Interview de l’auteur Frédéric BERTIN-DENIS

Rencontre avec l’auteur Frédéric BERTIN-DENIS pour son roman Matador aux éditions Lajouanie

Frédéric Bertin-Denis

Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Frédéric Bertin-Denis, pouvez-vous me décrire votre parcours ?

Frédéric BERTIN-DENIS : Je suis originaire du Haut-Doubs où j’ai passé une enfance très heureuse. A l’adolescence, mes priorités étaient les copains, le punk rock, les voyages (Irlande, Gambie, Sénégal, Equateur) et la lutte contre toute forme de fascisme. Puis j’ai poursuivi de très longues études de linguistique à la fac de lettres de Besançon. Je suis allé jusqu’en doctorat, mais j’ai laissé tomber faute de financement. A la fin de mes études, j’ai décroché un poste de prof de conversation française en Corée du Sud. Alors que j’étais rentré en France pour les vacances de Noël, j’ai rencontré Janette qui est ma compagne depuis 25 ans. J’ai mis un terme à mon contrat coréen quelques mois plus tard et j’ai passé le concours de prof de lycée professionnel en lettres-Histoire. J’ai enseigné une douzaine d’année dans la banlieue de Montbéliard, puis j’ai eu l’opportunité d’intégrer l’IUT de Besançon-Vesoul en tant que prof de communication.

Depuis 25 ans je vis entre mes deux villages, l’un en Haute-Saône et l’autre dans la province de Jaén en Andalousie.

JP : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?

Comme beaucoup d’enfants des années 70, je ne remercierai jamais assez le bibliobus qui chaque semaine s’arrêtait dans la cours de l’école. C’est là que j’ai découvert les fameuses bibliothèques rose et verte. Les premiers romans policiers que j’ai lus sont issus de ces bouquins : le club des 5 ; le clan des 7 ; Fantômette par exemple m’ont accompagné plusieurs années. Au même moment, je lisais beaucoup de BD. En effet mon père était responsable de la bibliothèque de son usine et ramenait les nouveautés à la maison pour que ma mère les couvre. Mes préférences allaient vers la patrouille des castors, Johan et Pirlouit, Rahan, Michel Vaillant. A l’adolescence, j’ai découvert Stephen King, Lovecraft… J’ai dévoré beaucoup de livres fantastiques et horrifiques. Dans le même temps je me suis passionné pour Boris Vian. Puis le polar est arrivé « violemment » dans ma vie avec James Ellroy. Ce ne fut que le début de mes amours polardeuses. Je ne citerai que quelques noms qui m’ont fait vibrer et le font encore : Lehane, Fajardie, Jonquet, Daenincks, Vasquez Montalban, Ferrey…

JP : Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?

Je crois que l’envie d’écrire m’est venue vers 16-17 ans. Ce qui m’intéressait, c’était de raconter des histoires. A l’époque je pensais surtout écrire des scénarii. Mais cela est resté au stade de l’envie… Trop peu de confiance en moi et surtout une vraie fainéantise ! Cette envie d’écrire est revenue au début des années 2000. Plusieurs intrigues me trottaient dans la tête et ma femme m’encourageait à les coucher sur le papier. Il a fallu que je sois immobilisé pendant plusieurs semaines par un problème vertébral pour que je ne puisse plus repousser l’échéance. C’est à ce moment-là qu’est née la première version de Matador.

JP : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)

J’écris tôt le matin. Vers 6 heures (en vieillissant, j’avoue que cet horaire a tendance à se retarder). J’écris jusqu’à 12- 13 heures. Puis je relis les écrits du matin en fin d’après-midi. Je n’écris que pendant les vacances donc cela se passe dans le bureau de notre maison andalouse. Je mets un peu de musique et c’est parti pour une matinée studieuse !

JP : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ?

Oui. J’ai besoin de maîtriser l’ensemble de l’intrigue pour me lancer. Dans la construction de mes romans, je procède à une longue recherche documentaire afin d’être le plus juste possible avec mes personnages et le plus cohérent avec les évènements que je relate (d’autant plus quand ils sont historiques ou politiques). Ensuite j’écris la bibliographie complète de mes personnages principaux. Enfin quand je suis totalement imprégné de ces éléments, je peux me mettre à mon clavier. C’est un processus de longue haleine. Chacun de mes romans représente plusieurs années de maturation.

JP : Pouvez-vous nous parler de votre roman « Matador » aux éditions Lajouanie ?

Matador est la première enquête de mon personnage récurrent l’inspecteur chef Manuel El Gordo dit El Gordete (le petit gros). Le projet du roman était de le construire comme une véritable corrida de toros. Chaque partie du roman correspond à un des moments-clef d’une corrida. Le rythme est aussi celui des combats taurins avec ses lenteurs et ses accélérations. Je voulais également jouer avec les codes d’une enquête policière (fausses pistes, rebondissements, jeu du chat et de la souris…). En effet, on connaît dès le début qui est l’assassin et le suspense repose sur comment les flics vont le coincer. Je voulais aussi faire découvrir le monde de la tauromachie à un public qui n’y est pas habitué. Que l’on soit aficionado ou anti-corrida, je crois que le roman permet de comprendre quelques enjeux de cette pratique.

JP : Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?

Hormis quelques noms de matadors célèbres que je me suis amusé à transformer, pas vraiment dans ce roman.

JP : Le parcours a-t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?

Quand j’ai commencé à écrire, je ne connaissais personne dans le monde de l’édition et encore moins comment faire pour être publié. J’ai envoyé des manuscrits au petit bonheur la chance et naturellement cela n’a rien donné. C’est pour cette raison que j’ai publié la première version de Matador à quelque chose qui s’apparente au compte d’auteur. Le succès a été très confidentiel.

Heureusement, Jean-Charles Lajouanie, après avoir publié mon troisième roman, 7 milliards de jurés ?, a décidé de donner une nouvelle chance à Matador. Je ne peux que le remercier d’avoir cru en cette nouvelle version du roman.

Frédéric Bertin-Denis

JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « Matador » ? A moins que le silence suffise ?

Pour ceux qui lisent mes romans, la bande son est intégrée à l’intrigue. El Gordete est un mélomane éclectique dont les goûts vont de l’opéra à l’anarcho-punk underground.
Bien sûr pour les lecteurs qui veulent coller au monde de la corrida, un paso-doble s’impose. Pour ma part, je conseillerais peut-être l’album Berlin de Lou Reed pour le côté sombre du roman ou le final de La Traviata pour la dimension tragique de toute corrida ou encore les œuvres complètes de Poison Girls.

JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de vos livres ?

« J’aime pas les polars, mais vous, ça va ! » reviens régulièrement dans les salons du livres généralistes. Sinon on me reproche quelquefois la violence de mes romans et pourtant je fais de mon mieux pour ne pas tomber dans le gore. Par exemple, pour Viva la muerte !, mon deuxième roman, basé sur de nombreux témoignages de victimes du franquisme, j’ai été obligé d’édulcorer certaines scènes tant la cruauté de la réalité était impossible à transcrire sans choquer les lecteurs les plus avertis.

JP : Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?

J’aime toutes les formes d’art avec une prédilection pour la musique (rock, punk rock, classique) et la peinture (Bosch, Brueghel, Van Eyck, Vermeer, Diego Rivera, Frida Khalo, Magritte, Picasso, Dali, et toute la peinture naïve).
Pour ce qui est de mes autres activités, je participe à des associations : une humanitaire qui aide une école d’enfants sourds au Bénin (ASUNOES France) et une autre (Pas serial s’abstenir) plus en relation avec notre passion commune pour le roman noir et dont l’activité principale est d’organiser le salon des littératures policières, noires et sociales de Besançon.

JP : Avez-vous des projets ?

Dans l’immédiat, je travaille sur une nouvelle pour un recueil sur le thème de la colonisation. Ce sont les éditions du Caïman, autour de Patrick Amand, qui coordonnent ce livre. Cela devrait paraître au début de l’année prochaine au moment des commémorations des 60 ans des accords d’Evian.
Sinon, j’ai commencé à travailler sur mon quatrième roman. Il est un peu tôt pour en parler car je n’en suis qu’aux recherches documentaires, mais il traitera du thème des trafics d’humains. J’espère que mes lecteurs seront contents de retrouver El Gordete, Remedio et tous mes personnages récurrents.

JP : Quels sont vos coups de cœur littéraires ?

J’aime toujours autant lire Caryl Ferey et Marin Ledun, qui pour moi sont devenus les fers de lance du polar français. J’aime beaucoup la série Hanna Baxter de Sonya Delzongle. Je citerai aussi comme révélation (bien que déjà confirmée) Valentine Imhof dont j’apprécie l’écriture acérée et les personnages dézingués.
Enfin, je ne me lasse pas de Balzac (toute la Comédie Humaine).

JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?

Je ne suis pas très fan des réseaux sociaux, mais j’ai un compte Facebook à mon nom où l’on peut me laisser des messages. Surtout n’hésitez pas, je ne connais pas d’auteur qui n’aime pas avoir de retour sur son travail. Sinon, les lecteurs et les organisateurs de salon peuvent me contacter par le biais des éditions Lajouanie.

JP : Merci Frédéric Bertin-Denis d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Le petit plus : Questionnaire de Proust

Si vous étiez un personnage de fiction ? Jean Valjean
Si vous étiez un livre ? Voyage au bout de la nuit
Si vous étiez un film ? Le cabinet du Dr Calligari
Si vous étiez un mot ? Gargantuesque
Si vous étiez une destination ? Trinidad à Cuba
Si vous étiez une mauvaise habitude ? la procastination

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Jérome PEUGNEZ
Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.

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