- Éditions Ex Aequo le 30 août 2017
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- ISBN : 9782359629521
- Prix : 25,00 €
PRÉSENTATION ÉDITEUR
Voyage à travers la Dordogne sur les trace d’un tueur en série hors normes qui assassine des jeune filles enceintes…
Janvier 1995, une pluie démentielle noie la ville de Limoges et ses alentours. Les corps martyrisés de deux adolescentes sont retrouvés flottant sur la Vienne. L’inspecteur principal Barakian, assisté d’un jeune officier de police, enquête sur ce qui paraît être les crimes d’un tueur en série. Il trouve la mort au cours d’une arrestation mouvementée, mettant ainsi fin à ces meurtres sordides qui excédaient une population à bout.
Février 2015, il pleut sans discontinuer depuis plusieurs jours sur Périgueux. Deux corps suppliciés d’adolescentes sont retrouvés à quelques jours d’intervalle dans une grotte touristique et flottant sur la Vézère en furie.
Eve Milano et Philippe Tavel, officiers de police judiciaire, sont saisis — avec la gendarmerie —, pour enquêter, au grand dam du major Blainville, misogyne jusqu’au bout des ongles. Cette enquête sur les crimes de tueurs en série va prendre une autre tournure lors de l’assassinat d’une troisième jeune fille. Les trois victimes ne partagent qu’un élément commun, une grossesse précoce ; pas assez concordants, selon le psychologue engagé par la gendarmerie, pour parler de l’œuvre d’un seul psychopathe. L’abandon d’un message sur le corps de chaque victime interpelle Milano. Il pourrait s’agir d’un rendez-vous morbide pour le crime suivant. Les intempéries vont compliquer le travail des enquêteurs, rendant les routes impraticables et provoquant le déraillement d’un train et une surcharge de travail pour des médecins légistes très investis.
Plusieurs suspects vont chambouler leurs investigations. Milano finit par identifier un tableau peint au Moyen Âge qui inspirerait les meurtriers. Un tableau auparavant accroché aux murs d’une école fermée depuis longtemps.
Une quatrième adolescente disparaît. Un compte à rebours diabolique s’est enclenché pour tenter de la sauver.
Ce polar noir conjugue passé et présent avec une intrigue sur fond de scandale !
L’AVIS DE CATHIE L.
Sophie Mancel, mère de trois enfants, est juriste. Passionnée de criminologie, elle est l’auteur de deux polars. L’écriture tient une place prépondérante dans sa vie puisqu’elle y consacre plusieurs heures chaque jour. Elle vit dans le sud de la France.
Le roman
Tuez-les toutes a été publié en 2017 par les éditions Ex Aequo. Il est le second roman de Sophie Mancel. Le premier, intitulé Cette vérité que l’on doit aux morts, a été publié en 2013.
Le style est direct, énergique :
« Duroy gara son véhicule dans ce qui devait être normalement un parking, mais qui ressemblait pour l’heure à une mare. Il rabattit la capuche de sa parka sur sa tête, attrapa la mallette d’analyses dans le coffre et s’approcha d’un petit débarcadère en pierre. Un homme, habillé d’un long ciré, était occupé à écoper l’eau qui remplissait le fond d’une barque. — Salut ! Adjudant Duroy. On m’attend au monastère. — Ouais ! Montez ! Duroy déposa sa valise sur le banc, à l’abri de l’eau et sauta lestement dans l’embarcation qui balança brusquement. Il se rattrapa sur le plat-bord et s’assit sur le banc. Sans un mot, l’homme ramassa sa gaffe, éloigna la barque du quai et godilla adroitement dans l’eau sombre. Les gouttes de pluie martelaient les eaux à la force d’une mitraille. » (Page 52).
L’écriture est soignée (malgré quelques coquilles repérées çà et là). Le vocabulaire, choisi avec soin, s’adapte aux différents locuteurs :
« Les deux officiers avançaient péniblement sur un sol noyé par cinq jours de pluie. Ils suivaient un sentier vaseux sous des frondaisons humides. Les arbres tendaient leurs branches chargées d’une eau glacée. Parfois, par une trouée, la pluie tombait plus forte et plus froide. — J’ai lu mon horoscope ce matin, j’aurais dû rester chez moi, déclara le lieutenant. — Que disait-il ? — Votre journée suinte les difficultés. — Vu le temps, celui qui a écrit ça ne risquait rien. C’est des conneries ! — Pas d’accord. Je vais baigner dans les contrariétés, ça commence par mes pompes qui vont être bonnes à jeter. — Parce que tu crois qu’avec des escarpins je suis plus à l’aise ? s’exclama la jeune femme en riant. » (Pages 19-20)
… et fait preuve d’une grande précision dans les descriptions :
« Le légiste hocha la tête, ôta ses gants en les faisant claquer d’un geste sec, les jeta dans une des poubelles et s’approcha d’un écran d’ordinateur. Il entra un code et tapa plusieurs mots sur un clavier. Un texte apparut qu’il fit défiler et il se tourna vers l’auditoire. » (Page 44).
Le roman est construit selon le point de vue des enquêteurs, excepté en deux occasions dans lesquelles on voit le meurtrier en action, symbolisant l’étau qui se resserre. Le lecteur a ainsi le privilège d’assister à l’évolution de l’enquête, que ce soit les procédures, dont voici ici un des nombreux exemples :
« Tout autour était déployé un peloton de gendarmes engoncés dans leurs parkas ruisselantes, chaussés de bottes et occupés à installer des trépieds surmontés de projecteurs pour éclairer les rives et à balayer du faisceau de leurs torches les broussailles à la recherche du moindre indice. » (Page 22)
ou les nouvelles méthodes d’investigation issues du profilage :
« Il avait suivi une formation outre-Atlantique sur le droit criminel et en avait rapporté une approche plus psychologique du crime, là où ses collègues enquêtaient encore à l’ancienne. Il croyait au profilage et à la victimologie. Il avait appris qu’une victime était rarement victime par le seul hasard d’une rencontre avec un tueur. Elle revêtait un caractère convoité par le criminel et l’étude de sa personnalité apportait souvent de vraies réponses aux enquêteurs. » (Page 66).
L’intrigue
1995. Deux corps d’adolescentes charriés par la Vienne en crue en huit jours. Enquête menée par l’inspecteur Barakian, à six mois de la retraite. Aucune piste. Aucun indice. Impasse totale. Affaire classée suite au décès de l’inspecteur alors qu’il poursuivait un suspect.
2005. A cinq jours d’intervalles, découverte dans la rivière de deux cadavres d’adolescentes, toutes les deux enceintes, apparemment tuées selon le même modus operandi que 20 ans plus tôt.
Dans le même temps, les archives du monastère sont dévastées. Mais pour quelle raison s’emparer de la liste des élèves d’une école fermée depuis 30 ans ? Qui, et surtout pourquoi, a volé les réserves de cierges de plusieurs églises de la ville ?
Existe-t-il un lien unissant ces divers événements et si oui lequel ? L’enquête menée conjointement par le capitaine Milano et l’équipe de Blainville a-t-elle un quelconque rapport avec l’affaire classée qui a coûté la vie du lieutenant Barakian 20 ans plus tôt ? Est-ce le même tueur ou un complice ? Autant de questions cruciales auxquelles les deux équipes devront répondre avant qu’une autre jeune fille ne disparaisse à son tour…
Police : de nombreuses allusions au malaise qui règne au sein de la police: manque de moyens se traduisant par des locaux souvent vétustes, l’absence de matériel informatique récent, pas assez de personnel. Le propos de l’auteur n’est pas de s’apitoyer sur le sort de ces hommes qui ont fait de ce métier leur quotidien, pris entre les exigences de statistiques positives et une réalité faite de violence et de désenchantement, mais de montrer du doigt des conditions de travail qui expliquent en partie le taux de criminalité toujours plus galopant, le nombre d’enquêtes non résolues.
Comme le dit le capitaine Milano : » Vous exercez un métier difficile, en manque de reconnaissance. J’ai entendu parler de suicides parmi vos collègues. — Nous ne sommes pas que des flics. Un cœur bat dans notre poitrine. Nous sommes amenés à enquêter sur des affaires accablantes. On a beau se répéter qu’on ne doit pas être dans l’affect, c’est difficile de se tenir à distance quand on enquête sur des tragédies. Enfin, on essaye d’accomplir notre tâche le mieux possible. » Il ne s’agit pas de réhabiliter une profession complexe et souvent mal connue, mais de comprendre.
L’ambiance
Le climat comme fil rouge: la pluie qui tombe sans discontinuer tout au long du déroulement de l’intrigue, au point que la préfecture a déclenché l’alerte « vigicrues », crée une atmosphère de fin du monde : les routes de campagne submergées rendant la circulation difficile, la rivière presque en crue, les accès aux grottes compliqués, les investigations en extérieur toujours plus ardue, les hommes contraint de revêtir bottes et parkas…
En plus de la pluie qui tombe sans discontinuer, des nappes de brume s’élèvent des eaux de la rivière, enserrant la ville dans une gangue cotonneuse, estompant les pourtours des bâtiments, rendant les choses encore plus compliquées : » Les pluies des six derniers jours, qui n’étaient plus absorbées par les sols détrempés, avaient fait monter le niveau des rivières. La cote d’alerte était largement dépassée. Les quartiers inférieurs de Périgueux, longeant l’Isle, avaient les pieds dans l’eau, les genoux même, conduisant le préfet à activer le plan rouge pour mettre les populations les plus exposées en sécurité. Les pompiers, assistés de l’armée, élevaient une digue artificielle de sacs de sable pour contenir la montée des eaux dans le centre-ville. La municipalité commençait la distribution d’eau en bouteilles. Les nappes phréatiques étaient polluées par le débordement des égouts. À l’extérieur, des villages prenaient des allures de cités lacustres et des paysans, dont les fermes étaient isolées, se sentaient oubliés de la civilisation » (Page 175). Dans de telles conditions, comment mener correctement une enquête criminelle aussi complexe ??
Mon avis
La construction originale du roman, notamment la présentation des chapitres : précision du jour et de l’heure suivie de la mention « Il y eut un soir, il y eut un matin: premier jour » => Évoque la Genèse : « Et Dieu fit l’étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et cela fut ainsi. Dieu appela l’étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le second jour. »… et fait écho avec le déluge ininterrompu qui s’abat sur la région pendant la première affaire et pendant la seconde, Dieu manifestant ainsi sa colère contre ses créatures qui lui ont désobéi.
Tuez-les toutes m’a littéralement subjuguée : ses scènes d’action maîtrisées ; ses personnages à fleur de peau, certains poursuivis pour un passé douloureux, d’autres engoncés dans des préjugés et des principes délétères, toutefois capables d’évoluer au point de reconnaître leurs erreurs de jugement ; une intrigue complexe, s’appuyant sur des concepts bibliques, donnant un petit côté érudit au roman ; le réalisme des procédures policières et des techniques de la police scientifique.
J’ai également beaucoup apprécié le concept d’enquête jointe entre les forces de police locales et les membres de la cellule spéciale d’analyse comportementale. Le choc entre deux conceptions opposées, mais finalement complémentaires : les méthodes traditionnelles et, il faut le dire, un peu vieillottes de la police et les nouvelles notions issues du profilage à l’américaine. Mais dans la lutte contre le crime et la violence, pas de place pour les combats de coq et les querelles de clocher. Seul compte le résultat !!
Encore une chronique diablement détaillée. Bravo
Yannick p
Merci beaucoup 🙂
Un polar sur fond historique, un polar sur les traces de croyances religieuses ancestrales, un polar bien ancré sur le territoire de la Dordogne. Mais pas que…Les personnages sont riches en épaisseur, les descriptions sont travaillées, l’écriture est précise et le style direct et soigné. Et puis ? Le suspens est haletant, les rebondissements nous font perdre haleine. Une question récurrente : qu’est ce qui relie les meurtres, séparés de 20 ans, de jeunes femmes toutes accidentellement enceintes et tuées selon les mêmes procédés et modes opératoires ? La pluie est omniprésente dans ce roman et devient un élément essentiel à l’intrigue, voire presque un personnage avec lequel il faut compter.
Ce livre est un vrai coup de cœur. Pas facile à lâcher tant il nous emporte dans des méandres qui nous nous entraînent tout au bout de l’histoire. Et lorsqu’on ferme le livre, nous restons encore un peu de temps sous l’emprise de son ambiance.