Rencontre avec l’auteure Caroline Le Rhun, à l’occasion de la sortie de son dernier roman Horizons obscurs, aux éditions Palémon
Jean-Marc VOLANT : : Bonjour Caroline Le Rhun. Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions à l’occasion de la sortie récente de votre troisième roman intitulé « Horizons obscurs ». Je vous propose pour débuter cet entretien de vous présenter en quelques mots.
Caroline Le RHUN : Avec plaisir Jean-Marc ! Je suis auteure de polar publiée depuis début 2020 par les éditions du Palémon. Je suis bretonne, née dans un petit port du sud Finistère Lesconil et je vis non loin de là, à Penmarc’h avec mon mari et mes deux (grandes) filles. Après des études de communication, j’ai travaillé dans différents secteurs : régisseuse sur des tournages de films publicitaires et de cinéma, employée dans l’horticulture et depuis treize ans je travaille pour une petite commune où je m’occupe d’un établissement mêlant patrimoine et culture. Différentes activités en plus d’être maman, et depuis longtemps une envie de création. J’ai commencé par écrire le scénario d’un court métrage, puis des contes pour enfants et une ébauche de roman qui a abouti de longues années plus tard par la publication de Sombres dérives.
JMV : Comment est née cette envie d’écrire ? Est-ce un genre que vous aimez en lecture ? Et comment s’est déroulée la rencontre avec Jean Failler, auteur lui-même et qui préside les éditions du Palémon ?
CLR : L’envie d’écrire est très liée à mon environnement. Le contact de l’Océan, mon goût pour la géographie et mon imagination m’ont amenés à écrire mon premier roman comme un road trip en mer. J’étais très attirée par l’image et le cinéma, mais le roman s’est imposé à moi car on peut tout imaginer avec les 26 lettres de l’alphabet et un peu de ponctuation, alors que fabriquer un film, c’est une autre affaire… ! Ah, ah !
J’ai rencontré Jean Failler au salon du Goéland Masqué à Penmarc’h en 2019, un moment déterminant pour moi ! J’ai d’abord hésité à l’aborder (je suis d’un naturel timide !) car Jean est vraiment LA référence du polar en Bretagne ! Je lui ai parlé de mon manuscrit, il a bien voulu le lire et le faire découvrir au comité de lecture des éditions du Palémon. Une conversation en toute simplicité et en toute franchise, sans fioriture, à l’image de ce grand monsieur qu’est Jean !
Quelques mois plus tard, tout s’est enchaîné : Delphine Hamon, directrice d’édition et Jean Failler m’ont reçue, m’ont confirmé leur volonté de me publier et m’ont donné la perspective d’un chemin à parcourir ensemble. Et là, l’aventure a commencé ! Je me souviens de ce moment avec encore beaucoup d’émotion ! J’ai ressenti une sorte de vertige mêlé à une excitation inédite, et une question : Allais-je être à la hauteur de leurs attentes ? La thématique maritime que je développe leur a donné l’idée de créer une nouvelle collection « Enquêtes en mer » dans laquelle mes romans s’inscrivent naturellement. Je mesure la chance qui m’a été donnée de pouvoir être éditée et je les remercie tous les deux de leur confiance.
JMV : Vous faites voyager vos personnages dans vos romans. Dans ce troisième ouvrage, un de vos personnages principaux, Ronan (ne spoilons pas trop toutefois) va partir au Japon pour résoudre son enquête sur une disparition. Vous-même, vous aimez voyager ? Avez-vous déjà visité le Pays du Soleil levant ou avez-vous dû faire des recherches géographiques pour pouvoir faire déambuler votre héros ?
CLR : J’aime voyager, oui ! Pour moi, ça ne signifie pas forcément aller à l’autre bout du monde. Quand je pense voyage, je me revois à l’âge de 14 ou 15 ans avec ma mobylette sur les routes du Pays Bigouden, une carte routière dans la poche. Ça c’était du vrai voyage et de la découverte ! J’ai la chance d’habiter en Bretagne et je crois que je n’aurai jamais le temps de découvrir toutes ses richesses ! Je suis aussi une fan des pays celtes. Parmi les différentes destinations que j’ai pu découvrir, j’ai adoré l’Ecosse et je me rends régulièrement en Irlande, un pays cher à mon cœur. Quant au Japon, il s’est imposé au fil de mon récit alors que ça n’était pas prévu au départ ! Je n’y suis jamais allée et j’ai fait de nombreuses recherches pour pouvoir en parler dans mon roman. Videos, articles, balades sur google street… Un travail d’immersion à distance, merci internet ! J’ai surtout exploré le côté maritime du pays et y ai découvert beaucoup de points communs avec la Bretagne. Le hasard m’a aiguillé vers le Japon mais toute l’écriture de Horizons obscurs a été émaillée par des hasards et des coïncidences incroyables. J’en parle dans mon récit comme des signes du destin…
JMV : De la même façon, à travers vos deux dernières parutions, vous êtes très sensible à l’écologie marine et à tout ce qui touche le bien-être de la faune et la flore en mer et on peut le comprendre en tant que fille de marins : dans vos récits, vous ajoutez à l’intrigue principale, un avertissement, une réflexion sur l’environnement marin à soutenir et à veiller pour les générations futures. C’est important pour vous de faire passer un message ou de donner à réfléchir à travers l’histoire racontée ?
CLR : Mes romans sont en lien avec le monde maritime au sens large. Lorsque je commence à penser à une histoire, je me concentre tout d’abord sur l’intrigue, mais dans les thèmes que j’aborde, j’aime évoquer des questions d’actualité. Mes personnages sont contemporains, il est donc logique qu’ils aient les mêmes préoccupations que nous. Les questions climatiques sont devenues des enjeux majeurs et ils sont au cœur de notre existence, chacun de nous en est désormais conscient. Dans Vagues amères, il est question de protection des océans et dans Horizons obscurs, de l’exploitation des énergies nouvelles. Des sujets qui me semblent importants d’aborder et qui posent question à nos sociétés. Toutefois, je ne veux pas du tout entrer dans un discours moralisateur ou caricatural. Mon but est surtout de divertir, et lorsque qu’un lecteur me donne son impression, rien ne me fait plus plaisir que de savoir qu’il a passé un bon moment. Mais ce n’est pas incompatible, on peut divertir en posant aussi des questions !
JMV : Vous êtes peut-être déjà sur l’écriture de votre quatrième tome : quel chemin allez-vous prendre cette fois-ci (sans trop dévoiler bien sûr) et comment vous vient l’inspiration ? Comment arrivez-vous à conjuguer vie professionnelle, vie familiale et votre nouvelle vie d’autrice ?
CLR : Je suis en effet en pleine réflexion pour mon quatrième roman. Ronan, mon personnage récurrent, va enfin pouvoir exercer son métier de convoyeur de bateau. Sa navigation le mènera de l’autre côté de l’Atlantique, mais la croisière sera-t-elle calme et idyllique ? Rien n’est moins sûr… L’inspiration ? Elle peut venir de tout et de rien. Un article de presse, une chanson, un paysage, un documentaire, vraiment il n’y a aucune règle, il faut juste que je laisse divaguer mon esprit et être à l’affût de nouvelles idées. Pour qu’un sujet s’impose plus qu’un d’autre, il faut qu’il suscite un véritable désir d’en parler. Souvent je pars d’un élément précis auquel viennent se coller des idées à la manière d’un puzzle. Parfois des éléments qui semblent n’avoir aucun points communs s’agglomèrent et trouvent leur place dans l’histoire et la nourrissent. C’est vraiment cette phase que j’adore dans l’écriture, laisser libre cours à la créativité tout en gardant conscience du sens que l’on veut donner à l’intrigue. C’est une phase qui est parfois pleine de questionnements et d’incertitudes, car à chaque roman, on pars de zéro. Mais j’aime ça, la notion que tout est à construire et à inventer.
C’est vrai, c’est parfois difficile de trouver le temps nécessaire à l’écriture. Le quotidien est souvent fait de contraintes mais il peut être aussi source d’inspiration ! Les idées n’ont pas besoin de temps pour s’imposer, elles peuvent me venir au réveil, en marchant ou en conduisant. Il en préférable de les noter sans tarder, car elles sont parfois fugaces ! En revanche lorsque je suis en phase d’écriture, ça me demande beaucoup plus de temps. Je n’ai pas d’habitude particulière pour écrire. Ma règle, c’est faire comme je peux, quand je peux. Mais je préfère écrire le matin car j’ai les idées plus claires que le soir !
JMV : Dans ce dernier roman et un peu également dans le précédent, vous énoncez des noms d’ouvrages et de musiques. Travaillez-vous en musique avec des playlists choisies ou en fonction de l’ambiance du livre ? Auriez-vous une playlist musicale à conseiller à vos lectrices et lecteurs pour mieux apprécier leur lecture de ce troisième tome ?
CLR : J’écris dans le calme, dans mon bureau et pas du tout en musique. C’est vrai, je cite quelques morceaux dans mes romans. C’est surtout un choix utile à mon histoire. Dans Sombres dérives, j’évoque Highway to hell d’ACDC car il est en rythme avec la navigation saccadée à laquelle sont confrontés mes personnages, mais aussi car il est l’occasion d’un jeu de mots entre Ronan et Richard. Une chanson de Rory Gallagher (A million miles away) y figure aussi car il correspond à l’état d’esprit de Richard l’irlandais à un certain moment de l’histoire. Dans Vagues amères, mon personnage Laura Boyle aime les chansons de Sia (que j’aime bien par ailleurs) car la chanteuse correspond bien à l’image que je voulais donner du personnage de Laura Boyle. Dans Horizons obscurs, je cite Black (Wonderful life) et Bruce Springsteen (Dancing in the dark) la aussi par utilité pour le récit, mais parce que j’aime aussi glisser dans mes romans de petits clins d’oeil que seules certaines personnes peuvent déceler. Je croisais parfois le chanteur de Black, Colin Vearncombe dans les rues ou les pubs de Schull en Irlande où il habitait. Un chanteur disparu malheureusement trop tôt. Autre clin d’oeil dans Sombres dérives : le morceau Petite Fleur de Sidney Bechet qui a inspiré à mon père le nom de son bateau.
JMV : Passons maintenant à une question qui va plaire forcément à vos lectrices et lecteurs : quels sont vos goûts littéraires ? Lisez-vous beaucoup de livres chaque année ? Quels sont vos auteur(e)s préféré(e)s ?
CLR : Mes premières lectures ont été essentiellement de la bande dessinée : j’ai grandi avec Tintin, les 4 as, Gaston Lagaffe, Lucky Lucke… et plus tard XIII, Barbe Rouge ou Blueberry… Je n’ai pas énormément lu de romans pendant mon adolescence, j’étais beaucoup plus attirée par le cinéma que par la lecture. A l’âge adulte, j’ai commencé à affiner mes goûts et me suis intéressée aux polars. Mes choix se résument souvent aux même thèmes quelques soient les supports, BD, films ou romans : la découverte géographique, l’aventure, les questions d’identité et le suspense ! Concernant les romans, Arthur Upfield est un auteur australien qui m’a beaucoup marquée, ensuite j’ai découvert et apprécié les auteurs bretons irlandophiles, Hervé Jaouen et Bernard Berrou notamment, qui ont nourri ma soif d’Irlande. J’aime aussi les polars nordiques pour leur ambiance, surtout les auteurs islandais. L’habileté des intrigues de Patricia Mac Donald ou Harlan Coben me séduisent aussi. J’apprécie aussi beaucoup Björn Larsson, Peter May, Daphné du Maurier… En ce qui concerne les auteurs français, la liste serait longue à écrire, alors je ne vais en citer qu’une : Fred Vargas. La Bretagne est également une terre d’auteurs de talent ! Hervé Jaouen et Jean-François Coatmeur sont pour moi incontournables, mais j’en aime beaucoup d’autres…
JMV : Le mot de la fin est pour vous : une envie de dire quelque chose à votre lectorat ou autre chose qui vous tient à cœur ?
CLR : Je n’ai pas trop envie de répondre à cette question, de peur de tomber dans la banalité
JMV : Merci Caroline Le Rhun pour avoir consacré un peu de votre temps pour répondre à mes questions.
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