Franck BOUYSSE : Vagabond

Flag-FRANCE
[amazon asin=2253092576&template=image&title=-]

PRÉSENTATION ÉDITEUR

La journée, il erre dans les rues et s’arrête parfois pour écrire des chansons, voyant à peine ceux qui sillonnent la ville d’un pas pressé. Ses soirées, il les passe à jouer du blues dans les cafés, habité par sa musique. La nuit, il rejoint son hôtel miteux pour dormir, pour rêver à Alicia, celle avec qui il y a quinze ans il partageait la scène, celle qui est partie et lui a brisé le cœur. Et justement Alicia est en ville pour y chanter. L’apparition de ce fantôme va pousser l’homme à replonger dans son passé, dans son enfance et ses mystères.

Errant sur les traces de ce vagabond, Franck Bouysse nous entraîne sur une trajectoire incertaine, guidés par une voix littéraire profonde et puissante, dans une mélopée poétique qui côtoie autant l’ombre que la lumière.

L’AVIS DE SOPHIE PEUGNEZ

Lorsque la note suspend son vol… et que les sentiments explosent.

Un homme joue de la guitare dans un bar. Peut importe si les clients sont ivres, c’est viscéral pour lui de transmettre. Il joue pour elle au fond de la salle. L’alcool est son plus fidèle compagnon, une béquille dans l’existence. Lui qui dort maintenant dans des hôtels miteux

C’est comme si chaque note était des mains qui se tendent vers lui pour le maintenir en vie. Et les cordes de son instrument peuvent se rompre à tout moment comme le fil de son existence.

Dans ce roman noir, Franck Bouysse décrit des êtres à l’état brut avec beaucoup de pudeur. Quand l’art est synonyme de survie. Il y a une forme de poésie dans ses écrits. Le lecteur comme son personnage est importé dans une spirale, ennivré.

Extrait de la page 20. « Il salua l’auditoire et reprit sa guitare. Le silence se fit comme jamais dans ce bar, à une heure moins le quart, dès qu’il entama les premières mesures. Ce qu’il n’avait pas vraiment prévu de faire ce soir-là. Ranger ses illustres inspirateurs. Alors, d’une voix nourrie de tous les excès, il se mit à chanter ses propres mots, à jouer sa propre musique, des choses déjà dites, pour une femme qu’il ne connaissait pas. Ce courage que lui donnait une inconnue habillée par les arabesques de lucioles imaginaires. Regard perdu dans ce crépuscule inachevé qui ne se laisserait jamais totalement dévorer. Et une forme nouvelle de la beauté apparut à l’homme, en vers luisants sortis de sa mémoire, en bulbes sonores s’épanouissant au contact de la chaleur après un hiver de dormance. Et la paix se fit en lui.

Du silence prolongea la chanson, chacun attendant qu’il se passe quelque chose, parce qu’il y a des instants qui ne doivent pas avoir de fin, parce que les mots et la musique avaient cueilli des hommes et des femmes de leurs tropismes salvateurs. Un type plus bravache que les autres, que les émotions perturbaient, commanda à boire en ricanant et chacun se sentit le droit de quitter l’île de Morel.

L’homme fixait le  fond de la salle.

Il aperçut les yeux de la femme et il fendit les tables du pouvoir palpable à réveiller les morts. Il savoura ce moment, en circonvolution de sang de son coeur à son coeur. Pensant qu’il marchait encore, la voix d’Amy Winehouse, sortie d’une sono, avait repris le flambeau, et jamais il ne comprit qu’elle chantait pour lui et pour personne d’autre que lui. »

Extrait de la page 25. « Bientôt, les cordes cassèrent de vibrer et ce fut comme si le décor prenait possession des êtres vivants, ou du moins comme si l’homme décidait de leur immobilité passagère. Il sortit un carnet ceint par un élastique beige et large. Mouilla un majeur de sa langue et se mit à tourner les pages recouvertes de hiéroglyphes et des pattes familières de toutes sortes d’arthropodes, jusqu’à parvenir au jaune nauséeux d’un rectangle vierge qu’il parcourut de la mine d’un crayon à papier, tel un sismographe rendu fou par la colère de la terre. Et il reprit sa guitare pour mettre en pratique la chose écrite, s’arrêtant parfois la modifier. »

J’ai eu envie de me retrouver en librairie de rencontrer le lecteur à qui ce texte va parler. Cette capacité à s’incarner. A être ce type au fond des Cévennes (dans son roman « Grossir le ciel » publié à La Manufacture de Livres et aux éditions Le Livre de Poche), à être ce joueur de musique. Comme le comédien qui sait effacer les traites du quotidien pour laisser place totalement au personnage qu’il incarne. Il y a une profonde élégance dans cette écriture.

Hymne à la création musicale, si proche il me semble, de la création littéraire, lorsque les notes lorsque les lettres s’échappent, s’entrechoquent se posent sur le papier. Partition, manuscrit peu importe, une des parties les plus intimes du créateur s’incarne dans le papier.

Quand la folie créatrice, lorsque l’exultation tutoie le désespoir car la frontière est souvent mince entre la capacité à créer et avoir la sensation d’exister et celle que tout est néant. Sur la fragilité de l’existence et savoir si tout cela a vraiment un sens.

Lorsque l’auteur devient Charon. Le passeur de mots vous entraîne en douceur sur les eaux du Styx mais de quel côté de la berge vous déposera-t-il .

Partagez votre lecture dans les commentaires !


En savoir plus sur Zonelivre

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Sophie PEUGNEZ
Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire et modératrice professionnelle de rencontres littéraires. Elle a été chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et pour la radio.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A découvrir

Arno STROBEL : Enterrées vivantes

Enterrées vivantes vous donnera des sueurs froides et soyez averti, la vie n'est pas toujours ce que l'on veut vous faire croire !

Brigitte AUBERT : Louis Denfert – 01 – Le miroir des ombres

Brigitte Aubert plonge au cœur de la glorieuse épopée des pionniers du cinématographe. Dans les coulisses de la lanterne magique

Carlene THOMPSON : Le crime des roses

Un tueur froid qui attend l'heure du crime parfait et qui sait que les pires cauchemars sont ceux que l'on vit éveillé...