Interview de l’auteure Christine BRUNET

Christine BrunetAprès avoir lu « Vénus en Ré » et « Convergences », j’avoue que ma curiosité a été éveillée ; deux thrillers si riches, si denses, surtout « Convergences », j’ai voulu en savoir un peu plus sur l’auteur, ses influences, sa façon de travailler. Voici l’interview que Christine Brunet a eu la gentillesse de m’accorder.

Cathie L. : Ma première question concerne vos influences littéraires, les œuvres ou auteurs qui vous ont marquée, les livres qui vous suivent.

Christine BRUNET : Aucun livre ne me « suit » mais je dois dire que j’ai des auteurs incontournables, sans doute de ceux que les lecteurs considèrent aujourd’hui comme « dépassés ». Ce sont des écrivains qui ont façonné mon imaginaire, dont j’ai lu et relu les écrits et qui ont su m’emporter dans leur univers : Jules Verne, Alexandre Dumas, Maurice Leblanc… Dostoïevski, Proust, L’Abbé Prévost, Molière, Hugo et j’en passe.

CL : Quand vous étiez enfant, lisiez-vous ou écriviez-vous ?

CB : J’ai appris à lire très tôt, « seule », pour pouvoir vivre en direct les aventures de… Oui-Oui… Ben oui… Extraordinaire personnage pour un enfant : courageux, aventureux, honnête… Ensuite je ne me suis plus jamais arrêtée. La lecture est un aspect incontournable de ma vie. Quant à écrire, non… Comment se mesurer à de tels auteurs ? Impossible. J’ai sauté le pas alors que j’habitais en Grande-Bretagne et seulement parce que je m’ennuyais. Je ne pensais pas partager un jour mes élucubrations avec des lecteurs.

CL : J’ai lu dans votre biographie que vous avez une soif d’apprendre. Comment cette soif se manifeste-t-elle dans votre travail d’écrivain ?

CB : Pour moi, un roman policier, un thriller, un sf n’est crédible que lorsqu’il colle à la réalité. La base est donc la documentation. J’apprends à chaque roman, je rencontre des tas de spécialistes, je découvre, je me documente, je voyage… Passionnant !!! Je sais à présent crocheter une serrure (ça peut servir), reconnaître les différents insectes nécrophages, ou des dépôts sédimentaires. Je suis incollable sur la Main rouge ou les Vorys, sur les rayonnements alpha ou gamma… Tout ce travail est un enrichissement personnel incroyable que je tente de partager avec mes lecteurs.

CL : En général, combien de temps vous faut-il pour écrire un roman ? Et pour « Convergences », plus longtemps que les autres ? Combien de temps de préparation avant de passer à l’écriture proprement dite ?

CB : Tout dépend du temps de documentation… On va dire de 6 mois pour Non nobis domine (j’habitais sur place et la documentation était historique donc plus facile d’accès) à 3,5 ans pour E16 ou même Poker menteur. Pour Convergences ? Un peu plus de deux ans… Mais il n’y a jamais de préparation à l’écriture : dès que j’ai le point de départ, les scènes tournent dans ma tête et lorsque la documentation sur l’instant que j’ai imaginé est parfaite, j’écris la scène et ainsi de suite. Je ne connais pas la fin de mes romans au début de mon écriture : je ne travaille pas sur scenario. J’ai besoin d’être également tenue en haleine, de frémir, de ressentir sur le coup les émotions qui secouent mes personnages. En fait comme j’imagine une enquête, je la fais au fur et à mesure grâce aux indices qui tombent, aux hypothèses lancées par mes héros, etc.

CL : Votre organisation : avez-vous un moment défini dans la journée ou dans la semaine où vous écrivez pour vos romans ?

CB : JAMAIS : je ne peux pas écrire sous la contrainte. Si je m’oblige, c’est mauvais. Par ailleurs, imaginer une scène, un dialogue, une rencontre me prend parfois plusieurs jours… des jours durant lesquels les images me hantent, m’agacent, me perturbent… mais durant lesquels je n’écris rien. Lorsque la scène est « prête », qu’il y a tout (les couleurs, les odeurs, certaines réparties, les sensations) je l’écris d’une seule traite, la tête dans le guidon, avec frénésie… Ce n’est que lorsque cette étape est terminée que je laisse mon imagination poursuivre son travail…

CL : Les lieux décrits dans vos deux derniers romans sont très précis, avec carte et plans à l’appui. Vous rendez-vous sur place ou vous documentez-vous à partir de guides ou sur internet ?

CB : Je vais toujours dans les endroits que je décris. Parfois, j’y suis allée plusieurs années auparavant, parfois juste avant l’écriture. Mais impossible de décrire un site, une maison, un pays via maps google ! J’ai besoin de faire passer les odeurs, les impressions ressenties sur place… C’est cela qui va participer à l’ambiance, qui crée le suspense et fait voyager le lecteur… Les odeurs sur l’Île de Ré sont très différentes de celles des collines provençales, par exemple. Londres et paris ne se vivent pas de la même façon. Comment faire ressentir la jungle birmane aux lecteurs si on n’y est jamais allé ?

CL : Les parties techniques sont particulièrement précises et réalistes. J’imagine que vous menez des investigations en amont : comment procédez-vous ?

CB : Je vais voir des spécialistes, je les écoute, je regarde, je prends des notes. Parfois, comme dans Nid de vipères ou dans mon prochain bouquin, HX13, j’utilise les recherches de mes contacts et je les amène sur un terrain plus « futuriste » mais en gardant le côté plausible, toujours.

CL : Venons-en maintenant à votre personnage principal Gwen Saint-Cyrq. J’avoue qu’elle me fait penser, par son look et par son comportement à l’héroïne de Stieg Larsson Lisbeth Salander. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous lu Millenium ?

CB : Vous allez sans doute hurler, mais je n’ai pas lu Millenium ! Impossible d’accrocher… Mais mes lecteurs m’ont en effet parlé de cette héroïne décalée.

En fait, pour Gwen, je cherchais un look atypique sans le trouver. Et puis, j’ai été opérée de la main : lorsque j’ai vu mon infirmière à domicile, ce fut une révélation ! Un look très atypique… Celui que je cherchais !!! En fait, je m’inspire de personnages vrais pour créer mes personnages… A part Axelle qui est le résultat d’un mix.

CL : Comment avez-vous choisi le patronyme de Gwen ? Saint-Cyrq => SIRC : la ressemblance des deux mots est-elle un hasard ?

CB : Gwen ? C’est le prénom de l’une de mes lectrices/consultante. Saint-Cyrq ? Une invention. Le SIRC : j’ai associé des initiales de façon « sexy » pour exprimer en 4 lettres le champ d’action d’une entité de police. Un hasard, pour cette homonymie.

CL : Raconterez-vous un jour les circonstances de la mort de Jerôme Signac ? En ferez-vous un roman dont l’action se situerait deux ou trois ans avant « Convergences » ?

CB : Très possible, oui. Pour l’instant, je travaille sur un 3e opus avec Gwen qui s’intitulera… « Gwen, Adieu… ». Mon prochain thriller, HX13, met en scène plusieurs années après « Poker menteur » et « Vénus en Ré » mes anciens héros (Axelle de Montfermy et Sean Sheridan) et Gwen avec Signac… Très amusant de confronter deux univers.

CL : Je sais que vous êtes également rédactrice en chef de la revue littéraire « Les petits papiers de Chloé ». Comment cette collaboration s’est mise en place ? Pouvez-vous nous parler un peu de cette revue : quel genre de livres y sont chroniqués ? Quelles sont les infos, les rubriques qui la composent ?

CB : En fait, mon premier roman, Nid de vipères, a été édité par les Editions Chloé des Lys (CDL). Il s’agit d’un éditeur belge à compte d’éditeur, mais un éditeur très particulier puisqu’il ne fonctionne qu’avec une équipe de bénévoles (c’est une ASBL). Dans le même temps et à une semaine d’intervalle, mon second thriller, Dégâts collatéraux, a été accepté par un éditeur français à compte d’édition également, plus important que CDL. J’étais diffusée et distribuée partout en France par De Borée. Je commençais à avoir une bonne vision de l’univers de l’édition, de la promo, etc.

A l’époque (2011), pour ma promo, j’avais créé deux blogs en plus de mon site, l’un d’eux dédié exclusivement aux auteurs de Chloé des Lys. Je n’y croyais pas mais ça a marché. Un jour, l’une des bénévoles de CDL a jeté l’éponge : il faut dire que son travail (promo des auteurs) demandait du temps et que certains auteurs, très désagréables, l’injuriaient, la harcelaient… Le boss de CDL m’a demandé si je ne voulais pas reprendre le flambeau. Par reconnaissance, j’ai accepté. Puis Bob Boutique, le patron d’Actu-tv m’a demandé de présenter l’émission… J’ai trouvé ça marrant, j’ai accepté. Puis le boss m’a demandé de reprendre le concept de magazine qui avait capoté quelques années plus tôt… Je ne pensais pas que ça prendrait beaucoup de temps… J’ai accepté mais le temps n’étant pas extensible, j’ai fermé l’un de mes blogs, passion créatrice, pour ne garder que celui dédié aux auteurs CDL. J’ai réuni autour de moi des auteurs fiables, on a trouvé un visuel, un titre. Certains des collaborateurs sont partis depuis mais le noyau dur reste fidèle et nous avançons sans nous créer de pression.

Nous y chroniquons des livres « coup de cœur » mais attention, des ouvrages d’auteurs inconnus ou peu connus : les auteurs connus n’ont pas besoin de plus de pub. Aujourd’hui, il y a un tas d’auteurs de talent qui ne parviennent pas à percer mais qui ont été remarqués par des structures comme CDL. « Le blog aloys », « Les petits papiers de Chloé », Actu-tv, autant de structures qui sont là pour leur rendre hommage.

Que contient notre revue ? Une bande dessinée (Bob le Belge), depuis le dernier n°, un manga créé par une jeune fille de 15 ans. Nous y publions les textes gagnants des concours que j’organise sur le blog aloys, vous savez, celui dédié aux auteurs CDL. Nous parlons également édition, etc. Il y a des rubriques qui, tout en suivant un thème, aborde un aspect culturel ou un mouvement d’humeur.

CL : Vous êtes également directrice de Chloé des Lys Collection : en quoi cela consiste-t-il ? Quelles sont les répercussions de votre travail d’éditrice sur votre activité de romancière ? Je pense surtout au temps passé pour l’un et pour l’autre.

CB : Les Editions Chloé des Lys évoluent en permanence. Nous avons plus de 450 auteurs au catalogue. Certains vendent peu (poésie, autobiographie, essais…), d’autres vendent beaucoup. Collection a été mis en place pour cette dernière catégorie d’auteurs. La qualité du livre est différente, le prix couverture également. Les livraisons pour les dédicaces sont plus rapides.

Mais il est vrai que toutes ces occupations grignotent sur mon temps d’écriture. Lorsque j’ai besoin d’écrire, lorsque je suis en dédicaces, lorsque je pars en documentation ou en voyage, je ne m’occupe pas des auteurs CDL. A contrario, je suis toujours là en cas de coup dur : pour moi, CDL est un éditeur atypique, proche de ses auteurs, qui sait les prendre par la main et les accompagner tout au long du processus d’édition puis au-delà. Pour l’instant, j’arrive à tout gérer. Le jour où je ne le pourrai plus, on verra.

CL : Merci beaucoup pour cet interview et pour votre implication auprès des auteurs !

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Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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