Présentation Éditeur
C’est l’été le plus chaud que Linköping ait jamais connu. La forêt qui borde la ville s’embrase, les nuages de fumée planent dans le ciel obscurci et menacent les citadins. Les incendies n’empêchent pas un pervers sexuel particulièrement sordide et cruel de faire régner la terreur dans la ville. L’enfer brûlant des flammes crée une sorte de solidarité parmi la population, alors que la peur et l’angoisse face aux meurtres horribles du tueur font émerger des soupçons et des préjugés envers celles et ceux qui semblent différents.
L’horreur devient totale quand la propre fille de Malin Fors – l’enquêtrice des romans de Kallentoft et de Hiver – se fait enlever.
Chaque minute compte, et Malin n’a plus que son instinct de policier et de mère pour l’aider à sauver l’être qui lui est le plus cher au monde.
Origine | |
Titre |
Sommardöden (2008) |
Éditions | Serpent à Plumes |
Date | 25 mai 2010 |
Éditions | Points |
Date | 16 mai 2012 |
Traduction | Max Stadler, Lucile Clauss |
Pages | 456 |
ISBN | 9782757821442 |
Prix | 8,00 € |
L'avis de Cathie L.
Eté, Sommardoden en version originale parue en 2008, a été publié par les éditions du Serpent à Plumes en 2010, dans la collection « Serpent Noir ». Il fait suite au premier opus de la série « Une enquête de Malin Fors » intitulé Hiver, mais peut être lu indépendamment. Cette fois, ce n’est pas un froid glacial qui paralyse la ville mais une chaleur caniculaire.
Le style est sobre, épuré, avec de nombreuses phrases courtes écrites au présent donnant ainsi l’impression de vivre l’histoire en direct. L’omniscience du point de vue narratif, raconté au présent, alternant première et troisième personne, en fait un récit vivant. Tout comme dans Hiver, nous retrouvons les passages en italiques qui expriment les pensées de la victime, dans un dialogue surnaturel avec l’inspectrice Malin Fors. La chaleur constitue le fil rouge :
« Les arbres en bord de route hurlent leur besoin d’eau en centaines de nuances de couleurs. » (Page 194).
Les thèmes : dans ses romans, Mons Kallentoft dénonce les failles de la société suédoise, loin de l’image idéale que nous en avons: les problèmes d’intégration, l’immigration et le racisme sont autant de plaies face auxquelles tous les gouvernements sont démunis faute de se poser les bonnes questions et de se donner de vrais moyens d’action, ici comme ailleurs où le capitalisme mène la danse. Les préjugés face à l’homosexualité y sont aussi tenaces, quoiqu’on en dise :
« Tout le monde sait que les lesbiennes aiment jouer au foot. -Est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de dire, Zake? (…)La police succomberait au vieux préjugé selon lequel le foot féminin est pratiqué en majorité par des lesbiennes… C’est le sous-entendu comme quoi les femmes lesbiennes seraient particulièrement violentes, une idée fausse et insultante, qui fleurit dans notre société. » (Pages 230-238).
L’intrigue
Juillet. Vacances d’été. Alors que sa fille Tove est partie en vacances, Malin se retrouve seule et désœuvrée. Aucune affaire à se mettre sous la dent. Au commissariat, c’est le calme plat. La chaleur étouffante la rend molle. C’est alors que son co-équipier Zeke l’appelle : une jeune fille a été retrouvée nue, des blessures aux bras et aux jambes, du sang entre les jambes mais le reste du corps incroyablement propre, comme s’il avait été récuré. En état de choc, elle s’est enfermée dans un mutisme total.
Une seconde jeune fille est retrouvée avec les mêmes blessures nettoyée de la même façon, sauf qu’elle a eu moins de chance que la première : elle est morte depuis quelques heures. L’enquête est confiée à Zeke et Malin mais en l’absence d’indices et de témoignages, difficile de savoir quelle piste suivre.
Une semaine plus tard, une troisième victime est découverte en plein centre ville, à 200 mètres de l’appartement de Malin. Cette fois, la panique s’empare de la population, rendant les investigations d’autant plus compliquées que les autorités font pression pour que cette enquête soit bouclée le plus rapidement possible. Ne sommes-nous pas en pleine période estivale ? Il ne faudrait pas faire fuir les touristes…
Les personnages
- Malin Fors : 34 ans ; commissaire au commissariat de Linkoping ; divorcée, mère d’une fille âgée de 14 ans ; problèmes avec l’alcool ; douée d’une aptitude à entendre les voix, à sentir les choses ; l’épaisseur du personnage est due en partie à son errance personnelle à travers son enquête, ses états d’âme, notamment le rôle que joue son enfance et son relationnel avec ses parents.
- Tove : fille de Malin ; 14 ans.
- Jan : ex-mari de Malin.
- Daniel Hogfeldt : journaliste au Corren ; amant occasionnel de Malin.
- Zeke Martinsson : commissaire au commissariat de Linkoping, équipier de Malin ; 45 ans ; crâne rasé.
- Viveca : psychanalyste.
- Sven Sjoman : commissaire divisionnaire, supérieur hiérarchique de Malin et Zeke ; des poches noires sous les yeux, ventre proéminent.
- Johan Jakobson : collègue de Malin.
- Borje Svard : collègue de Malin.
- Karim Akbar : chef de la police ; marié, un fils de 8 ans ; d’origine kurde, parfaitement intégré ; le plus jeune chef de la police du pays ; projette d’écrire un livre sur l’immigration en hommage à son père qui s’est suicidé, ne supportant pas d’être marginalisé.
- Karin Johannison : technicienne scientifique ; visage bronzé, fraîche et jolie, peau brillante, yeux bleus, habits coûteux.
- Josefin Davidsson : jeune fille agressée dans le parc.
- Waldemar Ekenberg : policier du commissariat de Njolsby venu en renfort ; réputation de brute, un dégénéré violent qui, comme par miracle, ne s’est jamais fait arrêté lors des enquêtes internes ; très maigre, paraît plus vieux que ses 50 ans ; cheveux grisâtres, rides profondes dues au tabac.
- Peter Skold : petit ami de Theresa.
- Theresa Eckeved : jeune fille disparue.
- Nathalie Falk : lycéenne.
- Louise Svensson : vit seule dans une ferme ; pompière volontaire.
- Pia Rasmefog : danoise, capitaine de l’équipe féminine de football.
- Slavenca Visnic : propriétaire des trois kiosques installés sur les plages de Hjulsbro et de Glytting ; réfugiée bosniaque, a perdu son mari et leurs deux enfants dans l’incendie de leur maison à Sarajev o; longs cheveux bruns, traits marqués, yeux fatigués.
Les lieux
Dans cette ambiance estivale où rôde le Mal, les décors participent à la mise en scène : d’une part Linkoping, la ville bon enfant, un endroit où il fait bon vivre, même si la menace n’est jamais loin :
« La place du marché vibre sous la lumière artificielle des grands cafés et des maisons adjointes, Mörners Inn, Stora Hotellet, Burger King, ils ont tous posé des tables et des chaises sur le trottoir, en partie sous de hautes marquises, qui transforment les conversations des clients en un marmonnement impénétrable. » (Page 212)…
D’autre part, le quartier de Berga, une tout autre réalité :
« Ils sont à l’ombre d’un immeuble en ruine. Les briques autre fois jaunes de la façade sont ocres aujourd’hui. Le gazon et les plates-bandes de fleurs tout autour, dont personne ne se sent responsable pour payer l’entretien, sont jonchées de mégots,canettes vides et débris de bouteilles cassées. Ils se sont garés en haut, près du centre commercial à l’abandon de Berga. Une antenne de la sécurité sociale, une supérette, une pizzeria entourée de locaux commerciaux vides et fermés avec des planches. Berga n’est qu’à quelques kilomètres du centre-ville (…) mais c’est un autre monde. » (Page 106).
L’ambiance
Eté est ce que j’appelle un polar d’ambiance: ambiance particulière due à la canicule qui s’est abattue sur Linkoping. C’est l’été le plus chaud que les Suédois aient connu depuis longtemps. Les forêts qui environnent la ville sont en flammes qui résistent aux lances à incendie déployées par les pompiers et les volontaires venus nombreux. Une atmosphère de fin du monde propice au Mal :
« La chaleur. L’immobilité de l’été. La peur. La certitude que le Mal est aux aguets. Restez chez vous, les filles. Ne sortez pas. Si c’est le cas, en groupe, seulement la journée, et soyez sur vos gardes. » (Page 249).
Dans Hiver, c’était le froid le leitmotiv de Zeke. Ici, c’est la chaleur dont il se plaint constamment, dans un refrain monotone qui accentue l’atmosphère de lourdeur étouffante qui pèse sur le roman :
« C’est à cause de cette putain de chaleur. -A cause de la chaleur? -Elle paralyse le cerveau. » (Page 39)
Mon avis
Le + : Le regard acéré et sans concession que l’auteur porte sur la société suédoise, dénonçant ses travers, ses failles et ses injustices, sans pour autant porter de jugement; en tant que journaliste-romancier, il s’attache à montrer, à désigner du doigt afin que tout un chacun soit informé et agisse en son âme et conscience. Le Mal existe, il est tapi en chacun de nous; il est donc de notre devoir de le débusquer afin de l’empêcher de nuire.
Pour quelles raison lire les romans de Mons Kallentoft : pour ses intrigues complexes et bien construites ; pour la subtilité de ton et la richesse de son écriture ; pour ses personnages à la psychologie fouillée, des gens comme vous et moi qui se battent en premier lieu contre leurs propres démons, puis contre les diverses agressions de la société moderne ; chacun tente de se faire une place au soleil, ayant recours à des méthodes pas toujours louables.
Les conséquences du passé de chacun, la façon dont leur personnalité d’adultes s’est construite à travers les petites joies de l’enfance, mais aussi ses pièges et ses blessures. Le ton profondément humain de Kallentoft nous invite à combattre le Mal sans juger. Un détachement salutaire parfois, tout à fait scandinave…