Reynald SECHER : Le miroir sans retour

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Reynald SECHER - Le miroir sans retour
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  • Éditions du Rocher le 11 avril 2018
  • Pages : 328
  • ISBN : 9782268099309
  • Prix : 21,90 €

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Hiver 1832. Le curé d’Orly est brusquement appelé au chevet de l’ancien maire, Valentin Chévetel, agonisant.

S’engage alors entre les deux hommes un invraisemblable et rocambolesque échange durant lequel Chévetel s’accuse des plus sordides trahisons et des plus basses manipulations pour anéantir la contre-révolution en Bretagne, la chouannerie, et assassiner son chef, le marquis de La Rouërie, héros de la guerre d’indépendance américaine et ami de Washington.

Véritable thriller historique, fondé sur des faits authentiques, ce récit, fait de rebondissements stupéfiants, révèle la face obscure de certains révolutionnaires, et non des moindres (Danton, Marat, Robespierre…), animés des plus vils sentiments (jalousie, veulerie, cupidité…), et permet de mieux appréhender cette période clé de l’histoire de France, idéalisée de nos jours par certains, décriée par d’autres.

L’AVIS DE CATHIE L.

Le miroir sans retour a été publié par les éditions du Rocher en 2018. Le premier chapitre, ancré dans le présent à l’hiver 1832, est raconté à la troisième personne. Les chapitres suivants, souvenirs de Valentin Chévetel qu’il raconte au curé sur son lit de mort, sont écrits à la première personne et au passé, instaurant une distance par rapport à l’immédiateté de l’action.

Le style est fluide, agréable à lire, utilisant un vocabulaire courant, car ce qui compte c’est l’action des faits historiques relatés. Le miroir sans retour, roman historique, fait preuve d’un sens du détail et de la précision tout en légèreté, sans alourdir le récit: « Je reconnus immédiatement l’odeur caractéristique de la belladone, une plante herbacée des taillis, à baies roses, de la taille d’une cerise. Très toxique, car contenant un alcaloïde, l’atropine utilisée médicalement à très faible dose. L’emploi en est d’ailleurs extrêmement délicat car, en quantités répétées, elle finit par devenir fort dangereuse. Il était curieux qu’un tel produit ait été oublié, surtout dans une maison ouverte à tous les vents. Peut-être le reliquat d’une affaire d’empoisonnement ou de vengeance comme le XVIIIe siècle avait su en générer? » (Page 45).

L’intrigue

Février 1834. Le curé d’Orly est appelé au chevet de l’ancien maire, Valentin Chévetel, l’un des acteurs des événements qui ont marqué la contre-révolution en Bretagne, quarante années plus tôt. Désireux de soulager sa conscience, il revient sur son passé, racontant les circonstances de ses nombreux crimes et méfaits commis dans sa jeunesse.

Ambitieux, sans scrupules, Valentin Chévetel, fils d’un modeste médecin de campagne, rêve de gloire et de richesse. Devenu le médecin personnel du marquis de la Rouërie, il accède ainsi à des classes sociales qui lui étaient auparavant fermées. « L’amitié pour le marquis n’était pas un vain mot et je devins rapidement un de ses familiers au même titre que Shaffner et Thérèse de Moëlien, et les domestiques me traitaient avec les mêmes égards. La complicité entre nous était devenue si grande qu’un jour il en vint à m’exhorter d’abandonner le titre de marquis dont j’usais à son égard… » (Page 65).
Néanmoins, avant son départ pour Paris, Chévetel, animé d’une haine et d’une jalousie inextinguibles à l’égard du marquis, met le feu à son château. De désillusions en aventures, de mauvaises rencontres en amitiés douteuses, Chévetel se retrouve mêlé à la contre-révolution bretonne qu’il oeuvre à détruire par tous les moyens, honnêtes ou pas, jouant un rôle politique d’une dangereuse ambiguïté, motivé par la haine tenace qu’il éprouve envers le marquis, chef des rebelles.

Les lieux

Les descriptions de lieux, primordiales pour une reconstitution historique la plus crédible possible, sont particulièrement soignées. Ainsi pour le château du marquis de la Rouërie, que Chévetel avait convoité de toute la force de son violent caractère, dans l’état d’abandon dans lequel il se trouve en 1834 : les vastes jardins à la française, jadis si amoureusement entretenus, ressemblaient aujourd’hui à une jungle hirsute; la mousse avait colonisé les allées de fin gravier, tandis que les arbres avaient repris leurs droits naturels. Quant à la grille, « jadis peinte tous les ans d’un bleu roi, elle était, chaque jour qui passait, rongée un peu plus par la rouille. » (Page 12). Tout ce qui, autrefois, avait constitué la splendeur de cette demeure seigneuriale n’était plus que ruine et désolation, comme pour montrer la vanité des passions et désirs qui avaient animés le cœur de Chévetel au point de lui faire commettre les pires trahisons : « Tout était vide. Seuls de rares tapis usés et quelques chaises recouvertes de housses empoussiérées apparaissaient çà et là. Les boiseries avaient disparu, les papiers peints tombaient en lambeaux et des lattes de parquet, mangées par le temps et l’humidité, se soulevaient sous la pression des pas. » (Page 18).

L’espace d’un instant, fermons les yeux et retrouvons-nous dans le Paris de la Révolution, dans les années 1790, dans les pas de Valentin Chévetel :

« En parcourant les rues des faubourgs, je fus consterné par la saleté ambiante, les eaux usées qui ruisselaient entre les pavés, les cloaques, les murs décrépis. Un peu partout des chiens, des porcs et des chèvres erraient (…). Une pauvreté que la foule rendait encore plus laide. Les jurons et les insultes fusaient; les coups pleuvaient. Au milieu de ce vacarme, des charrettes de tous genres et de toutes dimensions tentaient de se frayer un chemin au milieu de commerçants hurlant tout leur soûl pour vanter leurs marchandises; des enfants, très nombreux, laissés à eux-mêmes, couraient en tous sens, s’amusant d’un rien. Quelques hommes débraillés dormaient profondément le long des murs, sans être gênés par l’agitation qui les entourait. » (Page 73).

Contexte historique : la reconstitution historique se fait sur deux plans: socialement et politiquement. Socialement, Reynald Secher montre dans quelles mesures les années 1790 représentent une période charnière qui consista, dans un premier temps, à balayer les conventions sociales de l’Ancien Régime faites pour les riches et les nobles et, dans un second temps, à construire un ordre nouveau. Mais, les hommes étant ce qu’ils sont, personne n’a pu ou voulu éviter les dérapages sanglants dus principalement aux velléités revanchardes, aux ambitions et aux désirs de pouvoir des révolutionnaires, finalement guère mieux que ceux qu’ils combattent. La place des femmes et des gens du peuple, la différence entre noblesse et roture sont esquissées afin de donner du crédit à cette composition historique.

Politiquement, les événements parisiens qui ont illustré la Révolution Française se juxtaposent à la lutte engagée par les Bretons, nobles ou pas, d’une part pour sauvegarder leurs pouvoirs politiques bafoués par le roi, engageant un véritable bras de fer: « Le Parlement de Bretagne a donc décidé de réagir et de protester vivement en envoyant à Versailles une délégation de douze parlementaires (…) mais le roi et son Conseil ont refusé de nous recevoir. On a frappé à toutes les portes, en vain. Nous venons d’apprendre que l’ordre de nous arrêter a été donné. »

D’autre part, afin de résister à la terreur qui mine chaque jour plus profondément les bonnes intentions des révolutionnaires, afin d’instaurer un ordre, certes nouveau, mais pas à condition de pulvériser l’ancien. Le marquis de la Rouërie l’a bien compris: abolir les privilèges et conventions sociales qui pèsent sur la société afin de garantir à tous sécurité et revenus décents. Thèmes tellement modernes !!

En conclusion

Le contexte historique, habilement mis en scène, sert de soubassement à l’intrigue sans pour autant l’alourdir. Par exemple, les nombreuses précisions sont distillées sous forme de conversations entre les différents protagonistes, donnant vie et consistance au récit. En aucun cas un roman historique ne doit être un essai déguisé. Il doit être animé par un souffle romanesque, avec des aventures, des rebondissements, des personnages intéressants qui font progresser l’action, mais également des réflexions sur les événements ou les aspirations humaines, tout cela en une harmonieuse combinaison. Amateurs d’Histoire ou d’histoires, je vous recommande donc ce roman bien construit, divertissant et instructif. A emmener dans votre valise de vacances…

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Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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