Rencontre avec Natacha CALESTRÉMÉ à l’occasion de la sortie de son roman « Les blessures du silence » aux éditions Albin Michel en mars 2018
Cathie L. : Afin de mieux vous connaître, pouvez-vous indiquer quelles sont vos lectures, vos influences littéraires.
Natacha CALESTRÉMÉ : J’ai lu et je continue à lire quantité de thrillers, de polars et de romans. Michaël Connely, Fred Vargas, Sandrine Colette, Patricia Cornwell, Gylian Flynn, Pierre Lemaitre, John Le Carré, Madeleine Chapsal, Michel Bussi ou John Grisham… mais aussi Tolstoï, Alexandre Dumas ou Romain Gary. C’est grâce à ces lectures que j’ai appris le sens du détail, de la narration et du suspens. Très vite, j’ai lu « La dramaturgie » d’Yves Lavandier, qui permet d’apprendre les bases en terme de structure parce qu’une bonne idée ne suffit pas. Quant à l’écriture, je suis journaliste et j’écris depuis plus de 24 ans. Il y a deux ans, l’école de cinéma de Luc Besson m’a sollicitée et je donne des cours de scénario aux étudiants. Cela stimule mon imagination en permanence.
CL : J’ai lu dans votre biographie que vous êtes réalisatrice de documentaires sur la protection de la nature. Avez-vous toujours ambitionné d’exercer ce métier ? Comment devient-on réalisatrice de documentaires ? Comment trouvez-vous vos sujets ?
NC : J’avais 9 ans quand j’ai appris l’extinction du rhinocéros blanc. J’ai su, instantanément, que la protection de l’environnement serait mon « cheval de bataille ». En grandissant, je me suis intéressée aux médias. Jacques-Yves Cousteau est devenu mon modèle. Comme lui je voulais réaliser des films, écrire des livres, donner des conférences. J’ai réalisé 30 films à ce jour sur la nature mais aussi sur la santé et la société dans un sens plus large. Je n’ai pas fait d’école de cinéma ou de réalisation, j’ai tout appris sur le tas, petit à petit, au culot et en faisant des erreurs (on apprend beaucoup de ses erreurs). J’avais des idées de sujets originaux et ça a fait la différence. Mes idées viennent en lisant les journaux, des articles scientifiques, en général ce sont des associations d’idées. J’y vois un intérêt, je creuse la question et si c’est digne d’intérêt, je développe le projet et le présente à un producteur pour qu’il puisse le vendre à une chaîne.
CL : « Les Enquêtes extraordinaires » abordent un tout autre sujet. Pour quelle raison avez-vous choisi d’aborder des thèmes tels que les guérisseurs, le 6e sens, le surnaturel ?
NC : Mon grand-père était guérisseur et même si je suis quelqu’un de très cartésien, avec un goût prononcé pour les sujets scientifiques, j’ai conçu très jeune qu’on ne pouvait pas tout expliquer par la science. Et puis la vie est bien plus intéressante avec une part de mystère. Je suis membre des explorateurs français et je reste convaincue qu’aujourd’hui la nouvelle exploration concerne celle de la conscience.
CL : Comment êtes-vous passée du métier de journaliste à celui d’écrivain ?
NC : Grâce à mon mari, Stéphane Allix. Un soir on regardait le film « Unbreakable » et un peu comme d’habitude, j’ai très vite dit qu’elles étaient les fausses-pistes, le meurtrier, etc… Dépité que je lui gâche le suspens, il a lancé un oreiller sur la télé et m’a dit : « Ecris des histoires à suspens, avec plein de fausses pistes, défoule toi et arrête de me dévoiler la fin des films ». C’était une idée géniale ! Et je n’y avais pas pensé. C’est ainsi que j’ai commencé à écrire « Le testament des abeilles ». J’ai eu la chance qu’un éditeur, Olivier Fribourg, m’apprenne pendant plusieurs mois à travailler mon style, les dialogues, l’art du romanesque.
CL : Quelles sont les similitudes et les différences fondamentales entre les deux professions ?
NC : Que l’on écrive un article, un film ou un roman, les techniques de narration sont les mêmes. En journalisme, il faut une accroche, ce que l’on appelle un événement déclencheur dans un roman. Un enjeu clair doit suivre, qui doit se résoudre positivement ou négativement à la fin. Dans un roman, il faut en plus gérer les dialogues et le héros doit vivre une série de conflits générés par un antagoniste. C’est ce qui le rend attachant et qui donne envie de tourner les pages.
CL : « Les Blessures du silence » est votre quatrième roman. Pour quelle raison avez-vous choisi d’écrire des thrillers ?
NC : C’est un genre que j’affectionne particulièrement. Cela me permet d’aborder des sujets qui me touchent tout en racontant une histoire à suspens.
CL : Intéressons-nous à votre travail d’écriture : comment créez-vous un roman : vous partez d’une intrigue, d’un sujet qui vous intéresse ou d’un personnage ?
NC : Les blessures du silence est le 4ème roman qui présente le même enquêteur, Yoann Clivel. En 2010, j’ai donc créé tous mes personnages, c’est un long travail dans lequel je mets beaucoup de psychologie. Ensuite, j’ai l’idée d’un sujet. Je mène des recherches qui courent parfois sur plusieurs années, puis je fais un plan, chapitre par chapitre dans lequel je développe toutes mes fausses pistes et intrigues. Ensuite, seulement, je commence à écrire.
CL : La construction des « Blessures du silence » propose la même histoire vue de différents points de vue. Quel est l’avantage d’un tel procédé ?
NC : Pour ce thème, la manipulation et la perversion narcissique, il était primordial de montrer le processus d’emprise qui se met en place. J’ai donc alterné les chapitres d’enquête (au présent) autour de la disparition de cette mère de famille, et les chapitres avec elle, (au passé) avant sa disparition. Ainsi le lecteur a des informations que l’enquêteur n’a pas et ça crée beaucoup d’émotions.
CL : « Mes yeux scrutent l’étrange, mon nez renifle le bizarre, mes oreilles écoutent les derniers mots de la victime, ma salive prend le goût du drame qui s’est peut-être joué là, mes mains fouillent le passé » => Ce passage est pour moi tout à fait représentatif de votre talent. Mais il m’interpelle : l’utilisation des cinq sens alliés à des dons surnaturels n’est pas qu’un effet de style. Est-ce une façon pour vous de mettre en avant l’existence de ce qu’on appelle « le monde invisible » ?
NC : Bien-sûr ! On est si peu de chose. Les arbres existent depuis 380 millions d’années, l’humanité depuis 5 millions d’années. L’Homme s’est « dé-naturé » avec le temps, il a perdu sa connexion avec la nature et les énergies subtiles. Mais aujourd’hui de plus en plus de personnes et notamment les enfants, s’intéressent à cette dimension surnaturelle. Désormais, ceux qui refusent de croire qu’une partie invisible impacte sur nos vies, sont une minorité.
CL : Le thème principal des « Blessures du silence » est le harcèlement moral au sein du couple. Pourquoi avez-vous choisi de traiter ce thème douloureux ?
NC : J’ai perdu une personne très proche suite au harcèlement de son mari pervers narcissique. Je n’ai pas compris la gravité de la situation et surtout je n’ai pas su trouver les mots pour l’aider. Ce livre existe pour réparer en espérant aider les victimes et expliquer ce qu’elles vivent à leur entourage.
CL : Le fonctionnement de la victime de harcèlement moral, sa psychologie sont admirablement mis en scène dans votre roman. Avez-vous procédé à des recherches préliminaires ? Même question en ce qui concerne le fonctionnement d’un couple dont le mari est un pervers narcissique.
NC : Oui, ce sont presque deux ans de recherche sur la question. J’ai lu des livres de psychiatrie, de psychologie, j’ai rencontré des victimes mais aussi des thérapeutes en médecine alternative en vue de proposer des moyens d’avancer et des solutions.
CL : J’aimerais m’attarder sur vos personnages : comment construisez-vous les portraits de vos différents personnages ? Peu de détails physiques et bien plus de détails concernant le caractère ou la psychologie. Quelle place occupent-ils dans vos intrigues ?
NC : Ah, c’est une bonne question, mais je ne pourrais y répondre complètement, cela représente une semaine entière des cours que je donne à l’école de Luc Besson ! Je fais en sorte que mes personnages soient attachants. Ils doivent donc avoir des failles, des blessures émotionnelles, un passé, des défauts qui impactent la vie de tous les jours mais aussi l’enquête (ce que l’on appelle les conflits internes). Ils sont comme nous. La psychologie est essentielle, c’est elle qui donne la dimension d’une histoire, il me semble. Pour le reste, je préfère m’attarder sur une attitude, une façon de marcher, un tic de langage… que sur des éléments physiques. L’avantage de la lecture sur un film, c’est de pouvoir faire marcher son imagination.
CL : A propos du personnage d’Amandine : c’est elle qui porte toute la structure du roman. Vous êtes-vous inspirée d’une personne de votre connaissance, d’une personne réelle, ou l’avez-vous construite de toutes pièces ?
NC : Amandine est, en dehors de quelques détails (son métier, le nombre de ses enfants, son lieu de vie) l’exacte réplique de cette personne proche décédée qui m’était si chère.
CL : Le portrait de Yoann montre un homme blessé mais qui apprend de ses erreurs ; il est touchant, en contraste avec Henry, le mari d’Amandine. Ce contraste est-il voulu de votre part ? Avez-vous une préférence pour les personnages féminins ou masculins ?
NC : En effet. Un pervers narcissique ne se remet jamais en question. De son côté, mon enquêteur Yoann Clivel fait des erreurs mais il en est conscient. Beaucoup de mes lectrices me disent qu’elles sont amoureuses de lui ! J’aime autant les personnages féminins que masculins.
CL : Aujourd’hui, le harcèlement moral au sein d’un couple n’est ni reconnu, ni puni par la loi. Avez-vous le sentiment que votre roman pourrait faire progresser les mentalités, au moins susciter une prise de conscience ?
NC : Le harcèlement moral au sein d’un couple a du mal à être puni par la loi parce que notre justice se base sur la rigueur de la preuve. Or là, il s’agit d’une violence des mots, c’est donc la parole de l’un contre celle de l’autre. Si ce livre permet de faire avancer les choses, c’est formidable. Le plus important, lorsque je l’ai écrit, était d’aider ceux qui vivent ça, à s’en sortir. Il existe des psychologues, différents thérapeutes, des associations formidables et aussi des livres qui permettent d’avancer. Si j’ai écrit un roman, c’est parce qu’il est facile de le ramener chez soi, un guide « comment sortir de l’emprise », on ne peut pas. Et puis, bien souvent, les victimes ne savent pas qu’elles le sont. Les témoignages que je reçois tous les jours sont vraiment encourageants et cela me rend très heureuse.
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Je viens de terminé le testament des abeilles un livre qui allie mère-nature, l’invisible, les folies meurtrières des grands groupes qui régissent le monde, la sagesse, les connaissances et du suspence, voilà un livre qui interpellé, Bravo, pour cet écrits et je vais de ce pas lire les autres livres de Natacha Calestreme
je cherche seulement à contacter Natacha Calestrémé dans le cadre de recherches généalogiques personnelles.Dans mon arbre apparait des Calestrémé tout simplement .
Je lui serais reconnaissante tout simplement de me contacter par mail.
Merci d’avance Mme Boffa née Terrée