Rencontre avec Maxime GILLIO

Maxime Gillio
Photo : Dorinne Johnson

Avec son mètre quatre-vingt-douze, Maxime Gillio est l’un des plus grands auteurs français contemporains… Écrivain prolifique aux multiples facettes, il est capable de faire rire avec Les disparus de l’A16, de faire du « gore and roll » avec Orcus Morrigan, du très sérieux avec Rouge armé, du feeel-good avec Mais sinon, tout va bien ! et de plaire aux gosses avec Super-Héros, Cellule 24 ou La fantastique ligue des animaux mégacools. Correcteur renommé qui s’attaque parfois à des manuscrits où la faute d’orthographe est la langue maternelle de l’auteur.

Mais ce n’est pas tout, l’homme est aussi organisateur d’événements littéraires, rédacteur en chef de la revue Le monde de San-Antonio et, depuis le mois d’octobre 2021, Maxime est directeur de collection du fonds Frédéric Dard/San-Antonio auprès d’Univers Poche…

Stanislas Petrosky : Bonjour Maxime, directeur de collection du fonds Frédéric Dard/San-Antonio, ça claque non ? Surtout pour toi, qui adores cet auteur…

Maxime Gillio : Salut Stan. Ça claque d’autant plus que je ne l’ai pas du tout vu arriver ! C’est Florian Lafani, directeur éditorial de Fleuve Éditions, qui me l’a proposé à l’été. Et quand la famille Dard a approuvé ce choix, c’était pour moi très émouvant. Ça me conforte dans l’idée que l’authenticité finit toujours par payer.

SP : Ce titre est bien joli, ronflant aurait certainement dit Frédéric Dard, mais en quoi consiste-t-il exactement ?

MG : Alors, je suis chargé de choisir les titres qui vont être réédités, en assurer le suivi de fabrication, préparer les outils de communication, inciter les commerciaux à les mettre en avant, proposer des stratégies de mise en avant des titres, me rendre disponible pour aller prêcher la bonne parole auprès des professionnels qui veulent que je leur parle de Frédéric Dard pendant des heures. Ah, et je gère la nouvelle page Instagram officielle de l’auteur.

SP : Tes choix de réédition se font comment ? Sur les livres que toi, lecteur tu préfères, ou sur ceux que tu penses qui ont le plus potentiel de vente ? Comment défends-tu ton projet auprès de l’éditeur ?

MG : C’est vraiment la quadrature du cercle ! J’ai « droit » à un certain nombre de publications chez Fleuve, et chez Pocket (sachant que les enjeux ne sont pas les même selon que l’on publie du grand format ou du poche). En fonction de ce nombre, il faut à la fois que j’aie un œil sur l’historique des rééditions (pas claquer la sixième réédition du même titre en huit ans…), que je panache les San-Antonio avec les Frédéric Dard « romans de la nuit », ceux de la période lyonnaise… Si l’actu s’y prête, choisir un titre qui lui colle… Ajoute qu’Editis a récupéré les œuvres de jeunesse jusqu’ici seulement rééditées par Fayard il y a vingt ans… Bref, abondance de bien ne nuit pas forcément, mais en réalité, une fois que j’ai pris tous les paramètres en compte, ma marge de manœuvre est assez réduite.
D’autant que, et c’est mon intime conviction, on amènera un nouveau lectorat à cette œuvre monumentale en mettant davantage en avant les Frédéric Dard, un peu au détriment des San-Antonio. Autres temps, autres mœurs.
Et j’ai la chance d’être suivi presque aveuglément par les directeurs éditoriaux !

Frederic Dard - y a t il un français dans la salle

SP : Il y a peu, Pocket, sous ton égide, a réédité Y a-t-il un Français dans la salle ? Ce roman, qui a plus de quarante ans n’a pas vieilli, critique féroce du monde politique où l’auteur broie un a un tous ses personnages. Cet ouvrage fait partie pour moi des piliers de l’œuvre de Frédéric Dard. Choisir de le ressortir jute avant une année électorale bien chargée, c’est faire preuve de cynisme ou tenter de donner un avertissement à nos élus ? Si quelques fois ils lisent encore… Où est-ce simplement un fait du hasard ?

MG : Alors je me suis fait les dents sur ce titre, un peu mon baptême du feu ! Comme tu le sais, les plannings éditoriaux sont établis presque un an à l’avance, et à six mois, on ne touche plus à rien ! Mais je trouvais vraiment dommage de ne pas le ressortir alors que comme tu le soulignes, nous entrions en période électorale, et que ce roman est d’une actualité féroce à ce niveau. Nous avons donc convaincu les commerciaux de remplacer un titre in extremis par celui-ci.

La deuxième décision forte avec ce titre, a été de débaptiser les San-Antonio… qui n’en sont pas. L’argument d’il y a quarante ans selon lequel la franchise San-Antonio vendait plus que celle Frédéric Dard ne tient plus. Pire, cela opère une confusion dans l’esprit des plus jeunes lecteurs, des libraires, des commerciaux, qui ne s’y repèrent plus. L’urgence était donc de simplifier le catalogue. Désormais, seront signés San-Antonio les titres avec les personnages de la série, et Frédéric Dard le reste de la production.

SP : Alcazar, le Président Thumelat et les autres reviennent dans Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants, paru trois ans avant Y a-t-il un Français dans la salle ? Est-ce qu’il faudra attendre 36 mois pour qu’il soit réédité, ou est-ce déjà dans les tuyaux ?

MG : On ne m’a pas encore demandé de plancher sur le planning 2023, mais ce serait logique que ce soit le prochain ex-San-Antonio, néo Frédéric Dard, à ressortir. À suivre…

SP : San-Antonio a eu des illustrateurs comme Michel Gourdon, Georges Wolinski, François Boucq, Michaël Sanlaville et d’autres artistes talentueux, donc les dessins collaient aux personnages. Dorénavant c’est Joann Sfar aux commandes. Ici et là, les afficionados crient au scandale, que cela ne correspond pas à l’œuvre… C’est toi le responsable ? Le choix de l’illustrateur incombe au directeur de collection ?

MG : Alors, je vais lâchement botter en touche : le choix de Joann Sfar a été effectué en amont de mon recrutement, je l’ai découvert au moment de rencontrer les équipes à Paris. Je conçois du reste que son travail désarçonne les fans, même si on ne peut pas lui reprocher de ne pas aimer et connaître San-Antonio, dont il parle à la moindre occasion.
Si à l’avenir, on me demande mon avis sur les couvertures des San-Antonio en tant que directeur de collection (ce que j’attends avec impatience), ça risquera d’en surprendre plus d’un…

San-Antonio - Laissez pousser les asperges

SP : On peut voir actuellement un fort attrait du public pour le roman graphique, l’adaptation en bande dessinée de romans. Que cela soit des œuvres classiques telles Pot-Bouille ou La Curée de Simon et Stalner d’après Zola, ou plus contemporaine, comme La cage aux cons de Recht et Angotti, adapté du Jardin du bossu de Frantz Bartelt et Trilogie du mal de Chattam par Michel Montheillet. Peut-on avoir espoir que les romans de Frédéric Dard aient aussi une adaptation graphique ? Et pourquoi pas les Kaput en manga ?

MG : Oui, les Kaput, je suis 100 % d’accord, d’autant que depuis deux ans, le secteur du manga a littéralement explosé. Et quoi de mieux pour toucher un jeune public ? Si un éditeur de mangas lit ces lignes, ma foi…

SP : En quelques mots, tu dois donner envie de lire un livre de Frédéric Dard et un de San-Antonio à un lecteur, une lectrice qui n’a jamais ouvert un livre du Dabe.

MG : Je conseillerais de commencer par un Frédéric Dard, peut-être. Ou un San-Antonio des années 60 (ça tombe bien, nous ressortons Vas-y, Béru !, chef-d’œuvre, fin juin). Pour la ou le convaincre, je dirais qu’on ne peut pas faire de littérature tiède. C’est interdit. Quand on lit un roman, soit il nous transporte et nous réchauffe, soit il nous glace, nous agresse et on le déteste, mais pas de tiédeur.
Frédéric Dard/San-Antonio, c’est l’anti-neutralité. Dans son œuvre, il y a absolument tout ce qui fait la vie : l’humour, le désespoir, l’humanisme, la misanthropie, l’incongruité, la passion dévorante des sentiments, l’exagération et la pudeur, la gaudriole et la gravité, la poésie et la turgescence, le refus de la mesquinerie et de la bêtise, un cœur trop gros pour lui, et un style comme on n’en a rarement lu avant lui. C’est un écrivain inclassable, qui prend le lecteur par la main, lui apprend la vie, l’insulte, le couve. C’est un génie, quoi.

SP : Quelles sont les parutions à venir en juin et juillet de l’œuvre de Frédéric Dard/San-Antonio chez Univers poche ?

MG : Alors, en juin, chez Fleuve, nous ressortons Batailles sur la route. Une œuvre de jeunesse, juste avant les premiers San-A. Ca n’est que sa deuxième réédition !
Chez Pocket, en mai, sortie des Scélérats, de Frédéric Dard, et fin juin début juillet, c’est la fête à San-A : Vas-y, Béru !, Le fil à couper le beurre, Laissez pousser les asperges et Les Vacances de Bérurier.
Si vous ne lisez pas un Frédéric Dard ou un San-A pendant vos vacances, je n’y comprends plus rien !

SP : Et du côté Maxime Gillio, l’auteur, quelle est l’actualité ?

MG : Le deuxième tome de la Fantastique Ligue des Animaux Mégacools fin août, un peu de calme au niveau des sorties, avant une année 2023 où vous allez frôler l’indigestion de nouveautés…

SP : Max, je te remercie d’avoir répondu à ces quelques questions pour Zonelivre…

MG : Merci à toi, Stan, car passionné comme je te connais par l’œuvre de Frédéric Dard, c’est un plaisir !

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Stanislas PETROSKY
Après avoir passé 30 ans à préserver les corps des défunts, Stanislas Petrosky est aujourd'hui enseignant en thanatopraxie dans un centre de formation spécialisé. Auteur de nombreux ouvrages, il débute aujourd'hui une série autour de l'une de ses passions, l'anthropologie criminel et ses fondateurs. Prenant pour base de véritables affaires traitée par le professeur Alexandre Lacassagne, Stanislas Petrosky plonge avec érudition dans ce monde si particulier qu'est le monde du crime au tournant du XIXe siècle.

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