Interview de l’auteur Anthony Buils

Rencontre avec l’auteur Anthony Buils pour son roman Haize Hegoa aux éditions Cairn

Anthony Buils

Jérôme PEUGNEZ : Bonjour Anthony Buils, pouvez-vous me décrire votre parcours ?

Anthony BUILS : Bonjour, et tout d’abord merci de m’accueillir sur votre site.

Je suis originaire de Dunkerque, dans le Nord
En 1994, après une maîtrise obtenue à la Fac de Lille, je suis entré dans la police comme inspecteur. J’ai un parcours policier très diversifié qui m’a permis d’appréhender le métier sous diverses formes. D’abord au sein de la PJ parisienne, puis dans des services d’investigation dans les domaines de la Sécurité publique et de la Police aux frontières, avec un retour dans ma région natale. Passionné de culture hispanique, j’ai ensuite fait le choix le la coopération policière franco-espagnole, et j’ai traversé la France pour intégrer un centre de coopération policière et douanière à la frontière pyrénéenne. Je travaille depuis dans le renseignement transfrontalier.

JP : Quelles étaient les lectures de votre enfance ?

AG : Enfant, j’étais plutôt branché BD, et grand fan de l’univers de Hergé. C’est à partir de l’adolescence que j’ai vraiment commencé à me plonger dans les romans. Des souvenirs que j’en ai gardé, j’étais particulièrement attiré par les ouvrages de Maurice Leblanc et du personnage d’Arsène Lupin.

JP : Comment vous est venu l’envie d’écrire ? A quelle période ?

AG : L’envie d’écrire m’est venue sur le tard, il y a 3 ou 4 ans. Je ressentais le besoin depuis quelques années de poser sur le papier mon vécu de policier, notamment mes débuts d’inspecteur à Paname. J’éprouvais la nécessité de laisser une trace écrite de mon parcours à mes enfants et mes petits-enfants, mais sans trop savoir la forme que cela prendrait. De fil en aiguille, mes anecdotes de jeune flic « chasseur de dealers dans le 18 ème », associées à l’histoire personnelle de mon épouse, qui a vécu le drame de perdre un frère, décédé d’une overdose, se sont transformés dans mon esprit en une fiction mettant en scène des personnages romanesques. Écrire un roman est alors vite devenu une évidence.

JP : Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail : le matin, soir, combien de temps…)

AG : Je prends le temps, et surtout le plaisir d’écrire, n’étant soumis à aucun délai. Il m’a fallu 2 ans pour aboutir à la version finale d’ HAIZE HEGOA ; J’écris surtout durant mes périodes de vacances, quand je suis au calme et que mon esprit s’éloigne des contraintes du métier de policier. J’ai travaillé à partir d’un schéma très séquencé et très détaillé que j’avais pris le temps d’élaborer, ce qui m’a permis de me replonger facilement dans l’histoire malgré des périodes de plusieurs semaines sans écriture. Mais mon esprit demeure accroché en permanence à l’histoire, j’ai toujours un stylo à proximité si une idée me vient en tête.

JP : Lorsque vous écrivez la première ligne de votre livre en connaissez-vous déjà la fin ?

AG : Oui, j’ai parfaitement la fin en tête. c’est fondamental. La connaissance dès le départ du rebondissement ultime me guide pour faire avancer l’intrigue, en disséminant progressivement au fil des pages des indices et des éléments de compréhension qui, à la lecture du dénouement, amèneront toute la saveur à l’histoire que j’ai racontée.

Si je n’avais pas une idée très précise des dernières pages, je me disperserais très vite, et je ne parviendrais pas à tenir le lecteur en haleine. Je prendrais surtout le risque de le décevoir dans les dernières pages, alors que c’est à ce moment précis qu’il faut le surprendre.

JP : Anthony Buils, vous êtes policier, en quoi votre métier influence-t-il votre écriture ?

AG : Je pense que la connaissance des techniques d’investigation, de l’ambiance des commissariats, et du ressenti des flics de terrain apportent une crédibilité certaine dans l’écriture et permet de donner du réalisme à l’histoire. Mais cela ne doit être qu’une base dans l’écriture. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège d’un langage trop administratif ou procédural qui deviendrait vite imbuvable pour le lecteur.

Il me semble que les ingrédients qui font un bon roman se trouvent plutôt dans la manière de mettre en scène l’histoire et les personnages pour captiver et surprendre le lecteur, en y mettant de l’émotion et en faisant ressentir des sensations. Et ça le métier de policier ne vous l’enseigne pas.

Anthony BUILS : Haize Hegoa

JP : Pouvez-vous nous parler de votre roman « Haize Hegoa » aux éditions Cairn ?

AG : L’histoire se passe en 2015, alors que les contrôles aux frontières se renforcent après les terribles attentats de 2015. Joseph Camps, un commandant de police qui a vécu un drame familial dans son passé, enquête sur un trafic de stupéfiants traversant le Pays Basque. Ce qu’il découvre dans le cadre de ses investigations va le replonger dans sa quête de vérité personnelle et les deux trames vont finir par se fondre l’une dans l’autre. Policiers et trafiquants vont alors se croiser dans un contexte de coopération policière franco-espagnole, avec un nouvel itinéraire de passage de la drogue original et surprenant. De là vont se développer des confrontations psychologiques intenses mettant en avant les rapports complexes entre flics et indics. Les personnages évoluent sur deux périodes, celle de 1995 et celle de 2015, qui sont très différentes d’un point de vue policier.

Au-delà de la simple fiction policière, j’essaie aussi au travers de cette histoire d’aborder des thèmes profonds tel que celui des questionnements d’une famille lorsqu’un proche décède d’une overdose. Le sentiment de culpabilité de ne pas avoir pu l’éviter, le besoin de vérité, parfois l’envie de vengeance.

JP : Dans votre roman, y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?

AG : j’ai mis de mon vécu de policier et de mes origines dans le personnage principal,. Cela reste une libre inspiration parce que je n’ai pas subi les événements que je lui fais vivre, et heureusement pour moi. Il y a aussi bien sûr des traits de caractères et des personnalités qui s’inspirent de collègues que j’ai pu côtoyer dans ma carrière de flic, mais au final tous les personnages sont fictifs.

JP : Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre roman et sa parution ?

AG : Non, cela s’est passé relativement vite. Peu de temps après l’envoi du manuscrit, j’ai été contacté par Gilbert Nogués, le Directeur de la collection du Noir au Sud aux éditions Cairn. Un peu plus de 3 mois se sont ensuite écoulés jusqu’à la parution. C’est une grande satisfaction d’avoir pu être édité aussi rapidement, dans un contexte difficile pour les premiers romans.

JP : Une bande son pour lire en toute sérénité votre roman « Haize Hegoa » ? A moins que le silence suffise ?

AG : Peut-être quelques bons sons de la Mano Negra ou du bon rock basque pour agrémenter certaines scènes d’action, et des chants basques pour voyager dans les descriptions des villages, des paysages de montagnes ou de la côte océanique. Mais le roman fait aussi la part belle aux séquences d’émotion que vivent et ressentent les personnages, et dans ces moments-là, je dirai que le silence est sans doute plus judicieux pour permettre au lecteur de s’immerger totalement dans l’histoire.

JP : Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs, à propos de vos livres ?

AG : Certains m’ont dit qu’ils avaient du mal à croire qu’il s’agissait d’un premier roman et qu’ils avaient été totalement emportés par l’histoire. J’ai pris cela comme de très beaux compliments pour un premier ouvrage.

Sur les premiers retours de mes collègues policiers, j’ai surtout eu plaisir à entendre que leur univers professionnel était parfaitement restitué.

JP : Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez vous une autre facette cachée ?

AG : J’adore le cinéma, mais avec mon épouse, notre vrai passion est celle du voyage. Nous ne tenons pas longtemps en place. Bien que nous ayons la chance de vivre dans une région magnifique, nous avons besoin de partir découvrir d’autres paysages. C’est aussi une autre façon d’inspirer et d’enrichir mon écriture.

JP : Avez-vous des projets ?

AG : J’ai plusieurs projets de romans dans mes cartons, et j’ai surtout commencé à écrire la suite d’Haize Hegoa. Pour l’instant c’est surtout le temps qui me manque, et qui ne me permets pas d’écrire aussi vite que je le voudrais. En ayant parfaitement certaines histoires en tête, il y a une vraie impatience à les voire transcrites sur le papier.

JP : Quels sont vos coups de coeur littéraires ?

Récemment, j’ai dévoré le roman de Fernando Aramburu « PATRIA » . les membres de 2 familles qui s’opposent dans un village très nationaliste sur fond de séparatisme basque sont parfaitement campés, et la réflexion qu’impose la lecture du livre sur la question du pardon aux victimes est très bien amenée.

En romans policiers, « CORROMPU » de Patrick NIETO, a été un vrai plaisir de lecture pour le policier que je suis.

JP : Avez-vous un site internet, blog, réseaux sociaux où vos lecteurs peuvent vous laisser des messages ?

AG : Mon épouse développe actuellement un site internet «  romanpaysbasque.com » qui parle du roman HAIZE HEGOA et de mon actualité littéraire. On pourra y retrouver des articles sur les lieux, la culture et la gastronomie basque décris dans le livre ou en lien avec le livre. Elle y ajoutera progressivement des commentaires sur ses coups de cœurs pour des romans évoquant le Pays basque. Un mélange de tourisme et de littérature en quelque sorte.

JP : Merci Anthony Buils d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Le petit plus : Questionnaire de Proust

Si vous étiez un personnage de fiction ?

Peut-être Tintin, pour sa faculté à voyager autour du monde, tout en vivant chaque fois des aventures originales. J’aimerais pouvoir voyager aussi facilement, surtout en ce moment, pour pouvoir retranscrire dans mes écrits les émotions que cela procure. Et comme j’avais évoqué Hergé en début de questionnaire, c’est une bonne façon de « boucler la boucle ».

Si vous étiez un livre ?

Celui qu’on place provisoirement sous le pied d’un meuble pour qu’il ne soit plus bancal, et qui finalement devient un pilier sur lequel tout repose, même si on n’y prête plus attention avec le temps.

Plus sérieusement, je dirais « Ne le dis à personne (Tell no one) » écrit par Harlan Coben, parce que j’adore l’intrigue et les personnages, et qu’il y a dans ce livre tout ce que je recherche dans la lecture d’un roman. Également parce qu’il a inspiré le film de Guillaume Canet, qui est l’un de mes films préférés.

Si vous étiez un film ?

Oups ! j’avais anticipé la question ! Je reste sur ma position : « Ne le dis à personne ». L’adaptation du livre, « à la française », le formidable casting, la bande son, tout me plaît dans ce film.

Si vous étiez un mot ?

Je dirais « Canopée ». J’adore ce terme, je me suis promis de la placer dans mon prochain roman !
C’est un mot à la mode à l’heure du changement climatique . On parle de plus en plus de canopée urbaine, de calcul d’indice de canopée. C’est aussi un mot qui permet de belles allégories sur le sens de la vie, sur la notion de réussite: « atteindre les cimes pour rester dans la lumière ou demeurer dans l’ombre sous la canopée » ( je pense que je viens de trouver l’incipit de mon prochain roman). Pour l’écrivain, le mot sonne bien, et amène immédiatement une réflexion littéraire, poétique et écologique.

Si vous étiez une destination ?

L’Andalousie, pour ces couleurs, pour ces odeurs, pour son atmosphère enivrante. Je m’y rends régulièrement pour des séjours de vacances, et avec le pays basque, c’est un des endroits qui m’inspire le plus.

Si vous étiez une mauvaise habitude ?

Celle de ne pas bien refermer les couvercles des pots avant de les ranger au réfrigérateur ! Je pense que cela vient du fait que je n’arrive pas à refermer un bon livre quand je l’ouvre pour la première fois. C’est du moins l’excuse « littéraire » que je donne à mon épouse lorsqu’elle se trouve avec le couvercle dans les mains et le bocal éclaté au sol. Même si à force ça ne la fait plus rire.


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Jérome PEUGNEZ
Jérome PEUGNEZ
Co-fondateur de Zonelivre.fr. Il est le rédacteur en chef et le webmaster du site.

2 Commentaires

  1. Parcours très intéressant. J’ai découvert cet auteur il y a quelques semaines à travers Haize Hegoa. En tant qu’ancien policier, je suis toujours très sensible à la manière dont le travail de mes collègues est restitué. Aussi, le premier sentiment que j’ai éprouvé en refermant ce livre est celui-ci : Difficile de croire qu’il s’agit d’un premier roman tant l’écriture est riche et maitrisée, les situations et les personnages parfaitement campés. L’intrigue est géniale. Dès les premières pages, on s’immerge dans l’histoire et il est bien difficile de s’en extraire. Force est de constater que l’auteur a fait un sans faute et c’est sans doute le meilleur polar que j’ai lu en ce début d’année.
    En résumé, je conseille sans aucune réserve ce polar aux amateurs du genre et j’attends la suite avec impatience.

  2. Merci Patrick pour votre retour de lecture. C’est très intéressant ce regard notamment par un autre membre de la « grande maison » (que forme la police).

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