INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Métailié le 06 mars 2014 Titre original : Crimines y jardines Traduit de l’espagnol par François GAUDRY Buenos Aires, 1894. Sigmundo Salvatrio, le jeune détective que nous avions connu à Paris dans Le Cercle des Douze, a repris l’agence Craig après la mort de son mentor. Il va affronter sa première affaire : le poète et journaliste Jerónimo Seguí lui demande de rechercher un de ses amis. La découverte du cadavre avec une statuette de Narcisse oriente l’enquête vers un groupe de philosophes des jardins aux agissements pour le moins bizarres. Quelle est la place des jardins dans la culture ? Doivent-ils être la réplique du Jardin de l’Eden avant la Chute ou bien ordonnés et géométriques à l’image de ceux de l’Atlantide ? Doivent-ils répondre à un dessein secret ? Relèvent-ils de l’ésotérisme ? Ces théories peuvent-elles avoir inspiré une série de crimes. Un psychiatre, un antiquaire, un poète, un chasseur et un riche entrepreneur, regroupés dans le cercle Sub Rosa, consacrent leurs soirées à débattre de ces questions. Au centre de l’intrigue, le roi du sel menacé de ruine par les progrès de la réfrigération pour le transport de la viande, et sa fille Irène, belle, folle et visionnaire dont les rêves révèlent l’ordonnancement des jardins de l’Atlantide. Les crimes brutaux succèdent aux débats mythologiques et le jeune Salvatrio, chassé de ce qu’il croyait être son foyer et logé à “l’hôtel des suicidés”, doit affronter Castelvetia, son ennemi de Paris, le détective expulsé du Cercle des Douze, tout en flirtant avec sa troublante et peu farouche assistante. Il doit aussi enquêter sur son énigme personnelle : Mme Craig et son mystérieux visiteur. Dans ce roman aux sentiers qui bifurquent, Pablo de Santis se révèle héritier de la meilleure veine fantastique argentine, maître des atmosphères étranges et des ambiances liées à l’occultisme, et son enquêteur ingénu et maladroit mène avec brio une enquête qui laisse toujours sa part au hasard. (Sources : Métailié – Pages : 264 – ISBN : 9791022600811 – Prix : 20 €) |
L’AVIS DE SOPHIE PEUGNEZ
« L’histoire de notre vie est l’histoire de nos peurs » (p.13) ainsi commence et se termine le livre de l’argentin Pablo de Santis dont l’action se passe à Buenos Aires, à la fin du XIXe siècle. Une ville où l’on peut trouver un hôtel spécialisé dans les suicides, le Royal, « à la réception, un écriteau indiquait, prévoyant : « Les chambres sont réglables d’avance. » » !
L’antiquaire Rainer est assassiné. Le détective Salvatrio apprend très vite qu’il a été « tué dans un jardin. Ce sont les jardins qui sont maudits. » lui confie le poète. (P. 32) Salvatrio découvre que Rainer constitue avec d’autres hommes influents de la ville – un médecin aliéniste, un homme d’affaires, un poète, un chasseur – un club de philosophes qui réfléchissent aux théories relatives aux jardins. Les avis sont partagés et les thèses s’affrontent avec passion. Le chasseur et le médecin défendent le jardin édénique, les autres sont fascinés par les jardins de l’Atlantide :
« Nous autres, partisans du jardin édénique, tendons à considérer le jardin comme une représentation de l’état sauvage, du monde antérieur à la civilisation, à la culture. Le jardin nous emporte dans un temps hors de l’histoire. Les autres, en revanche, voient dans le jardin comme un ordre idéal où le génie humain se distingue par le dessin. » (P.54) Clemm, le chasseur soutenait que tout jardin devait être un retour au jardin primitif, à la forêt primaire d’avant la civilisation, il méprisait les jardins ordonnés, tout particulièrement le jardin à la française, et préférait le feuillage, les plantes sans fleurs. « Il répétait que les jardins devaient rester intacts, qu’il fallait laisser les feuilles mortes, les branches tombées, les arbres morts. » Pour le poète, « le jardin doit être composé comme un long poème, avec des rimes cachés (…) Des plantes qui reprennent une forme ou une couleur. Des statues liées par la main qui les a sculptée, ou par ce qu’elle représentent, ou encore par les mythes auxquels elles renvoient. C’est pourquoi je tenais à l’idée du sentier : il faut qu’il y ait un chemin très précis pour parcourir un jardin. Un jardin doit être comme un livre. » (P.49) Après l’antiquaire, le chasseur et le poète sont eux aussi assassinés. Mais peut-on tuer pour des idées ?
Les jardins ne sont pas forcément des lieux de calme et de repos, le réalisateur anglais Peter Greenaway, en 1982, en faisait déjà le lieu d’un crime, nous faisant découvrir la beauté des jardins anglais dans son film Meurtre dans un jardin anglais. Dès lors, comment ne pas se perdre dans ce labyrinthe d’idées et de concepts ? Qu’est-il arrivé à la fille de l’homme d’affaires, la folle qui dés lors qu’elle était en transe, parlait si bien des jardins de l’Atlantide, s’est réfugiée dans un profond silence ?
Le livre de Pablo de Santis regorge de trouvailles et d’humour noir : les veuves en noir cultivent des fleurs carnivores, les hôtels souffrent de dépression, les détectives sont philosophes : un vrai bonheur de lecture !
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