Rencontre avec l’auteur Jean WEBER à l’occasion de la sortie de son roman Les ombres d’Euzkadi aux éditions Lemieux en septembre 2017
Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Jean WEBER, pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?
Jean WEBER : Jusqu’ici, j’ai eu une vie placée sous le signe du journalisme. En trois temps. La rigueur de l’AFP après l’engagement chevaleresque à l’Humanité et l’impertinence joyeuse du Canard Enchaîné. La multitude des piges tout au long d’un parcours sinueux avec, même, des années de gourmandise rémunérée comme testeur d’un guide gastronomique. Bref, la foule des rencontres inattendues. Stimulantes comme le mélange, le cocktail des situations. Tout cela préfacé par une jeunesse itinérante, globalement ennuyeuse, bien que riche en dérapages et sorties de route.
JP : Comment vous est venue l’envie d’écrire ? A quelle période ?
JW : J’ai toujours écrit. L’écriture pour respirer, partir vers le dedans et le dehors. Chasser l’ennui. Je l’ai fait sans plan ni méthode. Sans projet. Au fond, tout provient de la lecture chez moi. La lecture a été ma première passion. J’ai appris à lire très tôt et très vite. Pour épater mon institutrice. Pour chacune de mes lectures, je vois bien que j’étais poussé par le désir d’une autre réalité. Un monde sans limites, enrichi constamment par l’imaginaire.
JP : Quelles étaient vos lectures de votre enfance ?
JW : Vous voulez dire en dehors de Tintin et Milou ? Je me rappelle surtout Jules Verne, Alexandre Dumas, Jack London et Conan Doyle. Un peu en cachette, à peine plus tard, Simenon. Sans comprendre tout à fait (sans comprendre du tout même) mais parce qu’il y avait un climat, une musique envoûtants. J’aimais bien aussi Le Chasseur français que mon grand oncle collectionnait et me laissait dévorer.
JP : Quel est votre ‘modus operandi’ d’écriture ? (Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ?)
JW : Non, je ne connais ni le but, ni le chemin. Et c’est tant mieux. Ecrire en visant une fin précise ? Mais je crèverais d’ennui ! Vous avez vu juste : le patron, c’est le personnage. Si vraiment la coexistence avec lui se passe bien (que j’aime à le retrouver jour après jour tout au long du processus d’écriture, que je suis raisonnablement en colère contre lui, qu’il m’attendrit ou m’amuse, me surprend aussi) alors je me borne à le regarder évoluer. Il se flanque tout seul dans le pétrin ? Je note, je raconte. Il ment, il se bat contre des forces qui le dépassent ? Il évite ou lâche prise ? Je rapporte. En aucun cas je ne juge. Je ne suis pas très doué pour cela…
JP : Quelle est la genèse de votre dernier roman « Les ombres d’Euzkadi » ?
JW : J’écris vite. Je ne sais pas faire autrement. Je produis un 1er jet qui fournira une matière première surabondante sur laquelle je reviendrai pour réécrire, peaufiner et couper. Couper surtout. Tout d’un coup, le chapitre premier se voit précédé de deux autres qui le relèguent en 3e position.Un dialogue s’étoffe. Un fait survient qui modifie le cours des choses. Et puis, c’est une maladie, je parsème de copeaux de remarques excessivement subtiles (mais pas forcément utiles) un texte dont je tente de ne pas perdre le fil. La vraie vérité, c’est qu’avant d’écrire je rumine beaucoup sans rien produire concrètement. J’accumule sans ordre aucun des répliques, des scènes, des décors. Bien entendu j’en perds la moitié. L’important c’est qu’une ambiance s’installe. Je m’en imprègne. Je prends place dans la fiction. J’entre dans certaine disposition d’esprit et elle ne me lâchera plus jusqu’au mot Fin au bas du dernier feuillet. Il y a bien des incidents, des obstacles à franchir ou à contourner mais globalement j’avoue que je jubile. Non, malgré mon respect pour l’effort, je ne peux pas dire que j’enfante dans la douleur.
JP : Il y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
JW : Bien entendu. Mais je les ai vite perdus de vue. Ou plutôt, à partir de la forme ou du socle qu’ils me fournissaient je les ai métamorphosés. Ils sont devenus pour moi plus vrais que les vrais. J’ai détecté chez eux des traits enfouis. Je les ai dotés de destins qu’ils auront peut être ou peut être pas. Et surtout, en les faisant se rencontrer alors que dans la réalité ils ne se fréquenteront jamais, j’ai fait jouer des interactions qui les auront modifiés en profondeur. Juste retour des choses pour des gens (surtout des officiels) qui s’étaient invités dans ma vie sans que je les en prie !
JP : Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ?
JW : Que non ! Mon éditeur était impatient de me lire. Rien ne résiste à l’impatience d’un éditeur. En revanche, pour faire paraître le polar, il a attendu un moment jugé par lui favorable. La rentrée. Ces choses-là comme quantité d’aspects de la filière du livre échappent à l’auteur.
JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, sur vos écrits ?
JW : J’aurais bien voulu. Je voudrais bien. On écrit pour un lecteur inconnu. Avec des attentes, des représentations qui lui appartiennent. Ce lecteur, il fait de votre livre son livre. Il y voit (ou il y met) des choses ignorées de vous. Même le plus critique des retours est appréciable. Vous avez été reçu et perçu par quelqu’un que vous avez distrait (ou ennuyé) et c’est un puissant encouragement à continuer. Le silence tue. Mais mon polar, « Les ombres d’Euzkadi » est sorti fin septembre. Des dédicaces sont prévues. Il est encore un peu tôt pour les remarques surprenantes ou marquantes.
JP : Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez vous une autre facette cachée ?
JW : Peu de choses me laissent indifférent. En dehors de l’écriture et de la lecture je suis épris de cinéma. Le jazz m’a beaucoup aidé à surmonter les passages les plus délicats. Mais mon jardin secret, c’est la vaste nature qui se découvre chemin faisant. J’habite le Pays basque, c’est un petit pays empreint d’authenticité où il est difficile de ne pas voir combien elle est belle la nature que nous blessons avec notre appétit démesuré de posséder, de dominer.
JP : Quels sont vos projets ?
JW : Carpe diem le plus longtemps possible.
JP : Quels sont vos coups de coeur littéraires ?
JW : Côté polar, après James Lee Burke et Tony Hillerman, je suis accro à Deon Meyer. Libérée du régime de l’apartheid la société sud-africaine demeure fracassée et Meyer rend bien cette réalité dans ses fictions captivantes.
JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman ? A moins que le silence suffise ?
JW : Je vous invite à une promenade à deux avec le Modern Jazz Quartet même si le dernier enregistrement du MJQ remonte à 20-25 ans. Certes, c’est sophistiqué. Classique par certains aspects. Mais il y a une teinte douce, proche de la mélancolie, qui ne nuit pas à la lecture d’un polar un petit peu plus râpeux. Quand on a la chance de pouvoir faire deux choses bien en même temps.
JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
JW : Je me répands sur Facebook et pour accompagner la parution du polar j’édite une Page Facebook qui fait de moi un m’as-tu-vu connecté ce qui est très amusant.
JP : Merci Jean Weber d’avoir répondu à nos questions.
A TABLE – On se met à table, on s’allonge, on balance ! Pas besoin de l’assistance d’un avocat. C’est fou ce qu’ils aiment parler (d’eux) ceux qui écrivent. En plus, ils éprouvent de la reconnaissance pour leur confesseur. Songez : un rai de lumière sur » Les ombre d’Euzkadi » cela ne pouvait pas se refuser. Alors, je me suis mis à table, j’ai craché, et je dis 1 000 fois merci à Jérôme Peugnez et à Zone Livre, amis de l’écrit et de l’écran.