Valérie ALLAM : Quatre morts et un papillon

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Valerie ALLAM - Quatre morts et et un papillon
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  • Éditions du Caïman le 11 octobre 2018
  • Pages : 232
  • ISBN : 9782919066704
  • Prix : 13,00 €

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Dans ce roman choral, Valérie Allam nous conte l’histoire de quatre femmes. Rien ne devait les faire se rencontrer, et pourtant… Les mauvais tours que sait jouer la vie pour les unes, le déterminisme social, pour les autres vont les conduire à fréquenter les mêmes lieux. Dès lors, leurs destins seront scellés. Entraide et trahisons pour sauver ce qui peut encore l’être deviendra leur quotidien. Le combat de ces femmes est un conte moderne et noir, un constat de ce que notre monde d’aujourd’hui peut devenir pour chacun d’entre nous…

L’AVIS DE LAURENT FABRE

Quatre morts et un papillon de Valérie Allam est un ballet moderne et noir, une très belle découverte !

Loubna, Magali, Johanna, Chloé …
Des rencontres improbables, le hasard, le destin, rien ne laissait penser que ces quatre femmes croiseraient, un jour, leur route.
Cette route de la vie, encombrée, vicieuse, pleine de surprises, comme les bons et les mauvais jours, il est des moments où certaines portes auraient dû rester fermées, à double tour …

Voilà un roman qui excelle dans l’art de l’alternance des voix, autant rester concentré pour suivre le parcours d’âmes en perdition, les contes ne sont pas réservés uniquement aux enfants, les adultes cherchent aussi à rêver, à espérer des lendemains meilleurs, un monde merveilleux et plein d’ondes positives, inutile de tourner autour du pot, c’est un roman très dur, souvent irrespirable pour trouver un second souffle, rien n’est épargné au lecteur, la violence sonne comme le glas d’une issue des plus incertaines, dans les coups physiques autant que les désordres psychologiques, le quotidien réserve leur lot de labeur pour survivre, pour donner un sens à sa vie, tant qu’il y a de la vie, tous les espoirs sont permis, roman polyphonique pour une symphonie funeste digne d’un wertern urbain et de toutes les nuances du noir.

Dès les premières lignes, dans la peau des personnages, des héroïnes aux antipodes l’une l’autre, ressentir le poids de la souffrance, d’un passé qui revient toujours au galop, des thématiques pertinentes et percutantes et apportent ce regain constant à la lecture, les blessures béantes sont à vif, la résilience à l’oeuvre pour comprendre et éprouver une empathie croissante, la volonté d’accorder tous les liens dans un combat inégal, dans cette zone urbaine d’un quartier de Paris, comme l’anfractuosité d’un rocher, rien n’est jamais gagné d’avance pour anticiper les sillons des larmes qui peuvent se creuser, inexorablement, des souvenirs pernicieux aux fractures profondes qui déboussolent, déchirent l’âme, il n’existe pas de mode d’emploi pour tenter de se faire une place dans cette société impitoyable, j’ai pris le temps d’absorber chaque page comme autant d’uppercut, puiser dans ses dernières réserves pour affronter la perfidie et le chaos du destin, quand on croit être arrivé, c’est le début des ennuis …

La construction originale du roman, reprendre à la volée les derniers mots du paragraphe précédent pour enchaîner avec un autre personnage, le rythme est sous tension permanente, difficile de marquer une pause, histoire de souligner que c’est une lecture qui vous agrippe, en situation de danger et de survie incessante, le temps est l’un des facteurs X pour en appréhender tous les enjeux, l’auteure maîtrise l’art du suspense, presque comme dans un huis-clos, des portes et des fenêtres qui peuvent être perçues comme des métaphores, résister à la tempête du dehors et des menaces invisibles comme visibles, l’ouverture vers d’autres opportunités à saisir ou à éviter, l’importance des choix et leur déterminisme, questionnements sociétaux, un fil suspendu pour relier les points cardinaux, l’histoire est dans la fluidité du mouvement, suivant les points de vue de chaque protagoniste, rupture des vaisseaux de conscience, éphémères absences pour appuyer l’impertinence et le déséquilibre des forces, l’émotion finit par l’emporter , dans le coeur et dans les tripes, à l’image du titre éponyme dont le lecteur cherchera à donner un sens, un cheminement imprévisible pour un roman qui convergera vers des rebondissements fulgurants.

Tous les repères sont désordonnés, la quête d’un bonheur impossible, dans la noirceur des sentiments, dans les affres de la vie abandonnée et des trahisons qui se mettent en travers, la solidarité féminine est une des réflexions majeures de cette histoire contemporaine, des étincelles peuvent donner un semblant d’illusion, comment discerner le vrai du faux, les mensonges et les non-dits, déceler des signes ou des pistes acceptables, trouver sa place est loin d’être une simple sinécure, dans la difficulté et les obstacles qui jalonnent toutes les vicissitudes de la nature humaine, Quatre morts et un papillon se lit comme un conte moderne, à caresser les abîmes des crevasses pour en extirper l’essence de nos âmes les plus bienveillantes, la route est longue avant de décrocher le jackpot, chaque personne est remarquablement abordée, des pans de leur vie d’avant sont distillés, page après page, comme un puzzle, au lecteur de réunir toutes les pièces, de participer en quelque sorte à l’éclosion et à donner au roman cette force émotionnelle qui peut surgir à tout instant, briller comme au firmanent, prendre la tangente avec des risques inhérents à toutes les décisions cruciales.

Rarement, j’ai été aussi ébloui par le jeu réaliste des protagonistes qui évoluent dans une sphère fragilisée, dans les cauchemars ou dans les désirs de tourner le dos au passé avec tous ses relents de décomposition avancée, le portrait saisissant de femmes d’aujourd’hui en lutte contre les autres mais aussi envers elles-mêmes, les fêlures sont particulièrement bien ressenties, l’horreur et la déchéance pour alterner avec des instants fugaces de joie et d’instants salutaires, comme une réverbération d’un rayon de soleil transitoire, des jours et des vies, la plume est d’une acuité palpable, lumineuse, les personnages secondaires ne sont pas en reste pour apporter toutes les implications et pondérations indispensables, une véritable tragédie humaine et dans l’air du temps, la mort danse avec les vivants, la rédemption est-elle possible quand on a touché le fond, quel est le prix de la paix de l’âme meurtrie par la vie ?

L’éditeur Editions du Caïman mérite amplement d’être reconnu à sa juste valeur, de grands noms ont déjà été fait la preuve d’un talent et d’une diversité comme Gilles Caillot (La couleur des âmes mortes), Guillaume Andru (Les ombres innocentes, Les chiens de Cairngorms), Nick Gardel (Droit dans le mur), Annabelle Pena (Arrêtez-moi là), Eric Calatraba (Haïku) etc …

Et il faut désormais ajouter Valérie Allam avec Quatre morts et un papillon, une première oeuvre réussie, magistrale en ce sens qu’elle a su m’envoûter par cette plume puissante pour dresser une composition émouvante et saisissante de quatre femmes blessées par la vie, apprendre à se libérer des chaînes du passé pour tracer un autre futur, dans le présent les luttes inégales ne sont pas toujours l’apanage des plus forts, la condition féminine, la survivance, la quête du bonheur et de la liberté, la renaissance métaphorique dans cette volonté commune de balayer les couches sinistres du passé, autant de combats qui ne font que commencer …

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