Entretien avec Amos Frappa pour son livre Alexandre Lacassagne, médecin du crime dans la collection Dilaceratio corporis dirigée par Nicolas Delestre aux Éditions Fage
« Alexandre Lacassagne, si tu ne connais pas, c’est un ponte de la médecine légale, fondateur de l’anthropologie criminelle, un sacré bonhomme que l’on pourrait même qualifier si ce n’est d’inventeur, de précurseur de la police scientifique… »
Retrouvez la chronique complète : https://polar.zonelivre.fr/amos-frappa-alexandre-lacassagne-medecin-du-crime/
L’auteur
Enseignant d’histoire, Amos Frappa achève une thèse consacrée à Edmond Locard et la police scientifique. Outre sa récente biographie de Lacassagne, il a rédigé diverses contributions à des ouvrages qui seront bientôt publiés telles L’histoire de Lyon et de sa métropole (sous la direction de Paul Chopelin et Pierre-Jean Souriac, éditions Privat) et Les grandes affaires criminelles (sous la direction de Jean-Marc Berlière, éditions Perrin).
Entretien avec Amos Frappa
Stanislas Petrosky : Bonjour Amos, tu travailles sur les interactions entre l’histoire de la criminologie, celle de police et enfin celle des techniques. Pourquoi décider de faire un livre sur Alexandre Lacassagne ? Surtout que tu prépares une thèse sur Edmond Locard…
Amos Frappa : Bonjour Stanislas. En fait, je crois que je ne pouvais pas finir ma thèse sur Locard sans m’intéresser de plus près à son maître, puisque c’est justement le premier qui a permis au second de créer un laboratoire de police en 1910. D’une part, en lui faisant lire l’article argentin sur les empreintes digitales en 1902. D’autre part, en le poussant à élaborer des projets concrets, alors qu’en 1908 ou même 1909 Locard avait tendance à se disperser, oubliant l’essentiel.
Stanislas : Quand on s’intéresse un peu plus à Lacassagne, souvent on sait juste que ce fut un grand médecin légiste, on se rend compte qu’il était un précurseur, les Experts avant l’heure presque, non ?
Amos : Le raccourci peut sembler facile mais il est légitime. Lacassagne possède toutes les qualités que l’on prête aujourd’hui aux experts : le souci du détail, la combinaison des compétences, le doute permanent et enfin le charisme. Seule différence peut-être, son rapport si particulier au cadavre, car je ne connais aucun expert ayant fait mouler la main d’une noyée pour en faire un heurtoir de porte.
Stanislas : Lacassagne, c’est avant tout un légiste qui a bossé sur de très grandes affaires criminelles, Richetto le dépeceur, l’affaire Cicéron, l’affaire Échallier, Joseph Vacher, le président Sadi Carnot, la malle à Gouffé, l’affaire l’ile Barbe et tant d’autres… quelle est celle qui t’a le plus passionné, celle où il y a le plus d’avancée ?
Amos : Je dois confesser avoir une grande faiblesse pour l’affaire Richetto, le duel entre le légiste et le criminel ayant duré plusieurs années et s’étant soldé par une sorte de match nul. Pour un homme épris de justice, voir ses démonstrations mises en échec, le coup a dû être rude. Sans compte que le personnage de Richetto est tellement troublant, car on ne rencontre pas tous les jours un tueur en série maniant aussi bien la plume que le couteau ou le tournebroche.
Stanislas : Dans la chronique que je fais de ton livre, je dis que le professeur Lacassagne est l’inventeur de la police scientifique, j’exagère, ou je suis dans le vrai ?
Amos : De nombreux ouvrages scientifiques avancent en effet cette idée. Aux autres éléments évoqués plus haut, on pourrait rajouter la question du faire-savoir : Lacassagne communique, échange, transmet. Or, il s’agit justement de l’un des marqueurs de cette police scientifique naissante puisqu’il fallait par exemple que le public soit informé pour ne pas détruire les traces présentes sur les scènes de crime. Il manquait toutefois une chose à Lacassagne : être policier.
Stanislas : Alexandre Lacassagne n’était pas qu’un homme d’amphithéâtre, il allait sur le terrain, on dit même qu’il fréquentait les Apaches, ces gangs criminels de la Belle Époque, un personnage véritablement hors du commun…
Amos : Son rapport intime aux criminels est peut-être bien la clé de compréhension du personnage. Fréquentant régulièrement les prisons, il allait à la rencontre de certains assassins pour leur demander de coucher sur des cahiers leurs confidences. Sans être isolée, la démarche en dit long sur Lacassagne.
Stanislas : Il était aussi un grand orateur, il aurait pu être avocat, il aimait prendre la parole en tant qu’expert, témoin, enseignant, conférencier ou organisateur d’expositions. Il me semble même qu’il a prononcé l’oraison funèbre du « Père Delaigue » gardien et responsable de la morgue flottante de Lyon…
Amos : Il faut dire que les deux hommes se côtoyaient régulièrement, les cadavres non-identifiés étant autopsiés par Lacassagne sur cette étrange embarcation. D’origine modeste, ce légiste ne concevait évidemment pas les rapports sociaux sous la forme de territoires ceints par des barrières. Avec la disparition de Delaigue, Lacassagne enterre également une époque, celle de la préhistoire de la médecine-légale puisque la morgue flottante était réputée pour son exigüité et inconfort.
Stanislas : Amos je te remercie de cet entretien, et j’incite tous les lecteurs de Zonelivre à découvrir cette magnifique et instructive biographie d’Alexandre Lacassagne que tu as commise….
En savoir plus sur Zonelivre
Subscribe to get the latest posts sent to your email.