Pétros MARKARIS : Le justicier d’Athènes

Petros MARKARIS -justicier Athenes

Présentation Éditeur

De la ciguë. Comme pour Socrate. Tandis que chaque jour, Athènes, paralysée par des manifestations, menace de s’embraser, un tueur sème la mort antique. Mais en ciblant de riches fraudeurs fiscaux, d’assassin il devient héros populaire. Le stopper, c’est l’ériger en martyr ; le laisser libre, c’est voir la liste des cadavres s’allonger. En bon flic, Charitos se doit de l’arrêter. En bon citoyen…

Origine Grece
Éditions Seuil
Date 26 septembre 2013
Éditions Points
Date 11 septembre 2014
Traduction Michel Volkovitch
Pages 320
ISBN 9782757845332
Prix 8,10 €
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L'avis de Cathie L.

Petros Markaris est un auteur, scénariste, dramaturge et traducteur grec né en 1937 à Istanbul. Dans un premier temps, il a étudié l’économie, puis il s’est lancé dans une carrière de scénariste. Auteur de pièces de théâtre, il est le créateur d’une série très populaire pour la télévision grecque. Il est l’un des traducteurs grecs des œuvres de Brecht et de Goethe. Il vit à Athènes. Il est connu en France comme auteur de romans policiers et créateur du personnage du commissaire Kostas Charitos.

Le roman

Le justicier d’Athènes, Pereosi dans la version originales parue en Grèce en 2011, a été publié en 2013 par les éditions du Seuil. L’histoire est racontée à la première personne, du point de vue du commissaire dont on suit l’enquête en interne, ayant accès à toutes ses pensées. Le style fluide est rythmé par de nombreux dialogues. Pas de temps mort ni de longueurs.

Les thèmes : corruption et fraude fiscale dans un pays mis à genoux par l’endettement, dévasté par une crise économique sans précédent, qui a profondément affaibli ses bases. L’auteur parle de la situation désespérée de son pays sans porter de jugement explicite, tout en montrant discrètement du doigt les principaux responsables. « Lazaridis était haut placé dans la hiérarchie de leur parti, il n’avait pas besoin de ministre, lui, pour empêcher le contrôle de sa déclaration. Il n’avait qu’à téléphoner lui-même et dire à l’agent du fisc : « Ma déclaration est sincère, pas besoin de vérifier » et l’autre s’exécutait sans discuter. » (Page 108)… « Tu as intérêt à le choper avant qu’il se présente aux élections. Il sera Premier ministre et donc intouchable. D’autant qu’après son deuxième mandat de député, ses crimes seront prescrits. Je le vois s’en tirer à tous les coups devant une commission d’enquête. » (Page 274).

L’intrigue

Dans un contexte social morose : « ça chauffe partout dans Athènes (…) Les immigrés qui se castagnent avec les gars de l’Aube dorée tous les soirs. Les types qui tabassent les politiciens. Les affiches qui ridiculisent les journalistes, et pas un meurtre pour nous éviter la corvée ? Quelle poisse ! « , le commissaire recourt aux grands moyens pour occuper son équipe qui souffre de désœuvrement : « J’ai dit à mes adjoints que c’était l’occasion de mettre un peu d’ordre dans le service. De virer le superflu et d’envoyer aux archives centrales tous les dossiers des affaires classées. » (Page 16). Seul le suicide quatre femmes retraitées vient « égayer » leur quotidien bien morne.

C’est alors qu’un cadavre est découvert dans le musée archéologique le Céramique de la capitale grecque; il s’agit de Athanassios Korassidis, chirurgien, tué par une injection de ciguë. Visiblement, le site où le cadavre a été découvert n’est pas la scène du crime. Alors, où le tueur a-t-il opéré ? Et comment l’a-t-il amené jusqu’au Céramique? En l’absence de témoins et d’indices probants, l’enquête s’avère compliquée, d’autant que celui qui se fait appeler « Le percepteur national » s’en prend à de riches fraudeurs fiscaux, très mal perçus en cette période de profonde crise économique. Le commissaire Charitos est en proie à un dilemme qu’il ne sait comment résoudre: l’arrêter serait en faire un martyr et du coup un héros national; le laisser libre serait prendre le risque de voir s’accumuler les cadavres.
De quel côté penchera la balance: du côté du flic intègre ou du citoyen indigné ?

Les lieux

Descriptions très sommaire du premier lieu de crime : « Le corps se trouve à une centaine de mètres plus loin, près d’une stèle figurant une femme assise et un jeune homme debout qui lui présente un objet. Dans le fond, quelques cyprès se balancent ». (Page 27). =>Sobriété de détails très curieuse, comme si le lieu en lui-même n’avait aucune importance.

Par contre, les déplacements dans la ville d’Athènes sont évoqués avec des détails géographiques très précis, énumérant les rues et les avenues empruntées, comme pour un jeu de piste : « Vlassopoulos met la sirène, mais ne prend pas la rue Pireos. Il évite habilement la place Omonia par la rue Heyden et nous débouchons bientôt dans l’avenue Alexandras. » (Page 33) =>On peut trouver ces descriptions tout au long du roman.

Second lieu du crime, un  autre site archéologique, avec les mêmes descriptions très sommaires : « Je jette un coup d’œil au décor. Ici aussi nous sommes entourés de cyprès. A droite, une sorte de bosquet. Sur une hauteur, une chapelle surmontée surmontée d’une cloche. » (Page 92) Détails bien peu précis concernant une ville comme Athènes qui doit compter des centaines de cyprès, de bosquets et de chapelles surmontées d’une cloche !!

En conclusion

Le contexte social dans lequel se déroule cette histoire est  omniprésent tout au long des pages: c’est la situation de faillite économique de la Grèce qui pousse les gens à prendre des décisions extrêmes, comme les quatre retraitées du début, et qui détermine le mobile des crimes, même s’il est certain que la violence ne constitue pas une solution viable. L’extrait de la lettre laissée par les quatre retraitées est éclairant :

« Nous sommes quatre retraitées, sans famille. Nous n’avons ni enfants ni chiens. D’abord, on nous a réduit nos retraites, notre unique revenu. Puis nous avons cherché un médecin qui nous prescrive nos médicaments, mais les médecins étaient en grève. Quand ils les ont enfin prescrits, on nous a dit à la pharmacie que nos mutuelles n’ont plus d’argent et que nous devrons payer de notre poche. » (Page 10).

Ainsi, le roman est émaillé de nombreuses petites notes qui donnent un aperçu criant du quotidien que vivent les Grecs, exceptés les fraudeurs fiscaux, les corrompus et les ministres qui, eux, s’en mettent plein les poches: les jeunes qui passent des heures sur internet à chercher le moindre petit boulot ; la circulation quasi inexistante, les Athéniens n’ayant plus les moyens de mettre du carburant dans leurs véhicules; un magasin sur deux fermé ; les salaires réduits, les coupes sombres dans les budgets… Dans un tel contexte, on peut comprendre le désespoir, la peur de l’avenir qui animent les personnages: comment survivre et comment accepter que certains, riches à millions, ne paient pas les impôts qui, certes, ne renfloueraient ps le pays, mais au moins lui accorderaient une bouffée ou deux d’oxygène ? Là réside le dilemme du commissaire…

Chaque étape de l’enquête policière menée par Charitos et son équipe est décrite avec minutie, comme si le lecteur faisait partie de la brigade: nous assistons aux débriefing, aux interrogatoires de témoins, aux investigations, racontés avec beaucoup de réalisme et de vraisemblance. N’est-ce pas ce que tout lecteur de polar attend d’un bon roman ?

Le dépaysement, le contexte social, la réalité de la Grèce vue de l’intérieur sont autant d’atouts présentés par Le Justicier d’Athènes… et bien d’autres que je vous laisse découvrir par vous-mêmes…

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