Interview de l’auteur Roland Portiche, à l’occasion de la sortie en poche de « La Machine Ernetti » aux éditions Le Livre de Poche. Le tome 2 « Ernetti et l’énigme de Jérusalem » sort conjointement aux éditions Albin Michel.
Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Roland Portiche, pouvez-vous me décrire votre parcours ?
Roland PORTICHE : A l’origine, je suis réalisateur de documentaires et de magazines pour la télévision. Pendant trente ans, j’ai réalisé à peu près 300 reportages sur les sujets les plus divers. J’ai lancé « Temps X » à la télévision, ; avec les frères Bogdanoff, j’ai été co-producteur et co-auteur avec François de Closets d’un magazine sur la science qui a tenu 15 ans sur F2 et j’ai réalisé/écrit de nombreux numéros de « Secrets d’histoire », présenté par Stéphane Bern. Ce qu’il y a de merveilleux, dans ce métier de documentariste de télévision, c’est que vous avez cette merveilleuse opportunité d’aller enquêter sur le terrain, avec les meilleurs spécialistes de la question, en glanant parfois des informations de première main.
JP : Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?
RP : A l’origine, je suis un homme d’images. Avec l’histoire du père Ernetti, contée dans « La machine Ernetti », j’étais parti pour faire un reportage écrit, dans le style de mes reportages scientifiques. Puis, sur les conseils de mon éditeur, j’en ai fait un roman. Et ce fut une découverte. J’ai adoré ça. Mais en devenant écrivain, je n’ai pas abandonné ma vision cinématographique. Quand j’écris une scène, je pense aux angles de prises de vues, à la lumière, aux mouvements de caméra. Quant aux dialogues, je les peaufine de telle manière qu’ils pourraient être dit par des comédiens dans un film. Je déteste ces dialogues littéraires, dans beaucoup de romans, invraisemblables dans la bouche de vrais personnages dans la vie. On dit que Gustave Flaubert clamait tout haut ses dialogues dans son « gueuloir » pour les sculpter jusqu’à les rendre réalistes. Mon « gueuloir » à moi est cinématographique, résolument.
JP : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?
RP : Dès mon plus jeune âge, j’ai dévoré des romans et des bandes dessinées de science-fiction. Tout le monde aime la scien-fiction aujourd’hui, mais dans les années soixante, on se sentait encore marginal. J’ai lu tous les grands classiques, comme Isaac Asimov, A.E. Van Vogt, Ray Bradbury, Clifford Simak, etc. Plus tard, quand je suis devenu réalisateur de télévision, j’ai participé avec les deux frères Bogdanoff au lancement du magazine Temps X, devenu aujourd’hui une émission culte.
JP : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)
RP : Ecrire est devenu pour moi une passion. On ne peut évaluer une passion en termes d’horaires. Ce que j’ai découvert, en écrivant des romans (j’en suis actuellement à mon troisième), c’est que le roman s’empare de vous. D’une certaine manière, c’est lui qui vous commande, qui vous dicte ses horaires. Le matin, la journée, mais aussi parfois une partie de la nuit
JP : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ?
RP : Non, c’est même cela le plus amusant. Parfois, quand je commence un chapitre, je ne sais pas toujours comment il va se terminer. C’est le roman lui-même qui m’entraîne, avec sa logique à lui. Je ne fais pas partie de ces écrivains qui bâtissent leurs romans à partir d’un plan détaillé, je trouve cela ennuyeux. Bien entendu, je sais à peu près où je vais, j’ai un fil conducteur. Mais, pour le reste, je confie le gouvernail au roman lui-même, qui m’entraîne où il veut… et, croyez-moi, il sait ce qu’il veut ! « Un tableau est bon, disait le peintre Braque, quand c’est le tableau qui commande, pas le peintre ». Il m’arrive à peu près la même chose pour l’écriture.
JP : A l’occasion de sa parution en poche, aux éditions Le Livre de Poche, pouvez nous parler de votre roman « La machine Ernetti » ?
RP : Tout est parti d’un souvenir d’enfance. Dans les années soixante (j’étais encore gamin), j’ai découvert un jour un entrefilet dans la presse populaire du dimanche. Quelle surprise d’apprendre qu’en pleine guerre froide un homme, un prêtre, aurait mis au point une machine qu’il a appelé un « chronoviseur » et qui pouvait lui permettre d’explorer le passé sur un petit écran. Il aurait même, disait l’article, visité la période évangélique, les quelques années où a vécu et enseigné Jésus de Nazareth. Hélas, pour une raison inconnue, cette machine aurait été démontée sur l’ordre du pape et dissimulée dans une salle obscure des archives secrètes du Vatican. Puis le temps a passé. Il y a un an et demi, je suis tombé sur un résumé plus détaillé de la vie du père Ernetti. Je me suis dit immédiatement qu’il y avait un livre ou un reportage à faire. Mais le père Ernetti est mort en 1994 et le peu qu’on sait de son histoire était bien trop lacunaire pour alimenter un reportage. Alors, sur les conseils de mon éditeur Léonard Anthony, de chez Versilio, je me suis décidé à en faire un roman, j’ai fait mon Ernetti à moi. C’est l’avantage du roman, on peut libérer son imagination. Je me suis donc demandé, selon l’expression consacrée : « et si c’était vrai ? ».
JP : Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?
RP : Non, car j’ai eu la chance de tomber d’emblée sur des éditeurs qui m’ont fait confiance et m’ont facilité la tâche. Sylvie Delassus chez Stock, Léonard Anthony et Susanna Lea chez Versilio/Albin-Michel. Je n’ai heureusement pas connu les affres de la recherche d’un éditeur, les choses se sont faites facilement, comme dans les meilleures histoires d’amour !
JP : Dans vos romans, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
RP : Le père Pellegrino Ernetti a vraiment existé. Il est né en 1925 et mort en 1994. Plusieurs témoignages font état de l’existence de sa machine. Des photos montrent aussi le père Ernetti en compagnie du pape Pie XII. Il avait donc ses entrées au Vatican. A-t-il vraiment construit son « chronoviseur », comme il l’appelait ? Comment fonctionnait-il ? Et qu’a-t-il découvert en plongeant deux mille ans en arrière dans le passé ? A-t-il vu le Christ ? Personne ne le sait. Mais, aussitôt après sa plongée dans le temps, sa machine a été démontée et dissimulée dans une salle obscure des archives secrètes du Vatican, où elle se trouve toujours.
JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de vos livres ?
RP : « La machine Ernetti » a reçu d’emblée un accueil très favorable, aussi bien de la presse que des lecteurs. Pourtant la période était difficile, car nous sortions tout juste du premier confinement. J’ai découvert alors la puissance des blogs littéraires. La très grande majorité des lecteurs, vial les blogs, ont été passionnés par cette histoire qui mêle le thriller, la théologie et la science. Les éditions Albin-Michel ont organisé des soirées de promotion dans des librairies. Je me souviens de l’une d’elle, à Cannes, avec des lecteurs passionnés de tous les âges qui connaissaient le livre et mes personnages encore mieux que moi ! J’ai vraiment pris conscience, alors, de la puissance de la littérature, qui touche les gens bien plus que le cinéma ou la télévision.
JP : Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?
RP : J’ai eu la chance, toute ma vie, de faire des métiers qui me plaisaient tellement que je leur consacrais tout mon temps. Comme vous le savez, toutes les passions sont exclusives ! Bien entendu, j’aime la musique, les promenades à la campagne, etc. Mais l’écriture occupe la quasi-totalité de mon temps.
JP : Avez-vous des projets ?
RP : Les éditions Albin-Michel/Versilio s’apprêtent à publier le tome 2 de la saga Ernetti, intitulé « Ernetti et l’énigme de Jérusalem ». C’est la suite directe du premier. Situé vingt ans après le tome précédent, il met le père Ernetti et le nouveau pape, Jean-Paul II, en face d’un nouveau mystère : celui d’un grand cube de pierre enterré sous la colline des mosquées, à Jérusalem, parmi les ruines du Temple de Salomon. Quelle suprenante vérité renferme donc ce cube ? Une aventure dans les couloirs du temps, mais aussi une course-poursuite haletante qui nous conduira de révélation en révélation, des tombes oubliées de la Vallée des Rois jusqu’à la cité perdue du plus mystérieux des pharaons.
JP : Quels sont vos coups de coeur littéraires ?
RP : Aragon, Stendhal, Flaubert évidemment… comme tout le monde. Et la grande science-fiction, celle des auteurs que j’ai cités plus haut.
JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « La machine Ernetti »? A moins que le silence suffise ?
RP : Une belle bande originale de film : celle de « Ad Astra », du compositeur Max Richter. Elle est ample, large et mystérieuse. Elle vous porte ailleurs, irrésistiblement, comme la machine du père Ernetti.
JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
RP : Mon compte Facebook : https://www.facebook.com/rportiche
JP : Merci Roland Portiche d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.