Interview de l’auteur Claire DIXSAUT

A l’occasion de la sortie de son livre « Poivre Noir, Une enquête criminelle de Sam Locksley, chasseur d’épices« , nous avons pu poser quelques questions à Claire DIXSAUT.

Retrouvez toutes les information du livre ici

Jérôme PEUGNEZ : Pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?

Claire Dixsaut
Photo : Eric Bonnier

Claire DIXSAUT : Faisons bref. Débuts en télévision : Arte, Canal +, puis Turner-Time Warner. Je vais ensuite participer aux balbutiements de l’aventure internet à Microsoft. J’ai été rédactrice en chef d’un magazine, j’ai créé un prix à Cannes.
Depuis dix ans, j’écris deux sortes de livres. Une série sur la cuisine dans les films et les bandes dessinées. Le dernier : Les Cocktails de Blake et Mortimer. Et par ailleurs, des guides de voyage gastronomiques.
En parallèle, je suis scénariste, et prof.

JP : Comment vous est venue l’envie d’écrire ? À quelle période ?

CD : J’ai toujours écrit. J’ai toujours aimé l’écriture, la lecture, la littérature. Et j’ai toujours trouvé fabuleusement mauvais tout ce que j’écrivais. Oui, même le poème pour ma grand-mère quand j’avais huit ans.
Dans mes boulots en télévision, je lisais beaucoup de scénarios. Des grands, des moyens, et des que j’avais envie d’assommer avec une planche. Un beau jour, devant le énième manuscrit horripilant, je me suis dit qu’à tout prendre, je ne pourrais pas faire pire.
Mais il a fallu que je tombe sur les premiers livres de technique d’écriture du scénario, au milieu des années 90, pour entrevoir la lumière. Je suis méthodique, scolaire, psychorigide. J’ai besoin de méthodes et d’outils. Syd Field et Linda Seger m’ont confirmé ce que je soupçonnais. Comme la musique ou la peinture, l’écriture repose sur des techniques. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à penser que je pouvais écrire.
Seulement, quand vous venez de passer quinze ans de votre vie à écrire « Cher Marcel, comme convenu, veuillez trouver ci-joint », votre écriture qui n’était déjà pas Victor Hugo tombe au niveau du pigiste de BFM TV. Il a fallu que je passe par les cases journalisme, puis scénario, pour prendre confiance dans ma plume.

JP : Quelles étaient vos lectures de votre enfance ?

CD : Dans le salon, il y avait une bibliothèque. En bas, à portée de ma petite main, toute la Comtesse de Ségur. Mais sur les étagères hautes s’alignaient les polars que mes parents lisaient pendant les vacances. Je devais avoir dix ou onze ans quand je suis tombée dans Agatha Christie. Puis il y eut Lupin, et Sherlock, avant de rencontrer 007 deux ans plus tard.
À côté de ça, j’étais une gamine très littéraire. Je dévorais Molière, Labiche, Feydeau, j’aime les dialogues qui décoiffent. Et Dumas, à qui je suis restée fidèle.

JP : Quel est votre ‘modus operandi’ d’écriture ? (Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ?)

Claire DIXSAUT - Poivre noir - Une enquete criminelle de Sam Locksley chasseur epices
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CD : Préparez-vous psychologiquement : je me lève à 3h30 du matin. Méditation, thé, et c’est parti. J’écris jusqu’à 13 ou 14h, en m’arrêtant le moins possible.
Pour les aventures de Locksley, je pars de très peu. En ce moment, j’écris le deuxième roman de la série. J’avais un point de départ minimaliste : « chocolat » et « Belize ».
Je commence par faire énormément de recherches, sans discrimination. Les grades dans la police du Belize. La fabrication des tablettes de chocolat et l’invention du conchage par Rodolphe Lindt. Le calendrier maya. Le courant mennonite et son implication économique dans l’industrie laitière en Amérique centrale. Le défilé du carnaval. Et bien sûr, les recettes.
Ça part dans tous les sens. Mais je stocke tout, mes notes, des photos, des cartes, des PDF, dans le même logiciel (Scrivener). Et peu à peu apparaissent des réseaux, des sujets et des thèmes. Je préfère quand les histoires sont « organiques », quand elles découlent naturellement du sujet et des personnages. Ainsi, quand j’ai décidé d’emmener mes lecteurs au Cambodge avec Poivre noir, j’ai choisi un pays dont on a oblitéré la mémoire, brûlé les archives, assassiné les historiens. Il m’a semblé naturel de développer des variations sur ce thème, depuis une histoire d’amour qui n’existe plus que dans la mémoire d’un homme jusqu’au mobile de l’assassin.
Je travaille beaucoup le niveau invisible du roman. Par exemple, le poivre du Cambodge, au-delà de son goût poivré, développe une note secondaire de jasmin. J’ai trouvé intéressant de développer une intrigue secondaire autour du jasmin. Le processus de conception mélange une logique rigoureuse et le bonheur inattendu des trouvailles de la documentation.
C’est très lent. Mais une fois que j’ai posé mes bases, la machine est lancée, et j’écris en moyenne un chapitre par jour.

JP : Y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspirée ?

CD : Des personnages secondaires, oui.
Beaucoup de Cambodgiens, dans Poivre noir. Un chauffeur de tuktuk à Siem Reap m’a servi de modèle pour le personnage de Batman. La dirigeante de l’association contre l’esclavage sexuel, dont l’abominable enfance dans les bordels militaires s’est révélée un pur fantasme, existe vraiment, l’histoire est parue dans la presse.
Quant au vieux moine bouddhiste, tendance Gorenflot, j’avais lu son interview avant mon voyage il y a quelques années. Il racontait cette histoire ahurissante mais vraie, que j’ai reprise : au Cambodge, il n’y a pas de maisons de correction. On place les petits délinquants dans des pagodes, en espérant que la vie monacale les apaise. Résultat, tout les vendredis, ceux de la pagode de l’Est vont coller une dégelée à ceux de la pagode du Nord. Le mouvement s’étend aux anciens, qui boivent trop et se fâchent pour des motifs futiles. Le moine interviewé se lamentait sur ces bandes qui partaient au baston en robe safran et sandalettes. Ça ne s’invente pas.
Et puis il y a les anecdotes volées à la vie réelle, comme ce braquage d’une parfumerie à Grasse ou ce dynamitage d’un banc de cachalots.
Sans oublier les annales de l’histoire criminelle, qui me fournissent parfois un personnage, parfois un « nœud » dramatique ou un rebondissement.

JP : Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ?

CD : Chuuut ! Moins fort, voyons. J’ai une chance insolente. J’entretiens depuis dix ans d’excellents rapports avec mon éditrice. Nous avons commencé à parler du projet au début de l’année 2016, en février ou en mars. J’ai commencé l’écriture mi-juin, et le roman, Poivre noir, est sorti en février 2017.
Ça, c’est la partie émergée du conte de fées. La partie immergée, c’est que je traîne ce projet, sous une forme ou sous une autre, depuis 1998. Mélanger polar, voyage et cuisine, c’était une évidence. Mais entre-temps, j’ai voyagé, j’ai amélioré mon écriture, et j’ai trouvé une éditrice, qui recadre le projet à chaque étape.

JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs ?

CD : C’est un peu tôt. Le livre vient de sortir et je n’ai fait qu’une signature. Ce qui m’a marqué, en revanche, c’est que lors de cette signature, dans la géniale librairie de polars L’Atalante à Nantes, j’ai vu débarquer Stéphane Piquart.
Attendez, je vous explique. Stéphane Piquart, c’est l’un des grands sourceurs français. Il va au bout du monde chercher des plantes à parfums et des produits de senteur pour la parfumerie française.
C’est l’un des sourceurs qui ont servi de base à mon héros. Sam Locksley, au début du roman, n’est pas plus sourceur que je ne suis conchylicultrice : il est flic, en rupture de ban. Il va apprendre son métier sur le tas. Fatalement, je me suis beaucoup documentée sur le métier de sourceur. Et parmi les sites que j’ai écumés, il y avait Stéphane Piquart et son organisation préoccupée de commerce équitable et durable. C’est la nouvelle tendance chez les sourceurs, après le « gringo » de Jacques Vabre, et c’est nettement plus sympathique. Alors voir débarquer une de mes sources d’inspiration à ma première signature, j’ai trouvé que c’était un bel augure.

JP : Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) ? À part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une facette cachée ?

CD : Les voyages, le cinéma, la cuisine, si possible tout en même temps et avec un supplément chantilly.
L’année dernière fut une année particulièrement culinaire. J’ai passé mon CAP de cuisine ! J’étais au lycée hôtelier, avec un calot sur la tête et tout. Fantastique expérience, j’ai énormément appris. Et si je n’avais pas mon héros dans la mouise au fin fond de l’Amérique centrale, j’aurais rempilé côté pâtisserie.
Sinon, je suis une vapoteuse au long cours. J’écris dans deux magazines de cigarette électronique sur les goûts et les arômes de la vape. On n’imagine pas à quel point ce domaine, qui permet des associations de goûts inenvisageables partout ailleurs, représente la nouvelle frontière gustative et, potentiellement, l’avenir de la gastronomie.

JP : Quels sont vos projets ?

CD : Finir mon prochain roman !
À la suite de quoi, voyager pour renouveler les sources d’inspiration, souffler un peu et… commencer l’écriture du suivant.

JP : Quels sont vos coups de cœur littéraires ?

CD : Personne, dans mon entourage, n’a échappé à Meurtre dans un jardin indien de Vikas Swarup. Le polar le plus phénoménalement drôle, vivant, espiègle et captivant depuis Donald Westlake ou Christopher Moore. Encore mieux que le premier roman de l’auteur qui était, en toute modestie, Slumdog Millionnaire.
Je viens tout juste de terminer le dernier Peter May, Coffin Road. Quand c’est maîtrisé à ce point, on se tait et on commande les autres chez son libraire préféré.
Sinon, à intervalles réguliers, je reviens à James Bond. Les bouquins, pas les films. J’adore leur écriture, économique et efficace, visuelle et précise. Sans oublier que Ian Fleming est peut-être le plus grand auteur de polars culinaires. Les repas de Bond sont de très grands moments. Et même quand c’est pas terrible… Tenez. J’ai relu Les Diamants sont éternels qui est très inégal, avec un premier tiers hyper fort et quasiment plus rien ensuite. Mais ça commence par l’histoire d’un scorpion au milieu du désert, qui grignote un scarabée, et ça dure quatre pages, et on ne peut pas sauter un mot tellement c’est tendu.  Ça m’a rappelé le renard, à la fin du deuxième tome de Millenium. Il faut descendre profond dans son système digestif pour écrire des pages pareilles.

Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman ? A moins que le silence suffise ?

CD : Mon héros écoute beaucoup de musique. La mixtape du roman mélange ses goûts personnels : brit pop, soul-funk, jungle et, faut-il l’avouer, comédie musicale, avec ce qui passe à la radio dans son pays d’arrivée. On va ainsi croiser les Black-Eyed Peas, Morcheeba et… Justin Bieber, incontournable au Cambodge.
Sinon, pour une lecture plus apaisée, je recommande les bandes originales de films. C’est en tout cas parfait pour écrire. En ce moment, j’écoute la lancinante atmosphère créée par Howard Shore pour le film Spotlight.

JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?

Claire DIXSAUT - Poivre noir - Une enquete criminelle de Sam Locksley chasseur epices
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CD : Sur la page Facebook de Locksley, on peut bien sûr laisser des messages. Mais on

peut aussi suivre en temps réel le making-of du prochain roman. La page informe des événements autour de la série et en profite pour vous faire rencontrer quelques authentiques sourceurs.

Rendez-vous sur https://www.facebook.com/SamLocksleyChasseurdEpices/

Merci beaucoup Claire DIXSAUT de nous accorder un peu de temps pour cette interview. Retrouvez toutes les informations sur son livre ici

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Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.

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