Rencontre avec l’auteur Lionel OLIVIER, à propos de son roman Le crime était signé, prix du Quai des Orfèvres 2016. Retrouver la chronique de Cathie L. ici
Cathie L. : Vous avez commencé à écrire en 2011 après une carrière dans la police. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans une carrière d’écrivain de romans policiers ?
Lionel OLIVIER : Le mot écrivain me parait trop fort, s’agissant de ma personne, je lui préfère le terme plus soft d’auteur. J’ai toujours eu une imagination fertile : à l’enfance (comme tout le monde, je pense) où l’on échafaude des scénarii en jouant avec des figurines – cow-boys – indiens, puis des jeux de rôles, en grandissant et enfin en écrivant une histoire, en sortie d’adolescence. A l’âge de 20 ans, je m’étais essayé à l’écriture d’un roman (autre que policier), une tentative menée à son terme, cette fois une vingtaine d’années plus tard sous la forme d’un polar et qui ne sortira jamais, volontairement, du tiroir. Le goût de l’écriture ne m’ayant jamais lâché, je me suis finalement décidé à aller au bout de mes envies. Il faut savoir que la majeure partie du travail d’un enquêteur consiste dans la rédaction d’actes de procédures : description d’une scène de crime, de lieux, d’une perquisition, transcription d’auditions, élaboration de rapports de synthèses. Bref ni plus ni moins que le contenu d’un polar.
CL : Qu’est-ce que l’écriture vous apporte par rapport à votre travail dans la police ? Satisfaction ? Frustration ?
LO : Ce que m’apporte l’écriture par rapport à mon travail dans la police ? Certainement pas la marque d’une frustration, d’un manque qui m’obligerait à prolonger un état, une situation perdue, en raison d’une fin d’activité professionnelle. Quand on a tout consacré à une profession, son temps, son énergie, sa disponibilité en lui accordant une priorité non discutable et en rognant sur les heures dévolues à la cellule familiale, on peut sans regret, sans état d’âme, tourner la page. De la satisfaction ? Uniquement celle de partager avec un lectorat, des histoires, des émotions, du rêve.
CL : Cinq romans en 6 ans, c’est un rythme soutenu. Trouvez-vous l’inspiration dans les faits divers, dans des affaires auxquelles vous avez participé dans votre carrière ou tout simplement dans votre imagination ?
LO : Je ne puise pas mon inspiration dans des affaires auxquelles j’ai participé, mes premiers lecteurs ayant en fait été les procureurs et juges d’instruction à qui je transmettais mes procédures. Pourquoi recopier l’existant. Par contre, mes fictions s’appuient effectivement toujours sur une multiplicité de détails, de petits faits que j’ai eus à connaître, apportant ainsi une touche de crédibilité.
CL : Comment procédez-vous pour écrire un nouveau roman : construisez-vous le canevas autour d’un personnage, d’un événement ou d’un lieu ?
LO : J’avais lu une interview de John Irving. Il affirmait qu’au moment de commencer à écrire un roman, il en connaissait le début, la fin, le titre et pratiquement le nombre de chapitres. Il se trouve que j’ai toujours adopté, pour l’instant, la même démarche, avant même d’avoir eu connaissance de cette pratique. Il m’est impossible d’affronter une page blanche et de me laisser aller au gré de l’écriture, espérant une trouée, un éclair, une orientation. J’ai besoin que tout soit structuré en amont, dans ma tête, avant de m’asseoir devant l’ordinateur. Les lieux sont importants pour moi, car ils conditionnent généralement des individus dans leur démarche, leurs gestes, leurs actions. Ainsi, le choix du port de Dieppe dans mon roman “ Passé boomerang”, la forêt guyanaise dans “La petite-fille du forçat”, le lieu symbolique et mondialement connu du 36 Quai des Orfèvres dans “Le crime était signé”. Je pense ensuite à une intrigue, un crime, un auteur puis au flic qui le mettra hors circuit et parallèlement à tous les petits indices que je devrai semer pour aider le lecteur à tenter de trouver la solution avec l’espoir de l’induire en erreur au tout dernier moment. Le lecteur est en droit d’obtenir ce genre de petits détails. Jusqu’à un certain point, bien sûr.
CL : Je n’ai malheureusement pas lu les romans précédents (lacune que je compte combler dans les prochains mois), je découvre donc votre univers avec « Le Crime était signé ». Le fait qu’il ait obtenu le Prix du quai des Orfèvres est-il pour vous une reconnaissance de votre talent par votre ancien milieu professionnel ?
LO : Je n’emploierais pas le mot talent dans votre phrase “reconnaissance de mon talent par mon ancien milieu professionnel”. Je n’ai pas cette prétention d’avoir du talent. Par contre, je suis très heureux que ce jury composé d’anciens grands patrons du 36, de journalistes éminents, de juristes, d’avocats, de légistes, bref de personnes touchant au milieu policier et judiciaire se soit reconnu dans cette ambiance qui est si particulière, car générée par des hommes ordinaires, mais qui font un métier sortant de l’ordinaire, en faisant de ce fait des êtres “extraordinaires”.
CL : Le roman est extrêmement bien documenté, notamment en ce qui concerne les lieux. Effectuez-vous une reconnaissance préalable des endroits sur place ou vous documentez-vous autrement ( internet, manuels, etc…) ?
LO : La crédibilité étant ma marque de fabrique, j’aime situer mes romans dans des lieux que je connais parfaitement. Ainsi, le port de Dieppe, ville où j’ai exercé quinze années, la Guyane que j’ai parcourue de long en large, le 36 où je m’étais rendu pour deux affaires et dont je connaissais les structures, grâce également à la gentillesse d’un collègue y travaillant et qui m’y avait piloté. Pour le reste, internet est aussi un formidable outil d’information.
CL : Lorsque vous étiez policier, avez-vous connu un endroit jouant le même rôle que « La Tour de Montlhéry » dans « Le Crime était signé » ?
LO : Chaque commissariat a son “annexe”en ville, un bar, un restaurant où les policiers aiment se retrouver pour “vider le disque dur”, se ressourcer, décompresser. Certains appellent cela “une cantine”. Les tenanciers font généralement tout pour que leurs petits protégés se sentent comme dans un cocon. Inutile de vous donner le nom de ces points de chute qui ont été les miens à Dieppe et à Auxerre où j’ai exercé, mais sachez que j’y ai passé de nombreuses heures, des moments de convivialité indispensables pour mon bon équilibre et que mon épouse en connaissait l’existence.
CL : Quand vous écrivez un roman, par exemple « Le Crime était signé », vous y consacrez-vous uniquement ou avez-vous déjà en tête des bribes du roman suivant ?
LO : Dans l’écriture, je suis comme en amour, c’est-à-dire fidèle et lorsque je suis plongé dans la rédaction d’un roman, j’y suis pleinement et entièrement jusqu’au mot “fin”.
CL : Pour finir, avez-vous en prévision d’autres histoires mettant en scène le groupe de Quentin Fergeac ?
LO : Bizarrement, lorsque je crée des personnages, je les abandonne ensuite à la fin du roman, considérant qu’ils ont fait leur temps. C’est pour répondre toutefois à des demandes récurrentes de lecteurs rencontrés lors de salons que j’ai opté pour les faire revivre et continuer leur existence. Il en est ainsi pour Thomas Vilars, dans “Passé” Boomerang” et “La petite-fille du forçat”. La demande m’est également parvenue pour Quentin Fergeac. Pourquoi pas ! Mais cette fois, dans les locaux aseptisés du quartier des Batignolles, nouvelle future implantation du 36. A suivre donc. De quoi de donner d’autres perspectives pour les années à venir.
CL : Un grand merci à lui pour avoir si gentiment répondu à mes questions.
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