Interview de l’auteur Benoît Bernier pour son roman Le Sacrifice des oubliés aux éditions Ouest-France
Lucie Merval : Bonjour Benoît Bernier, pouvez-vous me décrire votre parcours ?
Benoît Bernier : je suis né à Nantes, ai grandi à Vigneux-de-Bretagne ; collège et lycée à La Perverie de Nantes, un bac D puis IFSI (Ecole d’infirmier(e)s) ; diplômé en 1999, puis dix mois d’armée et un premier poste en psychiatrie adulte à Villejuif ; retour à Nantes en pédopsychiatrie pendant 19 ans ; depuis octobre 2020 je fais des consultations psychologiques pour des personnes qui traversent une période de crise, à partir de 16 ans.
LM : Comment vous est venue l’envie d’écrire ? A quelle période ?
BB : On m’a toujours dit que j’avais beaucoup d’imagination (trop même !), que je rêvassais souvent (trop aussi !) ; j’ai toujours aimé me raconter des histoires, pour me rassurer, égayer mon quotidien, chasser certaines pensées négatives ; à côté de ça j’aime lire depuis que je sais le faire et écrire des saynètes, des sketches pour amuser les amis en soirée, des débuts d’histoire. Il y a une vingtaine d’années, j’ai commencé à imaginer écrire une vraie histoire, avec des personnages précis, un début et surtout une fin. Puis j’ai repoussé pour tout un tas d’excellentes raisons (ah ah !), jusqu’à devenir père et avoir envie de laisser quelque chose à mes enfants. Je crois que je leur devais ça, comme à leur mère.
LM : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?
BB : Bibliothèque rose puis verte (Club des 5, Six Compagnons, Clan des 7), que des groupes avec des nombres ! ; puis Jules Verne, Edgar Poe, Maurice Leblanc, Arthur Conan Doyle, Agatha Christie ; ado, Stephen King, Lovecraft, Peter Straub, Boileau-Narcejac, San Antonio (en douce !) … Tom Sharpe, PG Wodehouse pour l’humour décalé ; Blaise Cendrars, John Fante. Des BD aussi, Blake et Mortimer, Blueberry, Lagaffe ; et Fluide Glacial tous les mois. + tout ce qui me tombait entre les mains et me semblait digne d’intérêt.
LM : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)
BB : J’écris en milieu hostile, avec 2 jeunes enfants qui se chamaillent, qui regardent un dessin animé, qui me demandent tout un tas de choses absolument primordiales à cet instant ; sinon le soir plutôt, une heure, ou deux, ou 20 min ; dès que j’ai une idée, je la note, je l’incorpore au texte, et je repars. Tout dépend de ce que j’ai à écrire ; un dialogue peut venir tout seul sur plusieurs pages, surtout s’il est drôle ; la tristesse, la colère, c’est parfois plus long, car je dois la ressentir au moment où je l’écris, sinon ça tombe à plat.
LM : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ? Ayant lu « Le Sacrifice des oubliés », je suis particulièrement curieuse d’en savoir un peu plus sur la construction…
BB : Je savais comment commencer et comment finir. Le plan du livre étant scandé par les lettres (no spoil), je me devais de respecter ce rythme, imaginer le temps entre chaque, les réactions des uns et des autres, les postures, le ressenti ; et recommencer jusqu’au dénouement. Mais l’histoire a fini par me diriger, m’imposer un personnage, une intrigue dans l’intrigue…
LM : « Le Sacrifice des oubliés » est votre premier roman. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots, lignes ?
BB : Une série de morts violentes s’abat sur Nantes. Des types sont attachés aux voies ferrées, en sortie de courbe, aucune chance de s’en tirer. Pas d’indice, pas d’empreinte. Et surtout aucune disparition signalée. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qu’ont-ils fait pour subir une mort si atroce ? Et qui peut être assez pervers pour infliger un tel supplice ? Voici où nous en sommes quand on ouvre le livre. Un journaliste local, Livius Carmin, se jette dans cette enquête, toujours à la recherche du scoop de sa carrière. Il a ses méthodes… Il est aidé par son grand-père, sage et avisé, par son meilleur ami flic, David Durieux, plus quelques autres. Il rencontre des personnages insolites, truculents, tendres et tente de comprendre ce qui se joue. Mais ça ne l’empêche pas de s’amuser ! Au début, du moins…
LM : Votre texte est lauréat 2020 du Prix du Polar Ouest-France. Pouvez-vous nous raconter cette aventure ? Le parcours a-t-il été long entre l’écriture de votre roman et sa parution ?
BB : Je termine l’écriture courant 2019, tente sans succès des maisons d’édition. Classique. J’envisage l’autoédition, compare les sites. On m’apprend alors (merci Dan !) que les éditions Ouest-France organisent un concours récompensant un roman policier se situant dans le grand-ouest. Je tente ma chance en mai, je remporte le concours avec deux autres auteurs en septembre. Je gagne le droit d’être édité et distribué partout en France et bénéficie de la visibilité de Ouest-France.
LM : Ce qui m’a marqué dans votre texte, au-delà de l’intrigue, c’est le style, un ton à la fois moderne et qui empreinte à l’argot, qui fait référence à Audiard, par exemple. Une volonté particulière pour ce texte ou c’est une façon de s’exprimer qui fait partie de vous, si je puis-dire ?
BB : Je ne vais pas vous cacher que Livius me ressemble, a certains (beaucoup !) traits de ma personnalité et nous avons en commun une façon de parler énergique, drôle, vive; j’ai choisi la narration à la 1ère personne pour m’identifier à lui (ou l’inverse) ; on me dit souvent que quand on me connaît, on a l’impression de m’entendre parler, raconter l’histoire ; j’apprécie, c’est que j’ai atteint cet objectif.
LM : Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
BB : oui, inconsciemment ou pas, quand j’imagine un personnage, je cherche dans ma banque de souvenirs ; par exemple Mme Chicard, la concierge de l’immeuble, on en a tous connu une ! ; certains sont inspirés d’amis, de rencontres, même furtives ; d’autres sont totalement inventés, comme le grand-père de Livius, décrit comme j’aurais aimé qu’ils soient si j’avais connu les miens ; après, je décris peu les physiques, sauf besoin indispensable pour l’histoire ; je m’attache plutôt aux caractères, aux émotions, aux comportements, ce qui naît de mon imagination ; les lieux existent ou ont existé, là encore décrits via les yeux de Livius ; quelques balades et des souvenirs…
LM : Le titre de votre roman colle parfaitement à l’intrigue. C’est votre choix ou une concertation avec votre éditeur ?
BB : C’est mon choix ; je l’ai trouvé une fois le livre achevé. Ou c’est lui qui m’a trouvé…
LM : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de votre livre ?
BB : Oui, j’ai eu des réactions de lecteurs et lectrices de tout âge ; ceux qui me connaissent m’ont dit m’avoir retrouvé, reconnu, avoir trouvé les anecdotes et allusions plus personnelles ; beaucoup m’ont dit avoir apprécié la visite de Nantes, l’évocation de certains bars fermés, de lieux de leur enfance ; un oncle a lu le livre avec un plan de Nantes ! J’ai eu des nouvelles de personnes que la vie avait éloignées, qui m’ont envoyé des messages, parfois nostalgiques ; et tout le monde m’a dit avoir bien rigolé surtout ! Une seule m’a dit ne pas avoir aimé la fin, mais qu’elle avait passé un bon moment quand même…
LM : Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?
BB : j’aime me divertir et apprendre, lecture, films, musiques, jeux vidéo (retro gaming), j’apprécie les bons vins et de retrouver mes amis pour le match de football du dimanche matin (big up aux United Colors de Nantes Sud) ou autour d’une bière ; je termine systématiquement tout album Panini qui me tombe entre les mains depuis celui de la Coupe du Monde 1982 (pas toujours simple) ; et surtout je fais de mon mieux pour être un bon père et un conjoint acceptable ! Désolé d’être tristement normal.
LM : Avez-vous des projets ? J’ai cru comprendre qu’un deuxième roman était en cours…
BB : Livius trépigne, je lui cède tout, le voilà en selle pour de nouvelles aventures mais qu’il n’espère pas se la couler douce, je lui réserve quelques embûches… J’ai 250 pages de rédigées, mais il me manque trop de liens pour envisager une fin proche. Je m’amuse à créer de nouveaux personnages, des situations originales. Mais toujours à Nantes ou alentour.
LM : Quels sont vos coups de cœur littéraires ?
BB : J’ai adoré Mon Chien stupide, de John Fante ; Le Dahlia noir, de James Ellroy ; la saga Donjon en BD, (heroïc fantasy, humour absurde, un régal) et Blast, de Manu Larcenet
LM : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « Le Sacrifice des Oubliés »? A moins que le silence suffise ?
BB : soit le silence, soit la playlist située à la fin du livre, qui vous permet d’écouter la même musique que Livius, ressentir ses émotions à l’instant « t ».
LM : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
BB : je suis sur Facebook, sous mon nom. Peut-être que Livius aura sa page un jour, quand il sera grand…
LM : Merci à Benoît Bernier d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
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