Sylvie BARON : Rendez-vous à Belinay

Sylvie BARON - Rendez-vous a Belinay
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PRÉSENTATION ÉDITEUR

La mort s’invite à l’ombre du Plomb du Cantal.

Depuis le suicide de son père, le député du Cantal Édouard  Cantelauze, Juliette, jeune antiquaire, vit avec sa soeur  et son frère adolescents dans la maison familiale de Belinay,  auprès de leur grand-mère, Cornelia. Cinq ans ont passé mais

les blessures restent vives. La mère de Juliette est partie vivre  à Paris avec l’aînée des enfants, Sonia, qui ne pardonne pas  à son père de s’être empoisonné le jour même de la réception  donnée pour ses vingt ans.

Faute d’une lettre d’explication, tout le monde est persuadé  qu’Édouard Cantelauze cachait une profonde dépression.  Lorsque Juliette découvre une lettre qui remet tout en cause…

Pour en avoir le coeur net, la jeune fille s’emploie alors à réunir  toutes les personnes présentes le jour du drame.

Lors du réveillon de Noël, tandis que les éléments se  déchaînent, coupant Belinay du reste du monde, les passions  les plus enfouies et les plus criminelles vont se dévoiler…

Origine Flag-FRANCE
Éditions Calmann Levy
Date 28 février 2018
Pages 320
ISBN 9782702160565
Prix 19,50 €

L’AVIS DE CATHIE L.

Rendez-vous à Bélinay a été publié par les éditions Calmann-Lévy en 2018, dans la collection « France de toujours et d’aujourd’hui ». Le récit est raconté à la troisième personne par un narrateur omniscient à travers le regard duquel le lecteur voit et entend tout ce qui se passe, ce qui, avouons-le, est bien pratique pour mener notre enquête. Les passages en italique, intégrées dans le récit même, retranscrivent les pensées des personnages.

Le mouvement, volontairement lent, se déroule au rythme des réflexions de chacun jusqu’au final de la nuit de Noël où tout s’accélère. Sylvie baron démontre un grand sens de la description dans un style poétique, comme dans ce passage où Juliette et sa petite sœur se promènent dans un paysage où « il fallait grimper des pentes abruptes, faire la trace dans la neige, braver le vent glacial jusqu’à l’entrée de la forêt, parcourir la sapinière argentée, suivre le défilé de mélèzes, marcher au bord de la combe, gravir des buttes pour admirer le panorama et se repérer dans ce grand désert blanc. » (Page 142), usant d’un vocabulaire riche, parfois sensuel, qui prend toute sa dimension lu à haute voix :

« Avant de s’engager sur le chemin creux, festonné de noisetiers, qui descendait en serpentant vers le village, elle se retourna pour regarder sa maison. La demeure paraissait vibrer sous cette lumière propre à la montagne, une lumière vive, aiguë, fugace qui accentuait les reliefs et donnait de l’éclat à l’or fauve des murs et aux toits de lauzes grises. » (Page 36).

Rendez-vous à Bélinay est construit comme un whodunit : tous les suspects sont réunis dans un lieu unique, tous ont un mobile (rappelez-vous l’excellent Les dix petits nègres d’Agatha Christie); la seule différence notable est que l’enquête est menée par Cornelia et sa petite-fille, qui ne sont ni détectives, ni policières.

Les thèmes : dans une subtile disparité entre le monde issu du passé et le monde contemporain, Sylvie Baron montre les dangers de l’addiction à un environnement virtuel ainsi que les limites de la modernité, vantant des valeurs plus humaines. Rien ne saurait remplacer la convivialité et l’entraide, postulat d’autant plus criant en cas de crise, comme celle qui frappe le monde agricole de plein fouet, évoquée en toile de fond, établissant le contexte dans lequel l’histoire se développe :

« Dans ce pays d’élevage, la crise se faisait lourdement sentir. Coincés entre les cours très bas et les marges abusives des intermédiaires et des industriels, les paysans devaient également faire face à la hausse de leurs coûts (…) la sécheresse n’avait rien arrangé, annonçant des difficultés supplémentaires, car la plupart avaient déjà puisé dans leurs réserves de foin et seraient obligés d’en racheter. » (Page 86).

Démontrant qu’il existe des solutions alternatives pour résister, se sortir du marasme tout en donnant un sens à un métier qui relève plus de la vocation :

« Aujourd’hui, le vent tournait. La course aux grandes stabulations semblait stoppée, l’endettement remis en question, la qualité permettait de se démarquer, de conserver des marges, de survivre. De tous les agriculteurs de la commune, les Apcher étaient sûrement ceux qui s’en sortaient le mieux. Ils avaient moins investi, pratiquaient l’autosuffisance chaque fois que c’était possible, pouvaient compter sur leur fidèle clientèle. » (Page 88).

L’intrigue

Depuis que son père, Edouard Cantelauze, député du Cantal, s’est suicidé cinq ans auparavant le jour de la fête d’anniversaire pour les vingt ans de Sonia, sa sœur aînée, Juliette vit avec son frère, sa petite sœur et leur grand-mère Cornelia dans la demeure familiale. Malgré le temps qui passe, les blessures restent à vif, d’autant que personne n’a compris le geste d’Edouard, qui n’était pas du genre à fuir ses responsabilités familiales et politiques, prenant même très à cœur sa mission auprès de la population locale.

Cinq ans plus tard, les questions sans réponse continuent de tarauder la jeune femme. Mais un jour, elle découvre, cachée au fond d’une boîte à cigare, une lettre qui remet en question la thèse du suicide. Son père aurait-il ingéré accidentellement une substance toxique ? Ou alors, plus préoccupant, s’agirait-il d’un meurtre ? Qui, parmi les personnes présentes le jour du meurtre serait le coupable ? Les candidats sont plus nombreux que Juliette veut bien se l’avouer. Afin d’en avoir le cœur net, Cornelia décide de tous les réunir pour le réveillon de Noël afin de démasquer celui ou celle qui a assassiné son fils.

Les lieux

L’essentiel de l’intrigue se déroule en huis clos, dans la demeure familiale des Cantelauze et ses environs, « un domaine, trop grand et sûrement trop cher à entretenir, mais qui offrait un havre de paix et de sécurité dans une nature unique, sauvage et généreuse. Le décor de la grande maison démontre la richesse des occupants sans toutefois verser dans l’ostentation, privilégiant un confort luxueux : « il embrassa d’un coup d’œil les tomettes cirées, l’immense tapis d’Aubusson et la grande glace Louis XV au cadre doré qui reflétait la lumière du lustre en cristal de Baccarat. » (Page 19)…. en apparence : « les couleurs fanées des tentures, le miroir ébréché, les vieilles étoffes roulées pour calfeutrer les fenêtres, le vélo cabossé de Marion (…) autant de clins d’œil malicieux qui faisaient de Bélinay un endroit unique, un endroit heureux, plein d’autant de courants d’air que de cheminées et de poêles à bois pour réchauffer le cœur. » (Page 20).

Mais l’âme de la vieille demeure seigneuriale réside dans la cuisine au décor chaleureux et accueillant comme un refuge où il fait bon se couler dans son ambiance simple et conviviale :

« Les paniers de bûches, la batterie de casseroles en cuivre, les pots de faïence sur les étagères, les herbes séchées suspendues au plafond, les placards en chêne clair et la grande table de ferme encombrée de victuailles…la grosse cuisinière Aga en fonte, élément central des lieux. Avec ses flammes vives, sa grande plaque de cuisson et son énorme conduit de fumée, le fourneau semblait investi d’une puissance particulière qui chauffait toute la pièce en l’irradiant d’une chaleur bienfaisante. » (Page 80).

Le climat

Dans Rendez-vous à Bélinay, le climat hivernal joue un véritable rôle, contribuant, d’une part, à installer une ambiance sombre, un peu étouffante : « Le col du Lioran restait ouvert, mais on ne circulait plus que sur une seule voie. Le chasse-neige qui les précédait dressait, de chaque côté de la chaussée, deux murailles blanches entre lesquelles la voiture s’engouffrait lentement, comme dans un couloir d’hôpital. » (Page 108), d’autre part à créer le huis-clos propice à l’investigation menée par Cornelia.

Puis, une fois tous les protagonistes réunis, la tempête de neige s’abat sur Bélinay, les bloquant pour quelques jours : « Eh bien, mes enfants, ça s’annonce vraiment mal ! Températures basses, vents violents, chutes de neige importantes, verglas (…) D’ores et déjà, les liaisons radio sont mauvaises, les réseaux de distribution d’électricité et de téléphone donnent des signes de défaillance. Nous ne sommes pas à l’abri d’une coupure totale. Comme il fallait s’y attendre, plusieurs routes sont coupées. » (Page 238), atmosphère angoissante qui reflète celle qui règne à l’intérieur de la maison : « Il y avait, dans cette maison, tant de haine, de tensions, de jalousie et cette enquête sur la mort de son père qui n’en finissait pas avivait les soupçons, les rancunes. » (Page 228)

Mon avis

Rendez-vous à Bélinay, polar d’ambiance, développe de réelles qualités descriptives, aussi bien pour les lieux et ambiances que la psychologie des personnages, mais aussi une reconstitution très juste du pays cantalou : ses paysages, ses réalités, ses hommes et leurs aspirations, leur mentalité et leur mode de vie, bousculés entre tradition et modernité.

Le roman utilise tous les composants et les artifices du whodunit, largement rebattus par des décennies de romanciers, comme la coupure d’électricité classique au moment de la révélation finale, le seul éclairage restant étant celui de la cheminée, mais ça fonctionne  grâce à la finesse du style, aux descriptions, certes nombreuses, mais distillées avec intelligence, et à des personnages attachants. On se glisse dans Rendez-vous à Bélinay comme on se glisse sous une couette douillette : on s’y sent tellement à l’aise qu’une fois la dernière page tournée, on s’écrit : « Déjà ?!? »

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