Rencontre avec l’autrice Sandrine Cohen pour son roman Rosine une criminelle ordinaire aux éditions Caïman
Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Sandrine Cohen, pouvez-vous me décrire votre parcours ?
Sandrine Cohen : Bonjour Jérôme, j’ai un parcours atypique et multiple. J’ai commencé par faire une école de commerce, pour faire plaisir à mes parents. Puis, j’ai travaillé comme assistante d’exposition à la Galerie national du jeu de paume, dans l’art contemporain, et j’ai fait une licence d’histoire de l’art. Je dis souvent que c’était un pont entre le contrôle de gestion et ma création.
Ensuite, je me suis lancée. Je voulais être comédienne. Cela n’a pas marché du moins pas d’un point de vue financier. Je travaillais beaucoup mais je n’arrivais pas à être dans un réseau professionnel. J’ai été « rattrapée » par le doublage et, en même temps, je me suis mise à écrire des scénarios.
Cela m’a emmené naturellement à la réalisation car j’aime raconter des histoires et celles tirées de scénario se racontent en images. Puis, Fabrice Gardel, qui est devenu un ami, m’a ouvert les portes du documentaire, et j’ai réalisé quatre documentaires pour Arte et 13ème rue. Et puis, j’ai réalisé un unitaire pour France 3.
Ensuite j’ai écrit des séries, qui ont été optionnées mais ne passaient pas la barre des diffuseurs. Après un nième rendez-vous, où il était question de réécriture, que je ne réaliserais pas, mon cerveau m’a réveillé à trois heures du matin pour me dire : « Si c’est pour écrire pendant deux ans, écris un roman. » J’ai saisi cette pensée au bond.
Aujourd’hui, l’écriture de romans est devenue le lieu privilégié pour raconter mes histoires souvent denses et très personnelles, noires.
Et du coup, j’adore me mettre au service des histoires des autres en réalisant ou en écrivant des scénarios pour la télévision.
JP : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?
SC : Tout ! J’ai tout lu, les livres m’ont sauvé la vie. J’avais accès chez mes parents à une immense bibliothèque, la vraie bibliothèque avec une échelle et tout. J’ai lu les Trilby, la Comtesse de Ségur, Guy des Cars, Zola, Faulkner très jeune, et puis quand je suis allée à l’école, je suis revenue à Alice Détective, le Club des 5 et le clan des 7. Mais je lisais tout ce qui me tombait sous la main en fait.
D’ailleurs, pour l’anecdote, la genèse de Rosine est liée à cette manie. J’avais 9 ans, en CE1, nous avions un cours de peinture et la maîtresse, Mademoiselle Maillard, avait recouvert les pupitres de papier journal. Sur mon pupitre, il y avait un fait divers : une femme avait tué ses deux filles en les noyant. Rosine, une criminelle ordinaire raconte l’histoire d’une mère qui tue ses deux filles en les noyant. Il s’agit de comprendre pourquoi.
JP : Comment vous est venue l’envie d’écrire ? À quelle période ?
SC : J’ai toujours écrit en fait. Mais je me suis lancée officiellement avec une forme quand j’ai commencé à écrire des scénarios, il y a maintenant une douzaine d’années.
JP : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)
SC : J’écris dès que je peux, quand je peux. J’ai la chance de ne faire qu’écrire, réaliser des films (dans ces cas-là je n’écris pas) ou jouer (dans ces cas là non plus) je peux donc écrire quand je veux et je n’ai pas de rituel. Avant l’arrivée de ma fille, j’aimais bien faire une journée avant de me mettre à écrire et je commençais vers 16H jusqu’à 21H… Maintenant, j’écris entre 9H et 17H30, selon mes journées et ce que j’ai à faire. Parfois je m’y remets le soir. Mais je n’écris jamais la nuit, passé minuit, je m’arrête. Parfois j’écris une heure, parfois huit. Mais vraiment, je n’ai aucune règle. Écrire est une nécessité.
JP : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ?
SC : Oui. Toujours.
JP : Pouvez-vous nous parler de votre roman « Rosine une criminelle ordinaire » aux éditions Caïman ?
SC : Rosine, une criminelle ordinaire raconte l’histoire de Rosine, une mère parfaite en apparence, qui un jour tue ses deux filles. Elle les noie. Elle dit qu’elle est un monstre. Mais, Clélia, enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux n’y croit pas. On ne tue pas ses deux filles par hasard. Elle veut comprendre pourquoi ? Avec l’aide de Rosine, elle va chercher ce qui dans l’existence de Rosine a pu permettre un tel passage à l’acte.
Au départ de Rosine, il y a trois documentaires que j’ai écrits et réalisés sur des « criminels ordinaires ». Au-delà du sensationnel, je me suis intéressée au passage à l’acte. J’ai beaucoup appris aussi sur la justice. Rosine, une criminelle ordinaire est le passage à la fiction de ce travail de documentaire.
Et puis, Clélia me permet de raconter ma vision du monde, de la justice, et aussi de « m’attaquer » par le biais du pourquoi à des faits de société qui me passionnent. Tout en respectant les règles du polar, de l’enquête, qui est une forme de narration assez naturelle pour moi.
Et enfin, il y a cet article de journal donc. Ce fait divers qui m’a marqué. Je me suis dit : Alors, le mal peut venir de n’importe où, surgir partout, même à la maison ? C’était abyssale dans mon esprit d’enfant.
JP : Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspirés ?
SC : Damien Prégent est un hommage à Anthony Paga dont je raconte l’histoire dans mon documentaire, Une grand-mère assassinée.
Cyril Waldorf fait directement référence à Franz Diguelman, le « héros » de Meurtre devant un club échangiste.
Et puis, il y a des inspirations plus diffuses, Cédric Adamo m’a été inspiré par un ami, Didier Coste par une connaissance, j’avais l’image de Bernard Lecoq en tête quand j’écrivais Isaac Delcourt.
JP : Le parcours a-t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?
SC : Non pas du tout. J’ai fini de l’écrire en juin, je l’ai envoyé à six ou sept maisons d’édition et Jean-Louis Nogaro des éditions du Caïman m’a répondu le 23 décembre 2019, c’était mon cadeau de Noël.
J’avais une autre maison intéressée mais qui, je le sentais, me demandait pas mal de réécriture, j’ai choisi Jean-Louis.
Autant vous dire que je ne regrette pas.
En revanche, il y a eu environ 4 ans de latence entre le moment où j’ai écrit la série Un criminel ordinaire dont Rosine était le pilote et le passage à l’écriture du roman. Ça avait eu le temps de maturer.
JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « Rosine une criminelle ordinaire » ? À moins que le silence suffise ?
SC : De la musique classique, Clélia écoute de la musique classique.
Mais c’est drôle, j’adore cette question. Il y a toujours beaucoup de musique dans mes livres, même si j’écris dans le silence.
Mon prochain roman Tant qu’il y aura de l’amour aura même une « BO », on y travaille avec Jean-Louis !
JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de vos livres ?
SC : J’ai eu beaucoup de retours extrêmement favorables, positifs et touchants.
L’un m’a particulièrement marquée. Un lecteur m’a dit qu’il avait été un enfant battu et que, jusqu’à la lecture de mon livre, il pensait que c’était de sa faute. Et qu’après avoir lu Rosine, il avait compris que non. J’ai été très touchée. Est-ce que nous ne racontons pas des histoires pour ça justement ? Pour aider, éclairer, ne serait-ce qu’une conscience ?
Plus amusant, une autre personne, m’a dit avoir adoré détester ce livre. J’ai adoré détester sa phrase.
JP : Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) À part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?
SC : J’ai beaucoup de facettes non cachées hihihi.
La réalisation est mon deuxième grand dada, le roman assouvissant mon besoin de solitude et de contrôle, j’aime être sur un plateau et travailler avec des équipes. Mais aussi l’écriture de scénario, le jeu, la photo…
Et ma fille.
JP : Avez-vous des projets ?
SC : Plein.
Je finis de corriger mon prochain roman Tant qu’il y a de l’amour, toujours aux éditions du Caïman à paraître en janvier 2022.
Je commence à réfléchir à mon troisième roman qui sera une nouvelle enquête de Clélia.
J’ai des pistes de réalisations de série que j’espère.
Et j’écris avec mon coscénariste un nouvel épisode de Cassandre pour France 3, Par amour.
JP : Quels sont vos coups de cœur littéraires ?
SC : J’ai adoré Love me tender de Constance Debré et je finis la remarquable trilogie de Charles Pépin, Les vertus de l’échec, La confiance en soi, La rencontre.
Mais comment ne pas parler du Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry et de Paroles de Prévert.
Ainsi que de La légèreté de Catherine Meurisse, splendide roman graphique post Charlie. J’ai également adoré Le lambeau de Philippe Lançon aussi d’ailleurs, comme quoi d’une horreur peut naître du beau.
JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
SC : Avec plaisir www.sandrinecohen.com il est tout nouveau tout beau en plus.
Mais aussi FB et Instagram.
JP : Merci Sandrine Cohen d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
SC : Avec plaisir !
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