Sébastien DIDIER : Ce qu’il nous reste de Julie

Un roman riche, tragiquement grandiose, qui vous bouleversera autant qu’il vous captivera…

Sébastien DIDIER : Ce qu'il reste de Julie
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Présentation Éditeur

Vingt ans.
Cela fait vingt ans que Sébastien a quitté Sainte-Geneviève, sa petite ville natale du sud de la France. Trop de démons l’y tourmentaient. Aujourd’hui, comble de l’ironie pour un écrivain, c’est un livre qui le renvoie à ce passé qu’il s’est toujours efforcé d’oublier.
Le Temps d’un été.
Tout dans ce roman, qui s’annonce comme le succès littéraire de l’année, lui fait penser à Julie. Des références troublantes, des anecdotes qu’elle seule connaissait… À tel point qu’il en est persuadé : c’est elle qui l’a écrit.
Julie, son amour d’adolescent.
Celle qui a tant compté.
Mais qui est morte il y a vingt ans, assassinée par un tueur en série.

Origine Flag-FRANCE
Éditions Hugo&Cie
Date 1 avril 2021
Pages 427
ISBN 9782755687033
Prix 19,95 €

L'avis de Yannick P.

Un roman dans un roman. Un début calme, tendance littérature anglaise surannée, presque trop calme, pour finir dans un thriller sans effusion de sang.

Au départ, il y a une bande d’adolescents, amis à jamais. Arnaud, Emilie, Sébastien, Vincent et Julie. Mais Julie est morte. Il y a vingt ans auparavant. Assassinée par un tueur en série. Son corps n’a jamais été retrouvé. Julie était passionnée de lecture et d’écriture. Alors quand Sébastien, écrivain de son état, découvre  « Le temps d’un été », un livre de J. L. Dexley, mystérieuse auteure britannique, c’est l’occasion pour lui de revenir sur les lieux de son enfance. Ce livre présente trop de similitudes avec Julie. Trop pour être innocent.

Alors Sébastien retourne dans la région de Nice pour retrouver ces anciens amis. Arnaud, est devenu capitaine de gendarmerie, Emilie, psychothérapeute et son frère Vincent, artiste.

Amitiés, littérature, amour, le poids des souvenirs, que reste-il vingt plus tard ? Des espérances, des regrets.

Les personnages sont attachants, surtout Julie qui prend vie au fil des pages. Un livre enchâssé dans un autre pour jouer sur deux styles littéraires. A mesure que les chapitres se succèdent, les rebondissements trompent le lecteur qui se prend au jeu de la chasse.

Pour ce troisième roman, Sébastien signe un roman construit et maîtrisé.

L'avis de Cathie L.

Ce qu’il nous reste de Julie a été publié par les éditions Hugo Thriller en 2021. Le style de Sébastien Didier est fluide :

« Il tira un paquet de cigarettes de la poche de sa veste et m’en proposa une que j’acceptai. Je me penchai pour l’allumer à la flamme de son briquet et nous restâmes ainsi quelques instants à regarder les volutes de fumée se répandre au-dessus de nous et se déliter dans la nuit. » (Page 384)…

Chaque mot à sa place :

« Mais à l’heure des réseaux sociaux où tout un chacun était capable de dire avec certitude ce que ses « amis » avaient mangé à midi ou bien de quelle couleur était la chambre du petit dernier, moi je ne savais plus rien. J’avais laissé les années s’étirer entre nous comme on tend un drap pour masquer un paysage que l’on ne veut plus voir. J’essayai de courir plus vite que les fantômes de mon passé. » (Page 59).

Le ton des nombreux dialogues est juste; l’écriture soignée jusque dans les moindres détails :

« Elle réajusta le foulard autour de son cou, le même que celui qu’elle portait déjà la veille. Arnaud revint sur ces entrefaites, il posa une bouteille de bière décapsulée face à elle et me tendit l’une des deux autres qu’il tenait dans sa main gauche. » (Page 139).

Raconté au passé par Sébastien, le personnage principal, le récit entremêle le présent du narrateur à des bribes de son passé qui apparaissent au détour d’un mot, d’une phrase, dun souvenir évoqué par ses amis, le ramenant vingt ans en arrière.

Sébastien, jeune romancier en devenir, s’installe à Bordeaux afin de peaufiner son manuscrit. Il y fait la connaissance de Jean Dorchavel, libraire dont la boutique regorge de trésors, telle une caverne d’Ali Baba. Ce dernier lui offre un exemplaire de Le Temps d’un Eté, premier roman de L.J. Dexley, la nouvelle révélation britannique, en passe de devenir le succès littéraire de l’année. Sébastien ne se doute pas, en acceptant ce cadeau apparemment inoffensif, combien sa vie va en être à jamais bouleversée, le plongeant dans un passé qu’il tente d’oublier depuis vingt ans.

Il faut dire que Le Temps d’un Eté regorge de références et de similitudes troublantes, très proches de l’histoire et du destin de Julie, son amour de jeunesse: les noms, l’hôtel que gérait Anne, la mère de Julie, des anecdotes connues d’elle seule, jusqu’à sa passion pour la lecture  et l’écriture :

« Julie était une passionnée de lecture mais aussi d’écriture, elle ne se déplaçait jamais sans un journal ou un cahier pour y prendre des notes qui lui serviraient dans l’écriture d’un futur roman. Elle ne jurait que par les policiers, notamment Conan Doyle, Agatha Christie et d’autres. Elle connaissait leurs histoires par coeur. Exactement comme la Julie du livre. » (Page 43).

La première explication qui s’impose à Sébastien est que ce roman a été écrit par Julie elle-même. Mais c’est impossible. Parce que Julie Brunetti, celle qui a tant compté pour lui, a disparu vingt ans plus tôt, supposément assassinée par un tueur en série. Hypothèse retenue par la police bien que son corps n’ait jamais été retrouvé.

Alors… Qui est L.J. Dexley ? Comment a-t-elle pu connaître des détails que seuls ses proches peuvent connaître ? Elle a forcément obtenu ses informations quelque part. Mais où ? Par qui ? « Je veux savoir qui est derrière ce livre. Savoir qui la connaissait assez bien pour en parler ainsi dans un bouquin. Et comprendre pourquoi il l’a fait… Car plus j’y réfléchissais et plus j’en étais persuadé: La Julie du livre correspondait en tout point à celle que j’avais connue. Si j’y ajoutais les références à notre vie à Sainte-Geneviève ainsi que d’autres clins d’œil que seuls Emilie ou moi pouvions repérer, il n’y avait aucun doute. Celui qui avait communiqué ces renseignements à L.J. Dexley connaissait Julie aussi bien que moi. » (Pages 74-78).

Pourquoi ne sait-on rien de cette romancière anglaise ? Aucune interview, ni écrite, ni télévisée. Aucun visuel sur aucun réseau social. Impossible de l’approcher par sa maison d’édition…Circonstances qui ajoutent au mystère. Sébastien échafaude les théories les plus folles…Et si ??

Circonstances dans lesquelles Julie a disparu, le 12 juillet 2000. A l’époque, tout le monde, y compris la police, a conclu, bien que son corps ne fut jamais retrouvé, qu’elle avait été l’une des victimes du tueur en série Etienne Tramard, qui avait sévi dans la région. Pourtant, ce dernier avait avoué le meurtre de six jeunes femmes mais jamais ceux de Julie et d’Audrey, disparue quelques jours plus tôt. Seul son sac à dos avait été retrouvé dans la vieille ferme dont les restes surplombent le village, dans les montagnes environnantes. Comme on y avait retrouvé l’ADN du tueur, la police a conclu, un peu vite, qu’il l’avait entraînée jusque-là pour la tuer. Tramard s’étant suicidé en prison, avant de révéler tous ses secrets, tous avaient conclu que jamais ils ne sauraient le mot de la fin et devraient vivre avec cette blessure à vif jusqu’à leur dernier souffle. Mais la quête de Sébastien va permettre, d’une façon tout à fait inattendue, de répondre, vingt ans plus tard, aux questions qui le taraudent…

Sainte-Geneviève : village situé dans l’arrière-pays niçois où Sébastien est né et a passé son enfance et son adolescence. Malheureusement rattrapé par le modernisme à outrance et le tourisme de masse qui défigure Nice et sa région : « Désormais, chaque rez-de-chaussée de bâtiment ou presque accueillait sa devanture de magasin…Je n’en revenais pas de constater à quel point le paysage urbain avait changé. La haute saison n’avait pas encore commencé et pourtant, la rue grouillait de monde. » (Pages 66-67)

Panorama Bay : l’hôtel que Sébastien avait connu jadis, où son amie Julie avait grandi, a presque entièrement disparu sous la rénovation coûteuse entreprise par les nouveaux propriétaires, quelques années plus tôt. Plus rien à voir avec l’établissement géré par Annie Brunetti : « A l’intérieur, le lobby se fondait désormais dans une décoration typique des hôtels lounge de haut de gamme avec ses coloris apaisants, son mobilier chic et ses jeux de lumières qui structuraient l’atmosphère. Une tête de lion sculptée en cuivre (ou en or rouge mais je penchais plutôt pour le cuivre) était accrochée au mur, juste au-dessus du bureau d’accueil. Elle surplombait l’entrée et brillait comme un soleil. » (Page 102) => Nouveau décor déstabilisant pour Sébastien qui ne reconnaît rien des lieux de son enfance. Comment mener à bien son (en)quête dans ces conditions? Heureusement, la vue splendide n’a pas changé.

Ce qu’il nous reste de Julie est un roman alliant quête personnelle et enquête criminelle à rebours, vingt ans après la disparition de Julie, menées de main de maître par Sébastien Didier qui, à mon sens, signe là son meilleur thriller. Le suspense savamment entretenu: à diverses reprises, Sébastien fait allusion à la fin intrigante du roman Le Temps d’un Eté sans jamais la révéler.

Le + : un roman dans le roman, comme un jeu de piste dont le personnage principal du premier suit les indices semés dans le second, faisant écho à ses souvenirs personnels, entraînant le lecteur à sa suite dans cette quête intimiste qui va le mener bien au-delà de ce qu’il avait imaginé: « Ce livre renfermait un secret, j’en étais persuadé. Et je ne m’arrêterais pas de chercher avant d’avoir vraiment découvert lequel. » (Page 60).

Les qualités de Ce qu’il nous reste de Julie sont nombreuses: le thème de la quête de réponses concernant la disparition mystérieuse d’un proche n’est certes pas original, mais c’est la façon dont l’auteur le met en scène qui le renouvelle, grâce à ce jeu de piste dans un roman fictif, relayant la vraie vie fictive du narrateur. Un labyrinthe dans lequel, à chaque détour, Sébastien auteur-narrateur nous donne des pistes afin de comprendre qui nous sommes, ce que nous attendons de notre vie, ce que nous pouvons en faire, quel peut être le poids du passé si nous le laissons nous envahir…

Un roman riche, tragiquement grandiose, qui vous bouleversera autant qu’il vous captivera… Un formidable message d’espoir teinté d’une pointe de nostalgie, juste ce qu’il faut pour faire naître une larme au coin de vos yeux…Un gros gros coup de coeur à lire sans tarder…

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Yannick P.https://nigrafoliablog.wordpress.com/
Jeune quinqua fringuant, serial Lecteur addict au roman noir" pour le reste, père aimant de 2 ados, marketeur de profession et amateur de whiskys, vins et de cuisine conviviale et auteur de TU JOUES TU MEURS !

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