Interview de l’auteur Bérengère de BODINAT

interview Berengere de BODINAT
photo : astrid di crollalanza – flammarion

 » Derrière tout lecteur fou se cache un écrivain en puissance… »

Pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?

Ma vie est un roman. Je vous en livre quelques esquisses. Dés l’enfance j’ai été plongée dans le surnaturel, ma nounou martiniquaise voyait l’avenir dans les blancs d’œufs, ma grand-mère dans les cartes, un oncle polytechnicien un soupçon allumé photographiait les auras des plantes dans sa cave, l’autre était sourcier, le follet de la Chassignolle hantait une maison familiale, mon grand père médecin avait toujours son pendule avec lui, et dans nos campagnes, les Vosges ou le Berry, les sorciers jetaient des sorts qui nous faisaient rire, envoyant par exemple quelques cochons sur le toit de la grange. On devait faire venir une grue pour les descendre…

Parcours très abrégé:

Enfance pieds nus en Martinique, puis exit le paradis terrestre, retour en France, Le Havre quelques années puis l’effervescence de Paris. Ensuite trois périodes, trois métiers : d’abord la décoration rue Royale chez Jansen, avant de partir pour la route des Indes en voiture, de Paris jusqu’au Tibet. Au retour, deuxième métier : directrice de casting pub et cinéma. Puis changement et troisième métier : chargée de l’auto-promotion de la chaine TEVA, et ensuite M6. Beaucoup de voyages, de déménagements, de recherches, de changements de vie… Enfin en 2006 je me libère des médias pour écrire, un projet de série française ambitieuse, et un premier roman, les Temps qui viennent.

Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?

Derrière tout lecteur fou se cache un écrivain en puissance… Jeter sur le papier des multitudes d’idées, remplir des dizaines de petits carnets de note, commencer un roman pour enfant aux franges du surnaturel, écrire quelques nouvelles, l’envie d’écrire a toujours été là, mais pas assez de temps, trop de travail … Le processus s’est véritablement enclenché quand je travaillais à M6. Passionnée par l’univers complexe des séries comme X Files, Alias, Medium, 4400, Dark Angel etc…je me suis lancée dans l’écriture d’une série, sorte d’X Files à la française, histoire secrète, sciences parallèles, évènements surnaturels… le synopsis, la bible et une douzaine d’épisodes… Deux productions se jettent dessus tour à tour, l’achètent mais finissent par caler, trop ambitieux, trop cher. En attendant, un ami de M6 me dit : écris un roman avec le pilote, c’est un super sujet… en étais-je capable ? Je me suis lancée dans l’écriture et la passion est montée chaque jour. Jusqu’à l’aboutissement, les Temps qui viennent.

Quel est votre ‘modus operandi’ d’écriture ? ( Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ? )

Pour Les Temps qui viennent, mon premier roman, j’ai commencé par un long travail de recherches, autour du pitch, des lieux (très importants), des singularités et extrapolations de l’intrigue. J’ai beaucoup travaillé sur les personnages, non seulement la description physique et le caractère de chacun, mais aussi sur l’ensemble de son histoire, sa famille, ses secrets, ses forces et ses failles, ses amours, ses questionnements. Ils se sont littéralement incarnés dans mon esprit avec toute leur complexité. Ensuite je suis partie de la scène initiale, le meurtre rituel d’une jeune femme en robe du soir, entourée de gerbes de lys, attachée au treizième pilier du tunnel de l’Alma. Les personnages ayant pris vie, je les ai jetés dans l’intrigue pour qu’ils la dénouent. Il m’a suffit de les suivre dans leur progression, les laissant mener le jeu, évoluer, se confronter à leurs propres démons, et faire le chemin inattendu et parfois douloureux vers le dénouement.

Pour l’écriture elle-même, après une longue période de recherches, je dois m’astreindre à une discipline de travail très stricte, sinon je peux me mettre à rêver des heures, aussi quoiqu’il arrive je me mets devant mon ordinateur pour écrire, entrer dans la peau et l’esprit des personnages pour me laisser guider, découvrir ce qu’ils découvrent et continuer à faire pour eux les recherches nécessaires pour avancer dans leur enquête. C’est quand je passe à travers eux que l’inspiration vient, c’est à travers leur regard que le monde change et évolue.

Mon rythme de travail est exponentiel : plus je m’enfonce dans l’écriture, moins je parviens à en sortir : de deux à trois heures par jour, il passe progressivement à six ou sept heures, et parfois jusqu’à douze heures à la fin de l’écriture des Temps qui viennent. J’étais tellement immergée dans les aventures de mes héros, si curieuse de découvrir ce qui allait se passer, que j’étais devenue quasiment obsessionnelle !

Il y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?

Oui, il y a plusieurs personnages qui existent vraiment et que j’ai eu la chance de rencontrer, plus étonnants que bien des personnages imaginaires, des êtres incroyables et magnifiques, comme Peter et ses vitamines d’amour, ses Saints et ses Sages, ou comme Balthus et son ami psychic dont l’histoire singulière prend racine dans le réel. Ils font partie de mes sources. Tout ce que raconte ce livre est documenté avec une précision limite maniaque. Certaines informations sont même de véritables secrets d’état, des affaires bizarres et bouillantes, soigneusement étouffées, auxquelles j’ai eu accès par ces rencontres…

Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ?

L’écriture a été un long parcours, c’est un livre que j’ai beaucoup retravaillé, avec un perfectionnisme obsessionnel. Ensuite le chemin a été plus difficile, j’avais conçu ce livre comme le premier tome d’une trilogie – soit 680 pages x 3. Quelle ingénuité ! autant dire que les éditeurs ont eu peur, ce que je comprends mieux maintenant.

J’ai donc affronté la torture des auteurs en quête d’éditeur, dont le manuscrit est maintes fois refusé.

Mais lorsque un éditeur, Pascal Galodé, a signé, après l’avoir confié aux correcteurs il ne m’a demandé ni coupure, ni changement, ni correction, à part une erreur de synchronicité, rétablie en cinq minutes. Il a pris le livre tel quel. Probablement parce que, ces corrections, j’avais déjà passé des heures et des jours à les faire. J’ai du relire les Temps qui viennent au moins vingt fois ! en trouvant toujours des modifications à faire…

Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs ?

Ce qui m’a le plus surprise, c’est que chacun a privilégié une facette différente du livre, ce que certains considéraient comme des extrapolations inutiles ont profondément marqué les uns ou les autres… J’ai été étonnée que certains me disent que ce livre avait changé quelque chose dans leurs vies, leur regard sur le monde.

« Des multitudes de fenêtres se sont ouvertes sur d’infinis horizons, mon esprit insatiable a trouvé de la substance… » . « Il aborde des sujets qui nous touchent tous sans en avoir l’air…il nous enveloppe de voiles à lever, de brumes à dissiper, pour retrouver les couleurs d’une réalité qui nous échappe. C’est une ode contre la pensée unique, un révélateur de mensonges, un salutaire secouage de pensées (excusez le terme). » « lorsque j’ai acheté ce livre je savais qu’il m’apporterait quelque chose d’immense, c’est très difficile à expliquer mais en fait ce livre me donne des clés pour ma vie actuelle, des questions que je me posais et grâce au livre j’ai des réponses, comme si il avait été écrit pour moi » « Littéralement happée par votre livre depuis qu’on me l’a offert pas par hasard ! Tant de gens ne voient pas et n’entendent pas… »… » Depuis que j’ai lu ces « Temps qui viennent » ma vie n’est plus la même et celle de mon entourage non plus ….. » Et Claude Seignolle :… Un grand merci, petite sœur de plume, de m’avoir fait parvenir votre immense château où, des mâchicoulis aux oubliettes, erre votre pensée combative armurée d’un glaive impératif. Quelle richesse à tiroirs infinis ! Mais le plus beau message, celui qui m’a le plus touchée, vient d’un ami écrivain qui voit les Temps qui viennent comme un « livre monde »… qui ne serait encore que dans sa genèse.

Comme je suis sur le point de plonger dans la suite, qui n’est pas vraiment une suite, mais un livre à part entière, séparé du premier pour l’intrigue, lié au premier par les personnages, la genèse va s’ouvrir vers d’autres horizons.

Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture ( Musique, peinture, cinéma… ) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez vous une autre facette cachée ?

J’ai toujours été une lectrice passionnée, compulsive, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, classiques, sagas, romans, polars. Les livres interdits si possible. Des livres, il y en a toujours eu partout autour de moi, des piles entières à côté de mon lit, sur les tables, des bibliothèques croulant de toutes sortes de volumes, anciens, contemporains, du monde entier…je ne pars jamais sans en emporter plusieurs, ce sont mes amis, mes chamanes, mes échappées, mes horizons, mes médecines, mes rêves… J’ai tout appris dans les livres, ils m’ont ouvert des portes dérobées, offert tous les rêves et toutes les réalités, et chacun possède son goût, ses couleurs, sa singularité. Dans l’immense trame de tous les sentiments humains, dans les profondeurs abyssales de la psyché, les livres m’ont offert leurs vertiges sans fin.

J’aime aussi infiniment les jardins, les arbres et les plantes, surtout mon jardin en Normandie… Planter et regarder pousser les fleurs et les arbres, les respirer, les tailler, prendre soin d’eux, m’éclairer de leur beauté éphémère, ressentir ce lien lumineux entre nous… c’est un pur ressourcement.

La passion de lire rejoint une autre passion, celle de comprendre ce monde où nous vivons, quête sans fin, exploration de tous ses aspects, qu’ils soient surnaturels, psychologiques ou scientifiques, prophétiques ou initiatiques. Comment ne pas être fasciné par la physique quantique et sa magistrale remise en cause de tout ce qui avait été consacré comme vérité absolue. C’est mon irrévérence fondamentale, le refus de l’ordre établi et des dogmes. Cette passion de découverte est multiforme, cinéma, peinture, musique, sciences, psychologie et psychiatrie, tout ce qui révèle, effleure l’étrange, la complexité de l’âme humaine, le symbolisme, l’ordre caché des choses me passionne ainsi que les liens qui courent entre eux…

Dans cette passion de comprendre, d’explorer, j’ai longuement étudié dans les années 90 les prédictions apocalyptiques chez les Hopis, les Aborigènes, les Mayas, le Kali Yuga, les prophéties millénaristes etc … en recroisant toutes ces sources, j’en étais arrivée à visualiser un immense changement sur la planète entre 2012 et 2015. « l’an mille après l’an mille » les temps où nous sommes. La grande transition que nous sommes en train de vivre. La physique quantique dit que les particules remontent le cours du temps, changeant ainsi le passé, et par conséquent le présent. Notre monde est en mouvance permanente, à nous de nous ajuster à ces infimes modifications et à en rechercher les clés.

Quels sont vos projets ?

Continuer à explorer les routes les moins connues, à expérimenter, à chercher, à écrire, d’abord un nouveau roman avec les personnages des Temps qui viennent, mais pas une suite, un livre en lui-même, une autre histoire. Mes lecteurs réclament une suite mais il n’y a jamais vraiment de suite puisque l’histoire se modifie en permanence, le monde change, les personnages évoluent… je me contenterai de les suivre dans une nouvelle intrigue, et peut-être que ce qui était resté énigmatique, les zones de mystère autour des trois personnages principaux, Arielle, Dante et Balthus, vont progressivement s’éclairer. Dans ce monde de transition, d’apocalypse et de révélation, nous allons vers de grands changements, et d’étranges évènements se produisent qu’ils seront chargés de suivre et de résoudre…Puisque c’est le but de l’ORV, ce service dont ils sont les héros, créé pour gérer les affaires relevant du surnaturel et du paranormal, ou de la désinformation et de la manipulation.

Quels sont vos coups de coeur littéraires ?

Quelle question vertigineuse ! La liste est immense : de Jung à Lovecraft, Sweig, ou Kawabata en passant par le Maitre et Marguerite, le Dit du Genji, Millenium, les Dukay, Femmes qui courent avec les loups, le livre de Dina, la Face cachée de la lune, Kafka sur le rivage, Dune de Franck Herbert, et tant tant d’autres … Thrillers et romans noirs sont mes remèdes préférés pour les jours de vague à l’âme…

Les livres qui m’ont fascinée ces dernières semaines sont des thrillers, Gattaca et Vertiges de Franck Thilliez, et Glacé de Bernard Minier, j’ai beaucoup aimé aussi le Code Salamandre de Samuel Delage…Il est vrai que je revenais du Festival Plume de Glace pour lequel les Temps qui viennent étaient nominés, et que j’ai eu envie de lire tous les livres des auteurs rencontrés là-bas : il m’en reste encore une belle pile, rassurante et pleine de promesses…

Avez-vous un site internet ou un blog où vos lecteurs peuvent laisser des messages ?

J’ai un site internet pour mon livre www.lestempsquiviennent.com sur lequel les lecteurs peuvent découvrir les arcanes du livre, laisser leurs impressions, poser leurs questions, discuter avec moi ou d’autres…

Et Arielle de Thal, l’héroïne des Temps qui viennent, la narratrice, a un compte facebook. Je reste dans son ombre…

Merci à Bérengère de BODINAT de nous avoir accordé cette interview.

Retrouvez les articles sur Bérengère de BODINAT ici

Jérome PEUGNEZ
Jérome PEUGNEZ
Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaire
Entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A découvrir

Daniel COLE : L’appât

L’appât nous emmène dans une enquête haletante sans jamais faillir sur les émotions.

Cédric FABRE : Marseille Noir

Au travers ces différents textes nous retrouvons une Marseille aimée, maltraitée, crainte et folklorique dans son côté « bad boy ».

Caroline LE RHUN : 4 – Bleus profonds

Comme à l’accoutumée, Caroline Le Rhun nous a concocté une excellente intrigue policière, doublée d’un message sur l’écologie marine.