux le rajouter sur ta liste, et même le coller en haut. Puis si tu veux plonger dans le noir/noir, tente Scarelife ou le rocambolesque grivois, Butterface, le premier est de Jeanne, les seconds de Max.

Max avait fondé la maison d’édition Krakoen, une boîte unique en son genre. Souvent l’auteur râle que l’éditeur ramasse la plus grosse part du gâteau, même si ce n’est pas lui, d’ailleurs, mais bien plus le diffuseur distributeur qui se gave, alors était venue l’idée de Krakoen, une maison en forme de coopérative, une SCOP bien avant l’heure. Et Jeanne l’avait rejoint à la barre très rapidement.

Une aventure qui a duré une dizaine d’années, et qui a vu émerger certains talents, comme Paul Colize, Elisa Vix par exemple… La maison fut revendue à un éditeur dit classique, et elle n’existe malheureusement plus aujourd’hui.

Mais Jeanne et Max n’allaient pas se cantonner à simplement écrire, le travail éditorial leur manquait. Et comme la première fois, il leur fallait faire quelque chose qui n’existait pas, ou peu sur le marché.

Une maison d’édition qui n’édite qu’en numérique (tout en ligne comme on dit) et qui en plus donne la part belle à la nouvelle !

Doublement périlleux, mais aussi doublement intéressant !

Pourquoi périlleux ?

D’une part, nous autres, Français, sommes attachés au livre traditionnel, le fameux format papier, que l’on corne, que l’on annote, que l’on fait dédicacer, ou que tout simplement, on range, on expose dans sa bibliothèque. Le genre de truc pas facile à faire avec du numérique… Seul, reste en commun le plaisir de la lecture. En revanche, lire sur tablette, ou tout autres supports digitaux, présente de nombreux avantages, comme : moins de poids pour prendre l’avion, plus facile dans les transports en commun, et surtout, moins cher…

D’un autre côté, tu as le format court, la nouvelle, la novella… Un exercice que de nombreux auteurs apprécient, mais que le lecteur boude. Enfin, quand je te dis qu’il boude, il boude surtout l’auteur français, il trouve que c’est réservé aux anglo-saxon, aux ricains.

Bien que, doucement mais sûrement la nouvelle commence à se faire une place, les nouvelles plates formes comme Netflix ont donné un nouveau regard sur les histoires courtes. Mais est-ce que cela suffit à nos deux éditeurs ?

Editions SKA

Stanislas PETROSKY : Bonjour Max et Jeanne, bienvenus sur Zonelivre. Comment on se lève un matin en disant : et tiens, si on faisait une maison d’édition qu’avec du numérique et surtout du format court ?

Jeanne DESAUBRY : Une idée de Max, qui n’en pouvait plus de supporter tout l’aspect logistique de Krakoen, et qui est par ailleurs toujours curieux de tout… et notamment des nouvelles technologies informatiques.

Max OBIONE : On a voulu conserver le plaisir d’éditer en abandonnant les lourdes contraintes de l’édition papier. Ce plaisir c’est la découverte de nouveaux auteurs, le travail avec eux. Avec Jeanne dans le rôle de la sage-femme (hum) on accouche de nouvelles plumes.
Qu’on ne se méprenne pas, le livre papier est une invention indépassable, le livre numérique est un nouveau mode qui s’ajoute et n’entend s’y substituer. Pour les gourmets de lecture, je dirai qu’on est partisan de la formule : fromage et dessert ! Une addition des possibles en matière de lecture, et ça c’est épatant ! Non ?

SP : Ska, c’est quoi ? Sa ligne éditoriale, ses auteurs ? Vous fonctionnez, pour le choix et le travail édito comme une maison « classique » ?

Jeanne : D’un bout à l’autre, c’est un travail éditorial classique avec lecture, choix, travail avec l’auteur, maquettage, corrections, etc… Au final, il n’y a que le support digital qui change, le produit immatériel. Pour la ligne éditoriale, on reste éclectique selon deux directions : la littérature noire et la littérature rose, en veillant à la qualité littéraire.

Max : A cela il faut ajouter, la distribution des ouvrages sur toutes les plateformes de téléchargement en ligne. Une fois mis en ligne les e-books vivent leurs vies ad vitam. Pas d’épuisement des titres toujours disponibles, pas de pilon, pas de retours, pas d’arriérés de facture, etc.

SP : On ne va pas faire semblant, je connais bien la maison, j’y ai lu quelques nouvelles fort sympathiques, pas mal d’auteurs, et non des moindres, sont venus écrire pour vous. Les auteurs français aiment ce genre d’exercice ?

Jeanne : C’est un exercice périlleux, mais intéressant, et les plus grands s’y hasardent parfois. Comme ils n’aiment pas que des textes dorment dans leurs tiroirs, ma foi, nous sommes là pour les éditer avec eux.

Max : La nouvelle est parfois le passage obligé de l’auteur débutant. Les concours de nouvelles aident les velléitaires à sauter le pas.

SP : Chroniquant, lisant, écrivant, je traine sur les pages de lectures, les sites, les blogs, et je ne vois que très rarement de la critique, de la chronique de nouvelle. Comme si l’exercice de donner son avis sur un texte court se révélait très compliqué… Comment ce fait-ce ?

Jeanne : Pour être pris au sérieux, il faut un gros pavé ? Je ne sais, je ne m’explique pas.

Max : C’est assez mystérieux, ce préjugé est d’abord français, il est encore très tenace chez les éditeurs, les libraires, les professeurs, les universitaires. Ce préjugé diffuse chez bon nombre de lecteurs potentiels. Entre le classique « la nouvelle, ça ne se vend pas » ou l’inévitable « c’est trop court pour que je rentre dans le récit », on est face à un obstacle qu’on espère ébranler avec les nouveaux moyens de lecture portable (smart, liseuse) ; en effet le format court est bien adapté pour le temps de lecture contraint par ces temps accaparés par la fiction sérielles notamment.

SP : Qu’est-ce que vous diriez aux lecteurs de Zonelivre pour les inciter à lire de la nouvelle, à aller vers le texte court ?

Jeanne : C’est une bonne façon de découvrir l’univers d’un écrivain, et puis en numérique avec des prix tout doux, on peut butiner autant qu’on veut… Le format est idéal pour les gens pressés, qui disposent d’un peu de temps qu’ils veulent s’arracher à la sinistrose de l’actualité.

Max : La petite forme littéraire est un art à elle seule. On est dans l’ébauche, en quelques traits le décor est dressé, les personnages s’animent. La pochade c’est la vérité de l’artiste en peinture. J’irai affirmer la même chose pour un écrivain. Pas de gras, du muscle et des nerfs. On peut préférer les grosses machines boursoufflées de pages et de descriptions, de retour à la ligne pour faire nombre, mais si on aime la littérature, qu’importe le véhicule ! Le petit véhicule de la nouvelle réserve bien des bonheurs de lecture. Refuser par a priori de lire des nouvelles dénote à tout le moins une fermeture d’esprit. Relisez Un Cœur simple de Gustave Flaubert, Boule de Suif de Maupassant, ces chefs d’œuvre, ce sont des nouvelles, figurez-vous ! Noooon, je le crois pas ! Lisez les joyaux d’Oppel, et les bijoux des deux compères Pouy et Villard, bref plongez dans le catalogue SKA !

SP : Pourriez-vous dire quelques mots sur cette nouvelle collection, Il est N ?

Jeanne : Beaucoup de tes lecteurs connaissent la formidable énergie de Jérémy Bouquin, son style très particulier en forme de coup de poing dans la gueule. Quand il est venu vers nous avec ce projet, on a adhéré immédiatement.

Max : L’air du temps est à la série, on renoue avec le feuilleton. Le digital et l’impression à la demande s’y prêtent parfaitement. Voir resurgir un Fantômas contemporain ayant bouffé du Poulpe dont il emprunte le processus de création collective, chaque mois un nouvel auteur et un nouvel épisode sans continuité, tel est le contrat qu’on passe avec les amateurs de littérature de genre. J’ai l’honneur de signer le premier épisode, déjà les auteurs se bousculent au portillon pour participer à cette aventure éditoriale. Longue vie à ce monstre de N !

Plus d’information sur la collection ici

Il est N
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SP : Vous rééditez aussi certains classiques en numérique, pourquoi ?

Jeanne : Il y a les textes qui ne se trouvent plus, aussi bien en noir qu’en rose ou dans des éditions gratuites bâclées. Et de si beaux textes méritent d’être exhumés avec professionnalisme.

Max : Les textes sont certes tombés dans le domaine public, mais nous ne sommes pas des flibustiers qui en profiterait, nous offrons une préface inédite d’un auteur contemporain qui éclaire l’ouvrage au regard de l’histoire et du genre en cause. Michel Bussi  nous a donné une préface au 813 de Maurice Leblanc (en promo) ; Roger Martin vient de signer une préface aux Histoires épouvantables de Gaston Leroux qui sort ce mois-ci (avril 2021).

SP : Où trouve-t-on les ouvrages de Ska éditions ?

Jeanne : Eh bien, mais… partout ! Sur toutes les plateformes très connues, et chez tous les libraires qui se regroupent, au format .epub, .mobi, et PDF, sans verrou DRM.

Max : On les trouve également en streaming, en prêt de bibliothèque, le cas échéant. Comme le Web le permet, on nous trouve de ce fait partout sur la planète, en tout lieu, en tout temps, à chaque instant. Un quart de nos ventes vient de l’étranger, sans doute les expat’ et les amateurs de fiction en langue française.

SP : Jeanne, Max, au plaisir, et vive Ska !

En savoir plus sur https://skaediteur.net/

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Stanislas PETROSKY
Stanislas PETROSKY
Après avoir passé 30 ans à préserver les corps des défunts, Stanislas Petrosky est aujourd'hui enseignant en thanatopraxie dans un centre de formation spécialisé. Auteur de nombreux ouvrages, il débute aujourd'hui une série autour de l'une de ses passions, l'anthropologie criminel et ses fondateurs. Prenant pour base de véritables affaires traitée par le professeur Alexandre Lacassagne, Stanislas Petrosky plonge avec érudition dans ce monde si particulier qu'est le monde du crime au tournant du XIXe siècle.

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