Jean-Christophe PORTES : Les enquêtes de Victor Dauterive – 04 – L’espion des Tuileries

« L’espion des Tuileries, Jean-Christophe Portes maîtrise parfaitement l’art de la mise en scène dans un contexte historique confus et complexe »

Jean-Christophe PORTES : Les enquêtes de Victor Dauterive – 04 - L'espion des tuileries
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Présentation Éditeur

Printemps 1792, la guerre voulue par les députés girondins commence — mal — entre la France et l’Autriche. C’est dans ce contexte hautement explosif que La Fayette charge le lieutenant Victor Dauterive d’escorter un convoi : rien de moins que la paye de l’armée, une petite fortune de 500 000 livres…

Comme le craignait La Fayette, le convoi est attaqué et l’argent disparaît. Dauterive se lance alors sur les traces des voleurs. Une enquête qui le mène au cœur du chaudron révolutionnaire, vers les Tuileries. Pour en savoir plus, il devra approcher le roi, au beau milieu d’un Paris chauffé à blanc par les girondins et les sans-culottes.

Mais dans ces Tuileries infestées d’espions et d’aventuriers, Dauterive n’est pas le seul visiteur clandestin. Le nouveau palais royal est le centre de toutes les convoitises et de tous les complots. Le jeune officier va bientôt devoir choisir son camp dans un jeu qui risque d’être mortel…

Origine Flag-FRANCE
Éditions City
Date 1 novembre 2018
Éditions City poche
Date 23 septembre 2020
Pages 480
ISBN 9782824617244
Prix 8,50 €

L'avis de Cathie L.

L’espion des Tuileries a été publié en 2018 par les éditions City. L’action se déroule en avril 1792. Les faits et l’ambiance politique qui règne dans Paris sont méthodiquement et clairement exposés. La plume de Jean-Christophe Portes est très agréable à lire, dans un style fluide, au vocabulaire riche et choisi sans être rébarbatif et aux phrases bien tournées. Comme dans les opus précédents, sa maîtrise parfaite de l’art de la mise en scène dans un contexte historique confus et complexe ajoute un vrai plus au récit :

« Collot et sa statue s’éloignaient lentement vers l’esplanade, suivis de jeunes femmes en blanc qui brandissaient les chaînes rouillées des forçats injustement condamnés. Certaines prenaient leur rôle avec sérieux, d’autres se moquaient de la foule et provoquaient les hommes à leur passage, imprudentes, le sein à l’air. Et tout cela finissait dans une danse débridée, des spectateurs ivres morts se mêlant aux nymphes pour les toucher et les embrasser, hurlant La Carmagnole. » (Page 122)…

« Face au palais, la place du Carrousel était noire de monde. On entendait des chants patriotiques, un violon jouait une contredanse au milieu de marchands ambulants, de membres des Cordeliers et de curieux. Mais ce que l’on voyait le plus était le bleu des gardes nationaux passifs, plusieurs milliers d’hommes armés de piques sans doute venus des sections les plus agitées, au nord et à l’est de la ville. » (Page 135).

Alors que Victor Dauterive escorte le convoi qui transporte la solde de l’Armée du Nord, un volontaire national est retrouvé mort, le corps encore chaud, abattu dans le dos, pieds nus. Le seul moyen de l’identifier : un billet dans sa poche contenant un message sibyllin.

L’auberge où le convoi fait halte est assaillie par une foule d’hommes et de femmes lançant des pierres et des immondices à travers le portail fermé. La situation est grave: « Victor croisa le regard d’un dragon à ses côtés. Et si ses hommes écoutaient les assaillants ? S’ils se mutinaient contre lui ? Après tout, ce serait un moyen de sauver leurs vies -ils n’étaient qu’une poignée face à plusieurs centaines de volontaires enragés. » (Page 29)… D’autant que la berline est volée. L’attaque n’était-elle qu’une diversion ? Si tel est le cas, le plan était habilement conçu.

Qui a  profité de l’émeute pour égorger dans son lit le lieutenant Vaquier, gendarme qui  commandait le convoi, tandis qu’une putain attirait les deux hommes de garde à la cave ? Vaquier était-il leur complice ? Dauterive doit absolument retrouver les traîtres qui ont habilement monté le piège. Mais il ne peut plus compter sur l’appui de La Fayette, lui-même la proie d’ennemis qui ont juré sa perte. Et si l’affaire du vol de l’argent des armées n’était qu’ une manœuvre dirigée contre lui ?

Victor parvient à remonter la piste des voleurs mais la situation se complique lorsqu’il apprend que les voleurs le font passer pour leur complice. Parviendra-t-il, encore une fois, à s’extirper de ce guêpier dans un Paris surchauffé ?

Reconstitution historique

Contexte politique : L’auteur montre avec beaucoup de justesse comment les différentes factions se déchaînent afin de prendre ou conserver le pouvoir, sans aucune considération pour le peuple qui, pendant ce temps, continue de vivre dans des conditions souvent effroyables, pour le moins précaires:

« Maintenant, tout avait changé : la guerre avait éclaté, avec une issue incertaine, et tous les clubs patriotiques de Paris vomissaient le Général ( La Fayette) et sa Constitution. » (Page 40)…

« Dumouriez est dévoré par l’ambition… Je suis persuadé qu’il s’est allié aux Girondins et qu’ils veulent me faire tomber. Le jeune homme ne savait trop que penser de ces Girondins, la faction désormais majoritaire au sein du club des Jacobins : Brissot, Roland et son épouse Manon, Condorcet ou Vergniaud… L’hiver dernier, il avait été le témoin de la lutte fratricide entre ces hommes, qui voulaient se lancer dans une croisade patriotique contre les têtes couronnées d’Europe et Roberpierre, leur seul opposant. » (Page 43).

Les Cordeliers : avec des mots simples, Jean-Christophe Portes décode les tenants et les aboutissants, parfois bien embrouillés, qui animent les débats politiques : « Cette société fondée par Danton était la tribune des révolutionnaires les plus extrémistes. Certains de ses membres exigeaient même la déchéance de Louis XVI et l’instauration d’une République. » (Page 58).

=> J’ai toujours été passionnée par l’histoire, mais j’avoue avoir longtemps négligé cette période si complexe et si confuse de la Révolution avec laquelle, grâce aux romans dédiés à Victor Dauterive, je suis aujourd’hui réconciliée.

Ambiance

Outre la reconstitution du contexte historique et des lieux, Jean-Christophe Portes apporte une touche personnelle au récit en restituant l’ambiance de peur qui régnait dans la capitale au printemps 1792, menacée par les armées prussiennes, avec des mots simples mais parlants :

« Des paysans finissaient leur journée au cabaret, des commères regardaient passer la troupe au milieu d’enfants aux pieds nus avec un mélange d’inquiétude et de résignation. Neuf mois plus tôt, la tentative de fuite du roi avait soulevé une peur immense…Avec cette guerre, on redoutait le retour des aristocrates et des évêques. Sans doute voudraient-ils se venger, recouvrer leurs anciens privilèges et forcer les propriétaires à rendre ces biens nationaux que l’Eglise avait été forcée de vendre aux citoyens. » (Pages 22-23)…

…Et de guerre, les rumeurs les plus folles semant la panique parmi le peuple :

« On racontait que le général Dillon avait attaqué Tournai tôt le matin, à huit lieues de là, mais les choses avaient très mal tourné. L’armée avait été trahie et mise en pièces; la faute aux officiers, aux aristocrates, aux espions qui pullulaient, aux régiments anciens comme le Royal-Suédois, qui avait déserté comme un seul homme. » (Pages 86)

=> Accentuant le sentiment de trahison et d’abandon ressenti par le peuple lorsque le roi avait tenté de fuir le royaume, neuf mois plus tôt.

En conclusion

Le +: L’objectivité avec laquelle l’auteur met en scène les protagonistes de la Révolution, d’un côté les représentants de l’Ancien Régime, de l’autre ceux du monde nouveau en pleine mutation, chacun avec ses arguments. La manière habile dont l’enquête policière est enchâssée dans le contexte politique et social de l’époque, prétexte à soulever des questions intemporelles, telle que la liberté des peuples, le droit pour tous de disposer de sa vie, l’accès pour tous à des conditions de vie décentes…

Comme dans les précédentes enquêtes du désormais célèbre gendarme Victor Dauterive, la reconstitution historique, que ce soit la vie quotidienne, les lieux dans Paris en pleine mutation, l’organisation de la toute nouvelle gendarmerie, la justice et les conflits politiques, donne au roman une vie, un rythme, une dimension particulièrement riches. Une fine analysé des événements afin de proposer au lecteur une réflexion développant des thèmes toujours d’actualité. Un voyage dans le temps captivant, des rencontres intéressantes, des aventures palpitantes. Un moment de lecture rare.

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Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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