Jérôme PEUGNEZ : Pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?
Robert REUMONT : La ville de Charleroi m’a vu naître à la période où l’on célèbre l’arrivée du beaujolais nouveau. Des études aux Facultés universitaires de Namur et à l’UCL de Louvain m’ont permis d’obtenir le diplôme de licencié en philologie romane avec agrégation. J’ai pu ainsi partager ma passion pour la langue et la littérature françaises avec des étudiants d’années terminales. J’habite Fleurus en Belgique et suis père de quatre enfants.
Mes cinq premiers romans ont été publiés chez des éditeurs qui par la suite ont été déclarés en faillites. Au moment où je terminais mon sixième roman, les éditions « Corsaire. Pavillon noir » m’ont contacté elles-mêmes pour rééditer ces cinq romans devenus indisponibles dans une collection réservée exclusivement à mes personnages : « In vino veritas ». » Les douze coups de l’Archange » (mon sixième roman) a aussitôt été accepté et publié lui aussi chez « Corsaire ». Mon septième roman » De pages en plages » vient de paraître aux éditions « Mélibée ». Ce changement d’éditeur s’explique d’abord et surtout par le fait que l’intrigue se déroule cette fois en Bretagne, dans le Morbihan et non dans une région vinicole. La première écriture de mon huitième roman est terminée. J’en commence la finition. L’intrigue se situe dans les dentelles de Montmirail.
Dans chaque roman, le lecteur retrouve l’épicurien Placide Boistôt, le cordial Joseph Marnay un brin gaffeur et la superbe Wyvine généreuse et indépendante pour qui boire du vin et porter des minijupes est un acte citoyen, un acte de femme libre. Profondément humanistes, « imbibés d’humanité » écrivait Paul Piret dans « La Libre Belgique », rabelaisiens ,mes romans invitent les lecteurs à ouvrir les deux yeux. Pas seulement celui qui ne peut ignorer la bêtise, la lâcheté, l’hypocrisie, la noirceur des hommes mais aussi l’autre œil capable d’admirer, d’accueillir un sourire, de croire en l’avenir. Il y a un siècle mes grands-pères se battaient pendant quatre ans dans les tranchées de l’Yser et allaient connaître le nazisme vingt-deux ans plus tard.
JP : Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?
RR : J’ai toujours aimé écrire, manier la langue, jouer avec les mots. À l’école beaucoup voyait « l’examen de rédaction » comme un supplice. Pour moi, c’était jour de fête. Contrairement à beaucoup d’auteurs pour qui l’écriture est d’abord une thérapie, j’écris si rien de grave ne me tracasse. Je dois être détendu, serein, bien dans ma tête. Écrire pour moi, c’est d’abord partager des moments de plaisir et des émotions. Cela n’empêche jamais les coups de gueule. Il y en a tant à donner.
JP : Quelles étaient vos lectures de votre enfance ?
RR : Le premier livre tenu en mains a été un album Tintin. Les premiers auteurs dont je me souvienne sont Daudet et Hector Malot. J’ai eu un très bon instituteur qui encourageait à lire au moins un roman ( collection « rouge et or ») par semaine.
JP : Quel est votre ‘modus operandi’ d’écriture ? (Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ?)
RR : Lorsque vous montez en voiture vous connaissez votre destination et votre itinéraire. Celui-ci peut changer à cause d’imprévus. Quand je commence un roman policier, je connais le coupable. Je commence d’ailleurs par rédiger la fin qui sera bien sûr réécrite, retravaillée ensuite en fonction de ce qui a précédé. Les idées sont précises au départ, mais les personnages finissent par évoluer, gagner en autonomie. Dans le roman que je termine en ce moment, un personnage a perdu plusieurs défauts et acquis de nouvelles qualités. Il faudra qu’il me remercie. La manière dont la vérité est découverte, révélée, dont le coupable est démasqué évolue souvent. Des idées viennent en cours d’écriture, souvent la nuit, je les note vite le matin.
JP : Il y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
RR : Je m’inspire de situations réelles, quelques bévues de Joseph Marnay sont parfois arrivées à des amis. Les excellents restaurateurs et vignerons que fréquentent mes enquêteurs existent vraiment. Mes romans contiennent d’excellentes adresses. Mais les personnages principaux et les « méchants » sont tout à fait fictifs.
Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ? Trouver un éditeur pour le premier roman a réclamé patience et opiniâtreté. Beaucoup d’éditeurs n’ouvrent même pas votre tapuscrit. Quand enfin un éditeur vous accepte, il faut encore qu’il tienne le coup. Mes deux premiers éditeurs ont été déclarés en faillites. C’est alors (une chance rare) qu’un éditeur ( Corsaire, Pavillon noir ) m’a lui-même contacté avec le souhait de rééditer les romans « indisponibles » et mon dernier roman dans une collection consacrée exclusivement à mes enquêteurs.
JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs ?
RR : Beaucoup de lecteurs et de lectrices aussi ( j’en suis très heureux) « adorent » mon héroïne et me le disent. Un jour, dans le Mâconnais, la propriétaire de la chambre d’hôtes nous a accueillis au petit-déjeuner en chantant et nous a dit avec un sourire complice : » Je ne sais pas pourquoi, depuis que je suis levée je chante Elle aime à rire, elle aime à boire …. Il s’agit de la « chanson à boire » du portable de mon héros. L’attitude du père d’un ami m’a beaucoup touché. Atteint d’un cancer, il vivait ses derniers jours et n’avait plus de force. Il a demandé à son épouse de lui relire mes romans. Mes personnages l’ont accompagné avec son épouse ( une femme merveilleuse) jusqu’à ses derniers instants. Je n’oublierai jamais ! Des remarques désobligeantes ? Je dédicaçais à Sablet. Une hystérique m’a agressé verbalement en m’accusant de faire l’apologie de l’alcoolisme.
JP : Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez vous une autre facette cachée ?
RR : Aucune facette cachée. Comme mes personnages, j’avance à visage découvert ce qui me vaut des inimitiés perçues comme des compliments. D’autres passions ? Le vin, la gastronomie, la BD, l’art, les voyages, la nature ( je pourrais rester des heures à admirer une cascade ou le va-et-vient des vagues. Même si les salaires scandaleux de trop nombreux joueurs m’écœurent et me révoltent, j’aime le football. Fervent supporter du Sporting de Charleroi ( je suis un « zèbre ») et des Diables rouges ( ah ! Eden Hazard, Thomas Meunier …) je suis leurs résultats de près.
JP : Quels sont vos projets ?
RR : Terminer mon huitième roman. Écire le suivant qui sera bourguignon à moins que je ne me balade du côté de Pouilly-sur-Loire, Sancerre. Continuer à découvrir la France si elle reste européenne. Visiter Bordeaux, Lyon, Florence. Rencontrer des gens et bien sûr écrire.
Quels sont vos coups de cœur littéraires ? J’ai lu et relu tous les Maigret de Georges Simenon, La Peste d’Albert Camus, Le grand Meaulnes d’Alain-Fournier, Le Tartuffe de Molière. Molière qui résume en un seul vers l’hypocrisie toujours actuelle : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ». Et puis les poètes comme Brel, les bandes dessinées : Franquin, Uderzo et Goscinny, …
JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman ? A moins que le silence suffise ?
RR : Le silence total n’existe pas. Mais pour écrire et lire j’ai besoin d’un maximum de silence. Un silence où j’accueille volontiers les chants d’oiseau ou le murmure d’une rivière.
JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
RR : Mon site web : http://www.robert-reumont.be
On peut me rejoindre aussi sur facebook.
JP : Merci Robert REUMONT d’avoir répondu à ces quelques questions.
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Merci Jérôme pour cet interview très intéressant grâce auquel je découvre un auteur que je ne connaissais pas, un homme apparemment chaleureux, bon vivant, au parcours un peu atypique. Du coup, j’ai très envie de lire ses romans :):)