Présentation Éditeur
Septembre 1940, Stalag XB… Nestor Burma se retrouve aux immatriculations des gars « recrutés » par le gouvernement allemand afin de fournir une main d’oeuvre gratuite dans ces camps de travail!Arrive devant lui un homme au visage émacié, totalement amnésique et au regard perdu. On le surnomme « la globule » ! des soldats du 6ème génie l’ont trouvé dans la forêt, les pieds cramés et la gueule en sang ! peu après, ils se sont tous fait rafler par les schleus et amener au stalag XB!
Il n’en faut pas plus à Burma pour s’interroger sur ce mystérieux personnage. Surtout quand celui-ci au moment de mourir l’appelle par son nom et lui dit dans un sursaut: « dites à hélène…120 rue de la gare… ».
Peu de temps après, un train rapatrie quelques prisonniers des camps de travail vers la France. Burma en fait partie. En gare de Perrache, à Lyon, Nestor croise par hasard Robert Colomer, un ancien associé de l’agence Fiat lux appartenant à Burma…
Malheureusement, les retrouvailles durent peu, car Bob se fait tirer dessus ! Avant de mourir, il a le temps de prononcer une étrange phrase: « Patron…120 rue de la gare… »
Et voilà comment une nouvelle enquête démarre! Débutant à Lyon, elle ramènera Burma en Zone occupée, pour résoudre une énigme bien étrange… qu’y a-t-il dans cette fameuse rue de la gare ? Et où se trouve-t-elle ?
Origine | |
Éditions | Casterman |
Date | Janvier 1988 |
Date | 7 janvier 2015 |
Pages | 192 |
ISBN | 9782203094055 |
Prix | 20,00 € |
L'avis de Jérome Peugnez
La bande dessinée 120, rue de la Gare de Jacques Tardi, adaptée du roman éponyme de Léo Malet, est un véritable hommage au genre du polar noir et une plongée magistrale dans une France occupée par les nazis. Cette œuvre, sortie en 1988, s’inscrit dans la série des aventures du détective privé Nestor Burma, un personnage emblématique de Malet, dont Tardi a su retranscrire toute l’ironie désabusée et l’acuité.
Une ambiance noire à souhait
L’intrigue commence sur le front de guerre, en 1941. Nestor Burma, détective reconverti en soldat après la défaite française, se retrouve dans un camp de prisonniers en Allemagne. Là, il fait la connaissance d’un mystérieux homme, qui, agonisant, lui murmure ces quelques mots énigmatiques : « 120, rue de la Gare ». Rapatrié en France pour des raisons de santé, Burma tente de retrouver sa liberté à Lyon, ville grise sous l’Occupation. Mais à peine arrivé, il découvre que son propre assistant a été abattu. Étrangement, ce dernier a prononcé les mêmes mots énigmatiques avant de mourir : « 120, rue de la Gare ».
Dès lors, Burma est entraîné dans une enquête complexe, entre Paris et Lyon, où la vie quotidienne sous l’Occupation pèse lourdement. Tardi s’approprie à merveille ce climat d’incertitude, où chaque coin de rue peut cacher un informateur de la Gestapo ou un résistant dissimulant ses intentions. Les ombres des immeubles, les pavés humides et les regards méfiants des passants sont magnifiquement croqués, rappelant l’esthétique des films noirs des années 1940.
Un portrait fidèle du Paris occupé
L’une des grandes forces de Tardi, c’est son souci du détail historique. On retrouve dans ses planches une reconstitution méticuleuse du Paris sous l’Occupation, avec ses rues étroites, ses tramways, ses affiches de propagande et son atmosphère pesante. Chaque case est travaillée comme un tableau où la ville devient un personnage à part entière, témoin muet des intrigues et des dangers qui guettent Burma à chaque pas.
Les personnages secondaires – policiers collabos, gangsters, agents doubles – sont tout aussi soignés. Ils incarnent cette galerie d’âmes perdues et troubles que Malet avait su capturer dans son roman. Burma, lui, est un homme de son temps, cynique, mais jamais désabusé. Tardi l’ancre dans cette époque, tout en laissant transparaître son humanité à travers quelques touches d’humour noir, une marque de fabrique que l’on retrouve dans l’œuvre de Malet.
Une adaptation magistrale
Tardi, qui n’en est pas à sa première incursion dans le genre du polar historique (*Adèle Blanc-Sec*, *La Véritable Histoire du Soldat Inconnu*), trouve ici une matière narrative à la hauteur de son trait sombre et incisif. En s’attaquant à l’œuvre de Léo Malet, il ne se contente pas d’en transcrire fidèlement l’intrigue, il en épouse également la forme, en s’inspirant de la manière de raconter l’histoire par une succession de dialogues rapides et percutants. Les phylactères abondent, les silences sont rares, mais chaque mot est pesé, donnant à l’enquête un rythme haletant.
Tardi parvient à restituer toute l’atmosphère lourde de sens du roman original, tout en y insufflant sa propre sensibilité artistique. Les visages, marqués par la guerre et l’Occupation, révèlent une dimension humaine poignante, où le tragique côtoie l’absurde. La rigueur du noir et blanc accentue encore cette tension, rappelant les grands maîtres du film noir, tout en s’éloignant des conventions de la bande dessinée traditionnelle.
Un héritage littéraire et graphique
120, rue de la Gare est une œuvre indispensable pour les amateurs de polar, de bande dessinée historique, et plus largement pour tous ceux qui s’intéressent à la manière dont la Seconde Guerre mondiale a marqué les esprits et la culture populaire. Avec cette bande dessinée, Tardi perpétue le patrimoine littéraire français, en rendant hommage à l’un des maîtres du roman noir, tout en inscrivant son travail dans une tradition graphique où l’Histoire sert de toile de fond à des intrigues où les petits gestes du quotidien prennent une importance capitale.
En conclusion, cette bande dessinée est plus qu’une simple adaptation, on prend plaisir à se perdre dans les ruelles sombres de Paris, aux côtés d’un détective plus humain que jamais. Tardi et Malet, deux noms indissociables d’un genre où l’encre noire se mêle à l’Histoire pour raconter des histoires inoubliables.
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