Interview de l’auteur Pierre REHOV

Rencontre avec l’auteur Pierre Rehov pour son roman 88 aux éditions Cosmopolis.

Pierre Rehov
Pierre Rehov @DR

Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Pierre Rehov, pouvez-vous me décrire votre parcours ?

Pierre REHOV : Il s’agit d’un long, très long parcours très difficile à résumer, surtout pour quelqu’un qui, comme moi, préfère devoir écrire 500 pages plutôt qu’un dos de couverture.

Je suis né en Algérie et ai été « rapatrié » avec ma famille en 1961. Mon ambition étant de devenir journaliste, mes parents m’ont orienté vers des études de droit après que j’ai obtenu mon bac littéraire en première, sans faire de terminale. Durant la même période, j’ai suivi le stage du Figaro, et j’ai commencé à publier des critiques de cinéma et des interviews de célébrités du 7ème Art dans divers magazines, y compris VSD. Là-dessus, service militaire, dans une unité du renseignement basée dans le camp de Satory. Une fois libéré, j’ai créé une petite société de marketing dont la principale activité était d’organiser des festivals à travers la France pour le compte de Gaumont-Pathé. Ce qui m’a conduit à distribuer des films, avant de partir vivre à Los Angeles en 1983, où j’ai co-produit un film ( Savage Down ) qui a été un échec commercial retentissant.

De retour en France, je suis devenu nègre littéraire et auteur de « séries de gare » sous divers pseudos, ce qui m’a permis de travailler avec de grands éditeurs, tels que Bernard Fixot et Olivier Orban.

Après quelques années durant lesquelles j’ai vécu de ma plume et publié une bonne vingtaine de romans, je me suis retrouvé atteint d’un blocage d’écriture terrifiant. La peur de la page blanche, ou plutôt de l’écran d’ordinateur vide, est quelque chose de très douloureux. Pour survivre, vers 1997, j’ai créé un petit groupe de presse, qui a connu un certain succès avec l’édition de magazines comme « Zoo » et « Contrechamps » parmi une demi-douzaine de titres. A partir de 2000 et le déclenchement de l’intifada, excédé par le parti pris anti israélien, pour ne pas dire antisémite, de nombreux médias officiels, et la diffusion ad nauseum de fausses nouvelles favorables aux Arabes de Palestine, je me suis retrouvé à crapahuter en zones de guerre, Gaza, Liban, Judée-Samarie, Irak… et à réaliser une bonne vingtaine de documentaires controversés car factuels.

Cette expérience a été un grand tournant dans ma vie. Norman Mailer, que j’ai eu l’honneur de rencontrer dans les années 80, m’avait confié que, selon lui, l’écriture se nourrit d’adrénaline. Je peux le confirmer, car, si je n’avais pas mis ma vie en danger et si je n’avais pas interviewé près d’une quarantaine de terroristes, du Hamas, de la Djihad Islamique et d’Al Qaida, je pense que je ne me serais pas remis à l’écriture, comme je l’ai fait en pondant « Cellules Blanches », mon premier roman publié sous le nom de Pierre Rehov (un pseudonyme) pour lequel les éditions Albin Michel m’ont fait un pont d’or. Le livre est sorti en Allemagne et, plus récemment en langue anglaise sous le titre « Beyond Red Lines » En 2008, je suis parti vivre à New York, et en 2012 je me suis installé à Tel Aviv. Voilà pour le résumé du résumé de mon parcours professionnel.

JP : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?

PR : Enfant, je lisais surtout des bandes dessinées, on va dire jusqu’à l’âge de neuf ans. Et puis j’ai découvert les bibliothèques rose et verte. Des petits bouquins faciles à lire, qui ont nourri mon imaginaire jusqu’à la grande découverte de ma vie, à 14 ans. Pendant les vacances, j’ai eu un accident de vélo qui m’a contraint à ne pas pouvoir profiter de la plage et de la mer. Pour m’occuper, mes parents m’ont acheté plusieurs livres, parmi lesquels « Autant en Emporte le Vent » de Margareth Mitchell et « A l’Est d’Eden » de John Steinbeck. Steinbeck m’a fait tomber amoureux de l’Amérique, de son Amérique en tous cas et cet été là, le pied bandé, installé sur une chaise longue dans le jardin de mon hôtel à Milano Maritima, reste comme l’un des meilleurs souvenirs de ma prime adolescence.

JP : Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?

PR : Je crois que je suis né avec cette envie. Vers huit ans, j’ai écrit mon premier roman, qui faisait au moins 12 pages. A l’école, j’éprouvais un tel plaisir à écrire que je pouvais expédier une rédaction en moins d’une demi-heure, tandis que je voyais mes camarades de classe ramer jusqu’à la sonnerie. J’ai écrit mon premier « vrai » roman quand j’avais 17 ans. Une histoire abracadabrante de science-fiction. Ont suivi trois livres qui n’ont jamais été publiés.

JP : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)

PR : Pendant des années, j’étais un écrivain de l’après-midi et du soir. Pour une raison simple, j’étais fumeur et je ne pouvais pas glisser une feuille dans ma machine à écrire sans allumer tout d’abord une cigarette. Mais je m’étais fixé comme discipline de ne jamais fumer avant le déjeuner. J’ai eu l’excellente idée d’arrêter de fumer quand je suis tombé en panne d’écriture. Et, depuis, je préfère me lever tôt le matin, et écrire jusqu’à midi. Cela commence toujours par la relecture et les corrections des pages écrites la veille.

JP : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ?

PR : Le plus souvent, non. J’aime donner naissance à des personnages et ensuite les laisser m’entrainer dans leur vie. La logique de l’existence fait le reste. « 88 » est cependant une exception, car je ne pouvais pas inventer une telle histoire sans en connaître la fin.

Pierre REHOV : 88
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JP : Pouvez-vous nous parler de votre roman « 88 » aux éditions Cosmopolis ?

PR : L’écriture de ce roman est une saga à elle toute seule. Il faut savoir que, n’étant pas religieux, je suis en revanche attiré par la spiritualité et je me laisse facilement séduire par les idées new-age. Cette passion pour l’inexplicable qui me porte depuis mon plus jeune âge m’a conduit à m’intéresser au Bouddhisme, à la Kabbale, puis, il y a une dizaine d’années, à la physique quantique (Sous l’angle philosophique, bien plus que scientifique, car je suis incapable de comprendre une équation).

Mais l’idée d’écrire un roman sur la réincarnation possible d’Hitler m’était venue il y a très longtemps. J’en ai parlé au cours d’un déjeuner à la directrice littéraire des éditions Belfond qui venait de publier mes deux derniers romans. Elle a trouvé l’idée fascinante. Je me suis donc mis au travail. Six mois de recherches et six mois d’écriture. Mais Belfond n’a pas voulu du roman.

Comme c’était la première fois qu’un éditeur rejetait un de mes textes, je me suis dit qu’il y avait un problème. J’ai relu mon manuscrit, ai compris les erreurs que j’avais commises, ce qui m’a conduit à jeter 400 pages sur les 500 que j’avais écrites et à tout reprendre à zéro. J’ai ensuite proposé la nouvelle version, totalement différente de la première, aux Editions Cosmopolis qui l’ont tout de suite acceptée.

Lire la chronique de Stanislas Petroky

JP : Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?

PR : En dehors des personnages historiques qui donnent sa crédibilité au récit, tous les autres sont le produit de mon imagination. Il me faut cependant nuancer le propos car, quelle est la part réelle de l’imaginaire et celle de la connaissance dans toute création ?

JP : Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?

PR : Je n’ai presque jamais écrit un roman sans avoir un éditeur pour le soutenir. J’ai été publié par Fixot, Orban, Fayard, Albin Michel, Belfond, Editions N°1 et, comme je l’ai indiqué plus haut, « 88 » a été une exception dans la mesure où j’ai écrit une première version pour Belfond, qui l’a rejetée. Je suis certain qu’ils auraient sans hésiter publié la deuxième mouture, mais c’était trop tard.

JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « 88 » ? A moins que le silence suffise ?

PR : J’avoue être beaucoup plus visuel qu’auditif et la musique n’a jamais eu d’effet stimulant ni apaisant pour moi lorsqu’elle n’est pas associée à des images. Je suis en négociations avec deux producteurs sur deux continents différents pour une adaptation possible de « 88 ». Le jour où ce roman deviendra un film, je pourrai peut-être répondre à votre question. Dans l’attente, j’aurais tendance à conseiller à mes lecteurs de faire comme moi, c’est à dire de lire dans le silence.

JP : Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?

PR : Comme je l’ai indiqué dans mon résumé de carrière, je réalise des documentaires en zones de guerre depuis plus de vingt ans. Mes deux activités se font donc la courte échelle. L’écriture me permet de rendre cohérents des sujets de films qui ne le sont pas forcément, et la prise de risque associée à la rencontre de l’ennemi booste ma créativité. J’ai donc besoin des deux pour mon équilibre. Mais je suis également pilote depuis 1986, avec quelques six cents heures de vol en monos et bi-moteurs. En dehors de l’écriture et de la réalisation, je pense que voler est ma plus grande passion. Malheureusement, des difficultés financières m’ont contraint à vendre mon Piper Aztec au Canada, quand je vivais à New York et, depuis, j’ai perdu ma licence bi-moteurs et ne vole plus que très rarement.

JP : Avez-vous des projets ?

PR : En avril, Cosmopolis sortira mon prochain roman, une saga sur la mafia. Je suis remarié depuis peu, et ma jeune nouvelle compagne voudrait un enfant, alors que je suis un sexagénaire avancé. Je pense qu’il s’agit là de deux projets d’une importance suffisante pour me réveiller parfois en pleine nuit.

JP : Quels sont vos coups de coeur littéraires ?

PR : Mon tout premier coup de littéraire au sens pur du terme a été « Un rêve américain » de Normal Mailer. Le second a été le « Ulysse », de James Joyce en même temps que « Dans la splendeur des lys » de John Updike. Je suis évidemment un grand fan de John Steinbeck, Dos Pasos, William Faulkner, Scott Fitzgerald, John Irving, Mark Twain, Poe, Henry James, Tom Wolfe… Vous l’aurez compris, la littérature anglo-américaine est mon univers. D’ailleurs, à l’exception de « Tu seras si jolie » mes romans mettent surtout en scène des personnages américains ou vivant aux Etats Unis. Je ne suis pas né au bon endroit, ni surtout à la bonne époque. J’aurais aimé venir au monde dans les USA de l’entre deux guerres. Mais, comme je crois en la réincarnation, qui sait ?

JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?

PR : J’ai deux sites. www.PierreRehov.com en anglais, qui expose essentiellement mon travail de réalisateur, et www.Pierre-Rehov.com en français, consacré à mes romans.

JP : Merci Pierre Rehov d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Le petit plus : Questionnaire de Proust

Si vous étiez un personnage de fiction ?
L’inspecteur Harry

Si vous étiez un livre ?
Les illusions perdues de Balzac

Si vous étiez un film ?
Il était une fois en Amérique de Sergio Leone

Si vous étiez un mot ?
Liberté

Si vous étiez une destination ?
Les plaines du Wyoming

Si vous étiez une mauvaise habitude ?
Bavardage

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Jérome PEUGNEZ
Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.

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