Maxime Gillio vous fait vous poser des questions, sur une histoire pas si lointaine que cela, le mur c’était hier…
INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Ombres Noires en novembre 2016 Patricia, journaliste au Spiegel, enquête sur les personnes qui, dans les années soixante, ont fui l’Allemagne de l’Est au péril de leur vie. Inge est passée de l’autre côté du Mur quarante ans plus tôt et accepte de lui raconter son enfance, son arrivée à l’Ouest, son engagement… Mais certains épisodes de la vie d’Inge confrontent Patricia à ses propres démons, à son errance. Leur rencontre n’est pas le fruit du hasard. Dans les méandres de la grande Histoire, victimes et bourreaux souvent se croisent. Ils ont la même discrétion, la même énergie à se faire oublier, mais aspirent rarement au pardon. (Source : Ombres Noires – Pages : 340 – ISBN : 978-2081378520 – Prix : 19,00 €) |
L’AVIS DE ERIC CHAVET
Rouge Armé, cela commence par une couverture. De celle qui vous accroche, qui posée sur le rayonnage d’une librairie attire votre regard, puis votre main.
Un bel écrin… Qui renferme une belle surprise.
Maxime Gillio nous embarque au-delà du Rhin, dans l’Allemagne d’aujourd’hui, en paix et prospère, mais qui garde les stigmates de sa défaite, 71 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Une Allemagne coupée en deux durant des décennies, une à l’est, l’autre à l’ouest. Des familles séparées, dans deux mondes hermétiques, antagonistes. Deux idéologies qui se sont affrontées au prix d’autres morts, dans une autre guerre, petite fille du désastre du IIIème Reich.
Nous revivons avec Rouge Armé l’histoire pour beaucoup ignorée des Sudètes, ces allemands chassés de Tchécoslovaquie en 1945, parqués dans des camps surpeuplés, au bout d’un exode pour beaucoup synonyme de mort. Un peuple apatride, subissant la haine et les sévices d’opprimés devenus à leur tour bourreaux, expulsés de ce qui était leur terre, indésirables dans un Berlin dévasté aux rues grouillant de misère. Un peuple coupable d’allégeance supposée au pouvoir Nazi, ou seulement coupable de ses origines germaniques. Œil pour œil…
Rouge Armé, c’est ensuite une rencontre, celle d’une journaliste du Spiegel cherchant en 2006 à recueillir le témoignage d’un petit bout de femme qui, quarante plus tôt, a traversé le Mur, d’est en ouest, puis d’ouest en est.
Une relation s’instaure entre ces deux femmes. Elles naviguent entre méfiance et affection, se livrent en restant à couvert. Par petits bouts, sans jamais tout à fait sortir de l’ombre de leur passé. De chaque côté des secrets, lourds, des morsures mal refermées, des souffrances. Deux générations différentes, deux côtés du Mur, deux vies que tout oppose… Deux existences éloignées ?
Peut-être pas tant que cela, en réalité.
Maxime Gillio va et vient d’une époque à une autre, de 1945 à nos jours, en passant par les années 70 et le combat révolutionnaire de la RAF (Fraction Armée Rouge), sans jamais nous égarer, sans alourdir par de longues digressions le rythme de son récit. Tout porte sens, les références historiques servent ici à ancrer les personnages, à comprendre leurs trajectoires, trouvent un écho à l’intrigue, pour la servir.
Une des forces de Rouge Armé, outre son histoire captivante, réside dans son écriture, d’une impeccable justesse, d’une grande intelligence, que ce soit dans sa capacité à susciter l’émotion, à retranscrire les sentiments, ou à expliquer la complexité d‘un pays, et d’une époque.
Et la fin ?
Je n’en dirai rien. Pour la connaître, il suffit de tourner les premières pages de Rouge Armé, puis les suivantes… Jusqu’à la dernière. Une fin qui sait être à la hauteur de tout le reste.
L’AVIS DE STANISLAS PETROSKY
Bon je vais être clair dès le départ, Maxime Gillio est un ami, on travaille ensemble… Mais vu que nous ne sommes pas amants, cela donne une certaine équité à la chronique qui va suivre, en aucun cas il n’y a flagornerie.
Maxime m’avait dit : « tu verras mon prochain sera différent de tout ce que j’ai déjà fait, je ne suis même pas sûr que cela te plaise ». Sincèrement, je pense que ce jour-là, il a dû me trouver trop con pour comprendre le sens profond du livre, mais depuis j’ai lu l’intégrale du Club des cinq et les mémoires de Dagobert, du coup, j’ai tout compris… Sauf les remerciements en chleu…j’avoue.
Se frotter à l’histoire, ce n‘est pas chose facile, outre l’intrigue, faut se tartir tout un tas de documentions, d’archives, de témoignages, parce que même si l’auteur se passionne pour son sujet, il sait que les historiens, les vrais et ceux du dimanche l’attendent au tournant, avec la date qui foire, le détail qui cloche, l’anachronisme qui boite, bref le mec qui va te faire chier sur un détail pour plus de trois-cents pages. Si si, y en a des comme ça.
Faut se relever les manches et bosser dur, et Gillio a bien relever les manches d’une de ses chemises ignobles et fleuries, il a cravaché dur pépère…
Car ce livre est très intéressant ces voyages en 1945, 1977 et 2006, croiser trois générations, si je puis dire, des points de vue contradictoires et divergents sur une époque mouvementée.
Le soleil se lève-t-il mieux à l’Est qu’il ne se couche à l’Ouest ?
Peut-on tuer pour la liberté, pour des idées ?
Où est le bien, le mal ?
Et surtout, vu que l’on cause seconde guerre mondiale, nazisme, de terrorisme, d’extrémisme, qu’est-ce que le pardon ?
En fait Gillio vous fait vous poser des questions, sur une histoire pas si lointaine que cela, le mur c’était hier, nous étions jeunes et larges d’épaule, bandits joyeux, insolents et drôles comme disait Nanar… Ça nous a marqué plus ou moins, puis les attentats de FAR de la bande à Baader on en a entendu parler par nos vieux.
En résumé, j’ai bien aimé ce livre, j’ai aimé parce que le père Gillio ( à ne pas confondre avec le père Goriot qui est d’Honoré de Balzac, alors que Gillio est honoré d’être lu) sait écrire, ce n’est plus à prouver, qu’il maitrise très bien le sujet, et que ce sujet justement est rarement traité, donc on se cultive en même temps et c’est toujours une bonne chose.
Si Jean Lefebvre disait en causant du vitriol des Tontons qu’il a un goût d’pommes, je vous dirai que Rouge Armé à lui un gout d’un long moment de silence de Paul Colize… Paul, comme…
Rouge Armé, une mélodie à l’orgue amer que je vous conseille vivement.
L’AVIS DE YANNICK P.
Sudètes, mur de Berlin, rideau de fer, Fraction Armée Rouge, réunification, à travers 3 femmes, Anna, Patricia, Inge, sous couvert de roman noir, entre l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest, Maxime Gillio retrace une histoire allemande.
3 époques, Prestanov, Tchécoslovaquie, 1943, Heidenau, Basse Saxe, 2006, et Berlin, 2006. Chaque époque est trouble et dangereuse. Un fil conducteur, les portraits de 3 femmes, d’une rare puissance, émouvant et intense où chacune vit sa souffrance en tentant de trouver sa place, de survivre dans ce monde. Ce roman fait de flashbacks incessants, offre un éclairage particulier sur ces 50 ans de l’Histoire Allemande.
Patricia, journaliste au Speigel, a choisi d’écrire son prochain article sur les personnes originaires de l’Est qui ont franchis le mur de Berlin. Ce qu’elle connait d’Inge Oelze semble être tout droit sorti des archives de la Stasi. Mais Patricia est un personnage plus trouble. Alcoolique, enclin à l’auto-destruction, quarantenaire sans enfant, elle porte en elle un mal plus profond. Pour saisir Inge, parvenue des années plus tôt à passer de l’autre côté du mur, il faut remonter à Anna, Sudète, rejetée par la Tchécoslovaquie et non reconnue par les allemands. C’est l’histoire qu’officiellement vient saisir Patricia Sammer.
Patricia, Inge, tout les oppose. Inge n’est pas spécialement disposée à aider cette journaliste, mais elle va finir par lui raconter son histoire en détail. Se livrant, une étrange relation prend forme. Faite d’abord de suspicion, elle se transforme en une sorte de respect mutuel, presque de l’amitié.
Mais revenons à Anna qui elle est à la source de cette histoire. Nazie pour les tchèques, pas une véritable allemande pour les autres, elle est expulsée de son pays seule avec ses enfants. Ils en subiront les effets. On prend en pleine face une page que l’histoire a gommé. La condition de Sudète en pleine seconde guerre mondiale et son cauchemar. A travers Inge, c’est le Berlin des années 60 que nous traversons, les années de plomb, la séparation de l’Est et de l’Ouest, la suspicion, une volonté de liberté. Mais c’est aussi une période où la Fraction Armée Rouge commettait de nombreux attentats en Allemagne.
Rouge Armé, est un roman intense, rempli de sensibilité, de tristesse. On se prend à s’indigner. L’atmosphère y est souvent lourde, le sort réservé aux Allemands expatriés à l’Est vers des camps où la survie n’ayant rien à envier à ceux des nazis, fait qu’Anna génère une empathie naturelle du lecteur. Le personnage d’Inge me semble plus profond, fait de tiroirs, de non-dits et d’espérance dans une époque pas si lointaine tout comme celui de Patricia fait de fêlures, d’un combat contre ses propres démons. Maxime Gillio mixe avec talent, fiction et faits pour forger des femmes courageuses qui affrontent comme elles peuvent la noirceur d’un monde qu’elles affrontent. C’est sans concession, ni jugement qu’il nous mène à une fin particulière, dans un style extrêmement fluide, ce roman se lisant d’une traite
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