Le lendemain matin, le café-librairie s’éveilla doucement sous une lumière hivernale. Sophie avait ouvert plus tôt que d’habitude, souhaitant profiter d’un moment de calme avant l’afflux des clients. Elle ajusta les guirlandes lumineuses du sapin et prépara une cafetière d’un mélange rare qu’elle réservait aux grandes occasions.
Madeline arriva peu après, emmitouflée dans une écharpe qu’elle portait presque comme une armure contre le froid. Ses joues rouges et l’odeur de vin chaud qui semblait l’accompagner trahissaient un passage matinal au marché.
Madeline (déposant un petit sachet sur le comptoir) :
« Pralines pour toi et ton arpette. Et pas celles de Paul, rassure-toi, je les ai achetées ailleurs. »
Sophie (amusée) :
« Quelle délicate attention. J’en déduis que tu veux que je te prépare une autre tasse de mon vin chaud maison ? »
Madeline (d’un ton faussement indigné) :
« Qu’est-ce que tu insinues ? Je ne fais pas ça pour le vin chaud… mais si tu insistes. »
Sophie roula des yeux en souriant et se mit à la tâche.

Une demi-heure plus tard, les deux femmes étaient à nouveau plongées dans l’affaire, assises à la table près de la vitrine. Sophie passait en revue ses notes, tandis que Madeline, le menton posé sur sa main, observait les passants dans la rue.
Sophie :
« Alors, reprenons. Claire semble nerveuse à propos de Guillaume, mais ça reste une supposition. Marguerite dit qu’il était tendu, et Paul, avec son ‘enfin je me comprends’, nous a donné un indice sur son comportement parfois opportuniste. Mais rien de tout ça ne nous explique pourquoi quelqu’un aurait voulu l’empoisonner. »
Madeline (fronçant les sourcils) :
« On ne tue pas quelqu’un de façon aussi méthodique pour une simple querelle. Cet empoisonnement, c’est personnel. Soit il a trahi quelqu’un, soit il savait quelque chose qu’il n’aurait pas dû. »
Sophie :
« Et si c’était lié à son travail sur le marché ? Peut-être qu’il faisait du tort à d’autres commerçants. Ça expliquerait certaines rancunes. »
Madeline (secouant la tête) :
« Oui, mais ça ne colle pas complètement. Empoisonner quelqu’un demande du temps, de la préparation. Ce n’est pas un acte impulsif. Ça veut dire que cette personne avait une vraie motivation. »
Sophie poussa un soupir en se laissant tomber contre le dossier de sa chaise.
Sophie :
« Et si on retournait voir Claire ? Peut-être qu’elle a réfléchi et qu’elle acceptera de parler. »
Madeline (haussant un sourcil) :
« Si tu penses qu’un sourire et une tasse de vin chaud suffiront à délier sa langue, je suis curieuse de voir ça. Mais d’accord, allons-y. »

Sophie et Madeline se préparaient à quitter le café-librairie pour retourner au marché de Noël. Sophie attrapa son manteau et se tourna vers son jeune adjoint, Arvid, un étudiant passionné de littérature qu’elle avait embauché pour l’aider.
Sophie (avec un sourire rassurant) :
« Je ne devrais pas en avoir pour longtemps. Garde un œil sur le bar, d’accord ? Si quelqu’un demande après moi, dis-leur que je reviens vite. »
Arvid (enjoué, mais un peu inquiet) :
« Pas de souci, chef ! Mais… tu es sûre que tout va bien ? »
Sophie (éludant légèrement) :
« Tout va bien, ne t’inquiète pas. Et si tu as un moment, range les livres du rayon ‘Classiques’. Ils ont besoin d’un peu de… discipline. »
Arvid hocha la tête, bien qu’il sentît que quelque chose se tramait. Sophie et Madeline quittèrent le café, laissant derrière elles l’odeur apaisante du café fraîchement préparé et des épices de Noël.

En retournant au marché, elles retrouvèrent l’agitation festive qui masquait toujours la tension de l’affaire. Le stand de Claire était encore plus lumineux que la veille, avec des boules de Noël scintillant sous un rideau de neige artificielle. La vendeuse était occupée avec un couple, mais son regard s’assombrit lorsqu’elle aperçut Sophie et Madeline approcher.
Claire (tentant un sourire maladroit) :
« Oh, vous revoilà. Vous avez trouvé ce que vous cherchiez hier ? »
Madeline (croisant les bras) :
« Pas encore. Mais on espérait que vous pourriez nous aider un peu plus aujourd’hui. »
Claire semblait sur le point de répondre quelque chose, mais une voix derrière elles interrompit la conversation.
Voix masculine :
« Claire, tout va bien ? »
Les deux femmes se retournèrent pour découvrir un homme grand, au visage anguleux, vêtu d’un manteau sombre. Il les observait avec une méfiance mal dissimulée.
Claire (hésitante) :
« Oui, Fred. Ce sont juste… des clientes curieuses. »
Sophie :
« Curieuses, peut-être, mais pas sans raison. Vous avez l’air tendue, Claire, et ce monsieur, lui, semble un peu trop intéressé par votre tranquillité. Vous nous présentez ? »
Fred (froidement) :
« Fred Fournier. Et je ne vois pas pourquoi ma présence vous intrigue. »
Madeline (sèchement) :
« Peut-être parce qu’on enquête sur un meurtre, et que vous avez l’air de vouloir garder certaines choses sous silence. »
Fred (serrant la mâchoire) :
« Et vous êtes ? »
Madeline (d’un ton sec) :
« Une ancienne flic et une libraire. Vous auriez quelque chose à cacher ? »
Claire pâlit, et Fred fit un pas en avant, comme pour protéger la vendeuse.
Fred :
« Je pense que vous devriez partir. Claire n’a rien à voir avec tout ça. »
Sophie (calmement) :
« Vous avez raison, monsieur Fournier. Claire n’a peut-être rien à voir avec tout ça… mais alors pourquoi ce malaise ? Peut-être devriez-vous nous expliquer. »

Le silence qui suivit sembla durer une éternité. Claire baissa les yeux, tandis que Maxime jetait un regard furieux aux deux femmes.
Claire (dans un souffle) :
« Guillaume et moi… nous avions une relation. Mais ce n’est pas ce que vous croyez. »
Madeline (sèchement) :
« Expliquez-nous alors ce qu’on devrait croire. »

Claire resta silencieuse un moment, triturant nerveusement un pendentif en argent qu’elle portait autour du cou. Fred – à l’expression désormais indéchiffrable – croisa les bras, se plaçant légèrement entre elle et les deux enquêtrices improvisées, comme un bouclier silencieux.
Claire (d’une voix brisée) :
« Guillaume et moi, on… on était proches, oui. Mais ce n’était pas une histoire d’amour, pas vraiment. »
Madeline (la coupant) :
« Pas vraiment ? C’est un concept intéressant, ça. Expliquez-moi comment on est ‘pas vraiment amoureux’ d’un homme qu’on fréquente en secret. »
Sophie posa une main légère sur le bras de Madeline, tentant d’adoucir l’atmosphère.
Sophie :
« Prenez votre temps, Claire. Ce n’est pas facile, mais ça pourrait nous aider à comprendre. »
Claire leva des yeux rougis vers Sophie, cherchant un semblant de réconfort.
Claire (à voix basse) :
« Guillaume et moi avions un accord… Il avait des soucis d’argent. Je l’aidais quand je pouvais, et en échange, il… il faisait des choses pour moi. »
Madeline (haussant un sourcil sceptique) :
« Des choses ? Vous êtes assez vague pour qu’on imagine le pire. »
Fred intervint brusquement, son ton cinglant.
Fred :
« Ça suffit. Claire n’a rien à voir avec sa mort. Vous cherchez des réponses là où il n’y en a pas. »
Madeline (le fixant froidement) :
« Et vous, vous êtes quoi, exactement ? Le chevalier servant ? Le garde du corps ? Parce que jusqu’ici, tout ce que vous faites, c’est semer du mystère. »
Fred serra les poings, mais avant qu’il ne puisse répondre, Claire le devança.
Claire :
« Fred n’a rien à voir avec ça. Il m’aide à gérer le chalet, c’est tout. Et… et je crois qu’il essaie juste de me protéger. »
Un silence tendu s’installa. Sophie jeta un coup d’œil autour d’elle, observant les passants qui semblaient insouciants sous les décorations lumineuses du marché. Mais elle sentait que quelque chose de plus sombre se cachait sous la surface.
Sophie :
« Claire, est-ce que Guillaume avait des ennemis ? Quelqu’un à qui il aurait fait du tort ? »
Claire hésita, mordillant sa lèvre inférieure.
Claire (hésitante) :
« Il… il avait des dettes. Je sais qu’il avait des problèmes avec certains fournisseurs. Et peut-être avec d’autres commerçants du marché. Mais je ne pensais pas que ça pouvait aller aussi loin… »
Madeline :
« Des dettes, des relations ambiguës, des pratiques douteuses… On dirait que Guillaume avait le don de se mettre dans de beaux draps. »

Alors qu’elles s’apprêtaient à poser d’autres questions, une voix familière retentit derrière elles.
Paul (avec son tic habituel) :
« Ah, vous êtes encore là, enfin je me comprends ! Je me demandais si vous aviez trouvé quelque chose d’intéressant sur notre… regretté ami. »
Sophie et Madeline échangèrent un regard. L’artisan praliner semblait en savoir plus qu’il ne voulait l’admettre, et son apparition soudaine à ce moment précis n’était pas anodine.
Madeline (d’un ton sarcastique) :
« Paul, toujours aussi discret, hein ? Vous avez l’air d’aimer traîner là où ça chauffe. »
Paul (souriant avec nervosité) :
« Moi ? Pas du tout ! Je suis juste… curieux. Enfin, je me comprends. »
Sophie :
« Curieux, peut-être. Mais vous êtes aussi un homme qui semble tout entendre sur ce marché. Alors, Paul, qu’est-ce que vous savez ? »
Paul, appuyé contre le comptoir de son chalet, balaya les deux femmes du regard avec un sourire qui ne faisait qu’accentuer sa nervosité. Il ajusta sa toque, comme s’il cherchait une échappatoire.
Paul (d’un ton presque innocent) :
« Moi ? Je ne sais rien de plus que ce que vous avez déjà découvert. Guillaume, c’était un client régulier. On a échangé quelques mots ici et là, mais rien de plus, enfin… je me comprends. »
Madeline croisa les bras, un sourire en coin, comme si elle avait vu à travers son jeu. Elle n’aimait pas les faux-semblants, et Paul en était plein.
Madeline (avec un air amusé) :
« Ah, c’est ça, vous ne savez rien… C’est étrange que vous soyez toujours là quand les choses deviennent intéressantes, Paul. D’ailleurs, vous m’avez dit une fois qu’on entendait beaucoup de choses, quand on tenait un stand ici. Vous en avez entendu des trucs, récemment ? »
Paul esquiva son regard, jetant des coups d’œil nerveux à Claire, comme s’il attendait son feu vert pour répondre. Mais Claire, visiblement perdue dans ses pensées, ne semblait pas prête à l’aider.
Sophie (en prenant la relève) :
« Paul, on sait tous les deux que ce marché, c’est un peu une petite ville en soi. Les commerçants ont des oreilles et des yeux partout. Si Guillaume avait des problèmes, vous devez savoir de quoi il s’agissait. Qui lui en voulait ? »
Paul soupira, les épaules s’affaissant légèrement sous la pression. Après un moment d’hésitation, il sembla finalement céder.
Paul :
« Je suppose que… je suppose qu’il y avait des tensions, oui. Il avait des dettes chez plusieurs commerçants du marché. Mais ce n’était pas qu’une question d’argent, il y avait aussi cette histoire de… je sais pas, d’ambiguïtés, disons. »
Madeline se pencha légèrement en avant, l’air intéressé, mais elle ne lâchait pas Paul du regard.
Madeline :
« Des ambiguïtés, dites-vous ? Vous sous-entendez qu’il aurait eu des relations un peu plus… tendues avec certains ? »
Paul sembla se raidir, mais se sentit sans doute acculé à répondre.
Paul :
« Disons qu’il avait des affaires qui n’étaient pas tout à fait en règle. Il faisait parfois des affaires avec des gens qui… comment dire… n’étaient pas exactement des modèles de vertu. »
Sophie prit une profonde inspiration, réfléchissant aux implications. Des dettes, des relations douteuses, des affaires louches… Tout cela devenait de plus en plus compliqué. Et pourtant, quelque chose dans l’attitude de Paul laissait penser qu’il savait plus qu’il n’en disait.
Sophie (calmement, mais avec insistance) :
« Vous évoquez des gens louches, Paul. Vous avez un nom, peut-être ? Ou même une description ? Qui étaient ces personnes ? »
Paul, visiblement mal à l’aise, recula d’un pas, comme s’il se préparait à prendre la fuite. Mais avant qu’il ne puisse répondre, un cri strident déchira l’air.
Claire (criant) :
« Arrêtez, Paul ! C’est trop ! Vous ne pouvez pas tout dire maintenant ! »
Claire s’approcha en courant, le visage marqué par une profonde angoisse. Fred se précipita à son côté, posant une main protectrice sur son épaule.
Claire :
« Vous ne pouvez pas faire ça, Paul. Vous ne pouvez pas nous accuser tous comme ça ! »
Madeline se tourna vers Claire, son regard dur, mais empreint de compréhension.
Madeline :
« Calmez-vous, Claire. Personne n’accuse personne. Mais il est clair que votre… ami Guillaume avait des ennemis. On est juste en train de découvrir lesquels. »
Fred sembla sur le point d’intervenir, mais se figea, voyant que les choses se compliquaient rapidement. Claire, quant à elle, se laissa tomber sur le banc à côté de son chalet, le visage marqué par une douleur évidente.
Sophie (doucement) :
« Claire, on ne vous demande pas de tout révéler, mais si vous savez quelque chose, ça pourrait faire la différence. Ce qui est arrivé à Guillaume, ce n’était pas un accident. Ce n’était pas un simple empoisonnement, c’était prémédité. »
Claire baissa la tête, ses mains tremblantes serrant la lanière de son sac. Elle soupira profondément avant de relever les yeux vers Sophie, une décision semblant se dessiner dans son regard.
Claire :
« Je vais vous dire ce que je sais… Mais après, il faut que vous compreniez… Je ne veux pas que tout ça détruise ce que nous avons ici, sur le marché. Il y a des secrets qui sont plus dangereux que l’on ne croit. »
Madeline et Sophie échangèrent un regard. Cela commençait à prendre une tournure bien plus sérieuse. Et elles étaient prêtes à entendre toute la vérité.
Claire, les mains serrées autour de son manteau. Elle fixa un instant l’horizon, comme si elle cherchait ses mots dans l’air froid. Claire inspira profondément avant de commencer à raconter.
Claire :
« Vous devez comprendre que ce marché, ce n’est pas juste un endroit où on vend des guirlandes et du vin chaud. Il y a des gens derrière, des gens qui… dirigent tout ça. Ils contrôlent tout ici. Et Guillaume, il l’a su un peu trop tard. »
Sophie et Madeline se rapprochèrent, attentives. Claire marqua une pause, comme pour trouver la bonne manière de décrire les choses sans tout effrayer d’un coup.
Claire :
« Guillaume savait que ce n’était pas juste des dettes. Il y avait un réseau, un réseau qui… s’infiltre dans tout. Dans chaque transaction, dans chaque étal. Si tu veux vendre, t’es obligé de jouer selon leurs règles. »
Madeline (à voix basse) :
« Alors pourquoi avoir continué à jouer avec le feu ? »
Claire leva les yeux, son regard marqué par une forme de tristesse mêlée à de la colère.
Claire :
« Parce que Guillaume était quelqu’un de… de droit, dans un monde qui ne l’était pas. Il ne supportait pas de se laisser manipuler. Mais ce qu’il ne comprenait pas, c’est que ce n’était pas lui qui décidait. »
Elle se tut un instant, perdue dans ses pensées. Madeline hocha lentement la tête, son regard perçant fixant Claire.
Madeline :
« Alors il a parlé, c’est ça ? Il a révélé ce qu’il savait ? »
Claire (hésitante, mais forcée de continuer) :
« Oui. La soirée où tout a basculé, il était ivre. Très ivre. Et au lieu de se taire, comme il aurait dû le faire, il a tout dit. Tout haut. »
Un long silence s’installa, et Sophie, après avoir jeté un coup d’œil vers l’endroit où Guillaume avait été retrouvé, se tourna vers Claire.
Sophie :
« Racontez-nous, Claire. Qu’est-ce qui s’est passé cette nuit-là ? »