Présentation Éditeur
Automne 1830, dans un Paris fiévreux encore sous le choc des Journées révolutionnaires de juillet, le gouvernement de Louis-Philippe, nouveau roi des Français, tente de juguler une opposition divisée mais virulente.
Valentin Verne, jeune inspecteur du service des moeurs, est muté à la brigade de Sûreté fondée quelques années plus tôt par le fameux Vidocq. Il doit élucider une série de morts étranges susceptible de déstabiliser le régime.
Car la science qui progresse, mêlée à l’ésotérisme alors en vogue, inspire un nouveau type de criminalité. Féru de chimie et de médecine, cultivant un goût pour le mystérieux et l’irrationnel, Valentin Verne sait en décrypter les codes. Nommé par le préfet à la tête du « bureau des affaires occultes », un service spécial chargé de traquer ces malfaiteurs modernes, il va donner la preuve de ses extraordinaires compétences.
Mais qui est vraiment ce policier solitaire, obsédé par la traque d’un criminel insaisissable connu sous le seul surnom du Vicaire ?
Qui se cache derrière ce visage angélique où perce parfois une férocité déroutante ?
Qui est le chasseur, qui est le gibier ?
Dans la lignée des grands détectives de l’Histoire, de Vidocq à Lecoq en passant par Nicolas le Floch, un nouveau héros est né.
Origine | |
Éditions | Albin Michel |
Date | 28 avril 2021 |
Éditions | Le Livre de Poche |
Date | 27 avril 2022 |
Pages | 368 |
ISBN | 9782226460745 |
Prix | 20,90 € |
L'avis de Cathie L.
Le Bureau des Affaires Occultes, publié par les éditions Albin Michel en 2021, a remporté un franc succès et a été couronné par plusieurs prix littéraires dont le prix Maison de la presse, le prix Griffe noire du meilleur polar historique de l’année, prix Lire sous les étoiles. La langue d’Eric Fouassier est musicale, riche d’un vocabulaire choisi, même dans les moments de tension dramatique :
« Affronter sa peur…Il s’y était préparé dans sa tête. Il se croyait suffisamment fort pour s’arracher au piège. Mais là, il ne sait plus. Il n’arrive plus à faire émerger la moindre pensée cohérente du chaos qui règne sous son crâne. Un froid glacial s’est emparé de lui. Qui lui liquéfie les os. » (Pages 11-12)…
Des phrases qui se débitent à vive allure, entraînant le lecteur dans une sorte de frénésie irrépressible :
« Pris de vertige, le jeune garçon a dérivé entre les baraques, les tentes et les tréteaux dressés. désemparé, irrésolu. Incapable de discerner le moindre visage dans cette marée humaine qui lui semblait constituée d’un seul bloc. Il aurait voulu qu’une main secourable se tende, mais personne ne lui prêtait attention. Nul ne remarquait son masque hagard et ses mains maculées de boue. » (Page 13).
L’intrigue
Valentin Verne, détaché à la Sûreté en raison de ses qualités « à la fois fiable, discret et qui ne puisse être soupçonné d’avoir un quelconque parti pris politique », pour une mission délicate: enquêter sur le soi-disant suicide du fils du député Charles-Marie Dauvergne, homme distingué. Bien que Valentin se soit donné pour but de coincer celui qu’il poursuit depuis des années et qu’il surnomme le Vicaire, Valentin ne saurait refuser une offre qui, de toute façon, a déjà été entérinée en haut lieu.
Détails intrigants: le jeune homme qui se défenestre sous les yeux de sa mère au cours d’une fête, arborant un sourire extatique. Curieux, pour un suicidé!! Cette mort suspecte aurait-elle un rapport avec un groupuscule soupçonné de conspiration républicaine, se réunissant aux Faisans Couronnés, crime grave sous le règne de Louis-Philippe, le roi bourgeois faussement débonnaire ? Très vite, Valentin se dit que l’affaire Dauvergne « s’annonçait plus complexe que prévu et il commençait à se demander, non sans une certaine appréhension, jusqu’où risquaient de l’entraîner ses obscurs méandres. » (Page 71).
C’est alors que survient une seconde mort suspecte: le sieur Tirancourt, voyageur de commerce et bonapartiste notoire, s’est donné la mort dans une maison galante. Il a fracassé toutes les glaces de la chambre à l’aide d’un chandelier, a menacé sa compagne avec un pistolet avant de se donner la mort. Avant de succomber, Tirancourt a prononcé cette phrase étrange : « ce sont les miroirs qui m’ont obligé. »
Valentin pressent que cette mort suspecte pourrait avoir un lien avec le « suicide » de Lucien Dauvergne, mais lequel ? Serait-ce un mobile politique? Mais d’autres questions cruciales accaparent le jeune inspecteur: qui s’est introduit dans son cabinet secret et pourquoi ? Celui qui a tenté de l’assassiner dans la rue, à la tombée de la nuit, aurait-il maille à partir avec le Vicaire ?
Autant de questions auxquelles valentin devra répondre avec la plus grande prudence s’il veut conserver la vie et résoudre l’affaire des suicides mystérieux. Car le danger guette à chacun de ses pas dans les venelles sombres et crasseuses de la capitale occulte…
Paris en 1830 : reconstitution soignée et documentée propre à faire revivre, l’espace d’un roman, des recoins de la capitale à jamais disparus ou méconnaissables pour les Parisiens d’aujourd’hui.
« Il se trouvait -même s’il l’ignorait alors- dans le faubourg qui borde la barrière de Montreuil, non loin du hameau du Petit-Charonne. Un décor de masures et de cabanes délabrées, de terrains vagues et de jardins potagers. » (Page 12)…
« Il reprit la rue Saint-Honoré et la suivit jusqu’à la monumentale église de la Madeleine. L’édifice encore inachevé laissait apercevoir, à travers ses échafaudages, l’imposante colonnade corinthienne de ses façades latérales. » (Page 59)…
« Après avoir quitté la préfecture de police, il remonta le quai des Orfèvres jusqu’au pont Saint-Michel et traversa la chaussée pour gagner le funèbre édifice de la morgue. Celui-ci jouxtait le parapet du petit bras de la Seine et dominait un amas de masures et de garnis louches. Devant l’entrée, un escalier menait directement à la berge et facilitait le débarquement des noyés apportés chaque matin par bateau. » (Page 49)…
« A partir de là, la voie s’élargissait sur trois cents mètres, formant une sorte de place oblongue et ombragée. C’était la partie la plus populaire des anciennes fortifications, ce fameux boulevard du temple, avec ses façades baroques, ses salles de spectacle au fronton pseudo-corinthien ou pseudo-byzanthin, mais aussi sa fête foraine permanente. » (Page 250).
Eric Fouassier possède le don inimitable de créer une atmosphère, une ambiance dramatique en seulement quelques coups de plume digne des plus grands romanciers du 19e siècle :
Les Faisans Couronnés : « De l’autre côté de la rue, la façade du café lui apparaissait des plus vétustes. Une méchante enseigne de fer-blanc surmontée d’un quinquet. On y avait barbouillé deux volatiles d’espèce mal déterminée, au chef surmonté d’une couronne ridiculement prétentieuse. Des murs de torchis, lépreux, maculés de boue et de noir de fumée. Une porte basse et deux larges fenêtres à croisillons, dont les carreaux de verre, en cul-de-bouteille, ne laissaient rien deviner de l’intérieur. » (Page 64).
Contexte historique
1830. L’action se situe après les journées de juillet au cours desquelles Charles X avait été chassé du pouvoir au profit de son cousin Louis-Philippe. Après l’euphorie du peuple convaincu que le « roi bourgeois » prendrait soin de lui comme un père avec son enfant, l’enthousiasme révolutionnaire était retombé, plongeant la capitale dans un calme trompeur.
« Les ouvriers et artisans parisiens avaient la gueule de bois. Passée l’euphorie d’une victoire qui leur avait été pour une large part confisquée, ils retrouvaient leur existence médiocre, marquée par la baisse des salaires et le durcissement des conditions de travail. Le trône avait changé d’occupant mais c’était bien la seule évolution notable. Plus d’un en avait pris conscience, non sans amertume. Sous les braises, le feu couvait encore. Et il ne fallait pas être grand clair pour deviner que le moindre incident, le plus petit prétexte pouvait suffire à rallumer l’incendie. » (Pages 17-18)
=> Le décor est planté.
Contexte politique
Afin de comprendre les dessous de l’enquête menée par Valentin Verne, il est important que le lecteur soit au fait du cadre politique de cette fin de l’année 1830, des rivalités et des tensions en jeu. Eric Fouassier éclaire notre lanterne de façon claire et parfaitement intégrée à l’histoire:
« Il se dit que les légitimistes sont prêts à tout pour discréditer le nouveau pouvoir en place, fit remarquer Valentin. La branche aînée des Bourbons n’a pas supporté de se voir supplanter par ses cousins d’Orléans.(…) Si nous n’avions à nous soucier que des carlistes (autre nom donné aux légitimistes, partisans de Charles X), lâcha-t-il, le maintien de l’ordre serait chose aisée. Mais le régime est encore bien fragile et les républicains n’ont toujours pas digéré l’issue des Journées de juillet. Nous savons que certains d’entre eux se sont constitués en sociétés secrètes et guettent la moindre occasion de déstabiliser le trône. On les a encore vus à l’oeuvre il y a une dizaine de jours… Après la révolution de Juillet, quatre ministres de Charles X, dont le prince de Polignac, ancien président du Conseil, avaient été arrêtés alors qu’ils tentaient de fuir à l’étranger. Leur procès pour haute trahison devait s’ouvrir en décembre devant la Chambre des pairs. Son issue était devenue un enjeu majeur entre les différentes factions politiques du pays. Au début du mois d’octobre, la Chambre des députés, dans un souci d’apaisement, avait voté une adresse demandant au roi de présenter un projet pour abolir la peine de mort en matière politique. Il n’en avait pas fallu davantage pour soulever une tempête d’indignation dans les rangs républicains. Les plus extrémistes avaient envahi le Palais-Royal, puis gagné le fort de Vincennes pour tirer les ministres de leur cachot et les passer immédiatement par les armes. Seule l’intervention vigoureuse des gardes nationaux avait permis de mettre fin à l’émeute. » (Pages 39-40)
=> Contexte explosif qui explique les précautions dont Valentin et ses collègues doivent s’entourer afin de mener leur enquête à son terme.
En conclusion
Le Bureau des Affaires occultes propose une intrigue complexe qui mêle l’affaire des suicides suspects au trafic de l’homme surnommé Le Vicaire. Complexité facile à suivre grâce aux dialogues constructifs, aux passages narratifs permettant de nouer les fils entre eux.
Eric Fouassier mêle habilement fiction et réalité historique afin de donner un aperçu le plus juste possible de la police de l’époque : « Le temps de Vidocq et de ses sbires est révolu. Il est assurément possible de faire œuvre de bonne police avec des gens parfaitement intègres » (Page 37), des dernières avancées de la médecine légale encore très rudimentaire : « J’ai toujours eu un goût prononcé pour l’étude et il me semble qu’un enquêteur digne de ce nom ne peut négliger certaines avancées scientifiques. J’ai eu le bonheur il y a deux ans de suivre quelques cours de toxicologie du professeur Orfila (professeur de médecine légale à la Faculté de Paris, auteur d’un Traité de Médecine Légale, devenu à l’époque l’ouvrage de référence en la matière). (Page 53).
Le + : l’art de la mise en scène grâce à des mots choisis, des enchaînements judicieux :
« Le soleil commençait tout juste à percer l’épaisse couche de nuages. Sur la rive opposée, en contrebas des Tuileries et du Louvre, une lumière pâlichonne baignait le port Saint-Nicolas. Le lieu fourmillait déjà d’activité. Tout en poursuivant son chemin, Valentin suivit des yeux l’agitation des mariniers et des portefaix qui s’affairaient sur la rive boueuse, ainsi que l’embarquement des premiers passagers à bord du coche d’eau desservant Chaillot, Auteuil et Javel. » ( Pages 34-35).
Le Bureau des Affaires Occultes est un roman passionnant par son érudition discrète, son assise historique solidement documentée, peu importe le sujet traité, son intrigue habilement menée, ses personnages intéressants. 356 pages au cours desquelles on ne s’ennuie pas une seconde.
L'avis de Stanislas Petrosky
Fouassier nous emmène au début du XIXe siècle aux côtés d’un jeune inspecteur de police Valentin Vernes qui vient tout juste d’être muté à la Sûreté, tu sais la brigade fondée quelques années plus tôt par Vidocq…
Valentin n’est pas un condé comme les autres, il aime la chimie, ma médecine, et a même un petit faible pour l’irrationnel.
Si d’un côté il investigue sur une série de meurtres qui n’ont pas d’autres buts que de déstabiliser le jeune régime en place, d’un autre, il traque un criminel que l’on surnomme le Vicaire.
Éric Fouassier ouvre une série qui dépayse, transporte dans le passé son lectorat, il donne le là dans ce premier opus, où l’on découvre tout doucement qui est Valentin Vernes. Une belle plongée dans la Monarchie de juillet.
Si une première affaire est résolue, on referme le livre en voulant en savoir plus sur le Vicaire…