Présentation Éditeur
Un mystérieux homicide a été commis au château du comte de Trémorel à Orcival. Alors que la police est persuadée d?avoir trouvé les coupables de cette sanglante affaire, l?agent de sûreté Lecoq arrive de Paris brisant cette illusion. Il redémarre l?enquête avec des méthodes très personnelles : il examine soigneusement les circonstances du crime, rassemble les détails, découvre les mobiles, relie d’improbables protagonistes et divers éléments et trouve enfin la vérité à la surprise générale.
Origine | |
Éditions | E. Dentu |
Date | 1867 |
Éditions | Le Masque |
Date | 14 septembre 2005 |
Pages | 470 |
ISBN | 9782702497647 |
Prix | 8,70 € |
L'avis de Cathie
Le crime d’Orcival, roman dit judiciaire, d’abord paru en feuilletons dans Le Petit Journal, a été publié par l’éditeur Dentu, ami de l’auteur, en 1865, puis réédité de nombreuses fois au cours du 20 ème siècle, notamment par les éditions Fayard en 1913, La Bruyère en 1951, les Editeurs Français Réunis en 1963, le Masque en 2005. Ecrit en plein milieu du 19 ème, il émane de ce roman une atmosphère particulière à ce siècle, alors à l’apogée du Second Empire, caractérisé par l’avènement de la bourgeoisie.
Le style est élégant, le vocabulaire choisi, les tournures de phrases recherchées, sans pour autant être ampoulé : « Il se proposait de couper une branche à l’un des vieux saules qui, à cet endroit, trempent au fil de l’eau leurs branches éplorées. » (Page 9). Le ton est parfois désinvolte, empreint d’ironie. La construction du roman est classique, alternant scènes descriptives et scènes d’action.
Ainsi, comme dans le style de l’époque, Le Crime D’orcival se compose de longues scènes d’observations, de réflexions et de discussions qui pourraient sembler, à nos yeux de lecteur moderne, pesantes et inutiles, mais ce n’est pas toujours le cas car elles se révèlent souvent opportunes dans le déroulement des investigations policières. Elles s’inscrivent dans l’habitude de l’époque de publier les romans en feuilletons, imposant dès lors à l’auteur un nombre précis d’épisodes.
Les longs flash-backs revenant sur les circonstances de la ruine de Trémorel et de son mariage avec la veuve de Sauvresy constituent en réalité un inconvénient mineur dans le sens où ils s’opèrent sur des événements relativement récents et, dans cette histoire, le passé est si intimement lié au présent, qu’ils entrent naturellement dans le cours du récit.
Les thèmes: issu d’un milieu modeste, Gaboriau s’est toujours intéressé aux questions sociales, notamment les interactions entre la bourgeoisie et l’aristocratie qu’il s’attache à décrypter, notamment par rapport à l’argent: Hector, l’aristocrate, qui, confronté à une ruine imminente, manifeste un mépris souverain pour les mesquineries dues aux questions d’argent : « Se ruiner sans savoir comment est très noble, très distingué, très ancien régime » ; Sauvresy, le parvenu, qui lui ne peut se départir d’un goût prononcé pour la thésaurisation, digne représentant de ses ancêtres paysans : « Quand il avait un marché à passer avec un de ses fermiers, il ne craignait pas de se lever grand matin, de monter à cheval, même en plein hiver, de faire trois ou quatre lieues sous la pluie pour attraper quelques centaines d’écus. »
L’intrigue
Dans un petit village du nom d’Orcival situé sur les bords de Seine, deux braconniers découvrent le cadavre de la comtesse de Trémorel dont la propriété est bordée par le fleuve. Le juge d’instruction chargé de l’affaire constate que les pièces du château ont été mises à sac et que le comte a disparu. Apparemment, seuls des malfaiteurs bien renseignés ont pu faire le coup car, la veille, le comte avait reçu une énorme somme d’argent. Le juge en déduit que c’est en recherchant la dite somme qu’ils ont tout retourné. Les voleurs ont profité de l’absence des domestiques invités à la noce d’un ancien camarade. Ayant été surpris par le comte et la comtesse, ils les ont assassinés.
Mais l’enquête piétine. C’est alors que Lecocq de la Sûreté arrive pour reprendre l’enquête à zéro. Son instinct infaillible de flic lui murmure que tout ce qu’il voit au château n’est qu’une mise en scène savamment orchestrée afin d’égarer les soupçons de la police sur un certain Guespin, employé quelques mois plus tôt pour prendre soin des fleurs de la comtesse et sur les Bertaud père et fils, simples braconniers. Lecocq met au point un plan pour faire éclater la vérité.
Les personnages
Emile Gaboriau se révèle ici capable de créer des personnages dont les vies se mêlent au gré d’une intrigue efficacement construite, dans le but d’explorer les vices et les passions humains, moteurs de compromissions et des crimes les plus abjects. La galerie de personnages qu’il nous propose ici s’inscrit parfaitement dans cette analyse.
Les lieux
Le village : « Situé à cinq kilomètres de Corbeil, sur la rive droite de la Seine, à vingt minutes de la station d’Evry, Orcival est un des plus délicieux villages des environs de Paris (…) Paresseusement accroupi sur les pentes douces d’un coteau que baigne la Seine, Orcival a des maisons blanches, des ombrages délicieux et un clocher tout neuf qui fait son orgueil. De tous côtés, de vastes propriétés de plaisance, entretenues à grands frais, l’entourent. De la hauteur, on aperçoit les girouettes de vingt châteaux. » (Page 11) => Comment imaginer que le mal rôde dans un décor qui semble tellement idyllique ? Car c’est dans cet écrin de verdure et de beauté que le corps sans vie de la comtesse est découvert par les braconniers : intrusion brutale de la noirceur humaine créant un choc chez le lecteur.
Le château : à l’extérieur, une grosse cloche, une petite cour sablée, une grille, une belle pelouse ornée de corbeilles de fleurs, deux allées qui mènent au cous d’eau => Un décor on ne peut plus banal afin de faire ressortir l’atrocité des crimes perpétrés.
Mon avis
Bien que la police scientifique, en 1865, n’en était même pas encore à ses balbutiements, Le crime d’Orcival, à juste titre appelé « roman judiciaire », fait montre d’une très bonne connaissance des procédures policières usitées à cette époque; on savait, par exemple, qu’il ne faut pas toucher un cadavre. Ne pouvant attendre aucune aide de la science, l’enquête menée par Lecoq s’appuie donc en grande partie sur l’observation et la déduction. Lire Le crime d’Orcival aujourd’hui constitue donc pour le lecteur moderne une expérience très étrange, un peu comme un voyage dans le temps: ici, pas de gants en latex, pas de combinaisons blanches; ni pipettes, ni brosses, encore moins de crimescope ou de luminol.
C’est avec une certaine délectation que l’on se glisse dans cette atmosphère rétro, délicieusement désuète. Journaliste et feuilletoniste chevronné, Emile Gaboriau maîtrise à la perfection l’art de la mise en scène : certes, les entrées et sorties des différents personnages s’effectuent souvent avec théâtralité, mais les portraits et le traitement du sujet ne laissent rien au hasard. Chaque détail a sa propre place et s’enchaîne harmonieusement avec les autres.
Je voudrais ajouter que c’est dans cette œuvre que le génie de Lecoq est le mieux mis en avant. Le passage dans lequel il démontre, preuves à l’appui, qu’un lit a été défait pour dérouter les enquêteurs, mais qu’en réalité personne n’y a couché. C’est une scène digne des meilleures anthologies de littérature policière. Il faut savoir que Conan Doyle s’est directement inspiré du personnage de Lecoq pour créer son Sherlock Holmes. Qui l’eut cru ??
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