Rencontre avec Denis BOUCHAIN, éditeur aux éditions PLON.
Découvrez son métier, son parcours et ses conseils pour les personnes attirées par sa profession.
Denis Bouchain, comment pourriez-vous définir votre profession ?
Pour moi, être éditeur en littérature française, c’est guetter constamment des projets qui seraient susceptibles de faire de bons livres pour un public donné. Des projets que l’on trouve soit en lisant des manuscrits qu’on reçoit, soit en proposant à une personne donnée de se lancer sur un sujet sur lequel elle pourrait produire quelque chose d’intéressant (ça a été le cas avec Ingrid Desjours).
Ensuite, quand un projet est retenu, c’est travailler avec l’auteur pour lui faire donner le meilleur de lui-même. J’accorde beaucoup d’importance à cette étape. Comme je suis encore un « jeune éditeur », je m’occupe d’auteurs qui sont encore au début de leur oeuvre. Ils ont souvent écrit un, deux, trois livres, mais rarement plus. Ou alors c’est leur premier. Ils n’ont donc pas encore tout leur savoir-faire, et je pense qu’ils ont vraiment besoin d’un regard critique, sincère et bienveillant pour les aider à parfaire leur roman. Le texte d’un tout jeune romancier doit souvent être repris 2 ou 3 fois. Je fais lire chaque version à des lecteurs de confiance, jusqu’à ce que l’ensemble semble abouti.
Au-delà de mon désir de proposer un bon texte, c’est aussi une façon de me mettre la pression. Une fois que le texte est terminé, je me dis que l’auteur a donné le meilleur de lui-même, qu’il m’a fait confiance et que je dois l’aider au maximum et ne pas trahir son travail. Alors j’en parle aux journalistes, aux libraires que je connais. Je prépare le terrain avant que les services de presse et commerciaux commencent leur travail. J’accorde aussi une très grande importance à ce que mes auteurs aient une deuxième vie en poche. Là aussi, il s’agit d’un travail de conviction auprès des éditeurs de poche. Contrairement à une idée reçue, les éditeurs de poche ne se content pas de reprendre les succès. Ils font souvent un travail très en amont et achètent des droits bien avant que le grand format ne soit sorti. J’essaie aussi de suivre mes lecteurs lors de leurs dédicaces, sur des salons, pour leur montrer que je suis là.
D’une manière générale, j’essaie vraiment de publier ce que j’aime, même si parfois il faut s’affranchir de ses goûts personnels pour aller vers des textes qu’on pense convenir à un public précis. Bien sûr, il n’y a pas de recette miracle dans l’édition. On ne sait jamais si un livre va marcher ou pas. Je crois de plus en plus au travail de terrain et aussi que le travail d’un auteur finit par payer sur le long terme. Il faut qu’un auteur soit rigoureux, travailleur, constant. Qu’il reste lui-même. Qu’il soit sincère.
Pouvez-vous nous présenter votre maison d’éditions ?
Plon est une très ancienne maison : elle a été fondée en 1852. Elle regroupe une trentaine de salariés. Elle appartient au groupe Editis, le deuxième groupe d’édition français, qui lui-même appartient au groupe espagnol Planeta. C’est une maison qui est avant tout spécialisée dans le document, notamment politique (elle a édité De Gaulle et Churchill…). Mais qui a également un forte identité littéraire : il y a les fameux dictionnaires amoureux écrits par des personnalités et des auteurs importants : Jean-Claude Carrière, Philippe Sollers… Il y a la célèbre collection Terre Humaine qui a publié Claude Lévi-Strauss. Et un très bon rayon de littérature étrangère, avec Norman Mailer ou Salman Rushdie…
En littérature française, on est davantage dans la construction, même s’il y a déjà eu quelques succès comme le Goncourt des lycéens avec Léonora Miano en 2006 ou l’Interralié avec Christophe Ono-dit-bio en 2007… Il faut persévérer…
Quelle est la ligne éditorial des éditions Plon ? Quels types de romans policiers proposez-vous ?
En littérature, je dirais que la ligne éditoriale est triple. On a des auteurs de romans de septembre. Des textes assez denses, engagés, plutôt « sérieux ». Comme Léonora Miano qui parle de l’identité africaine et « afropéenne » avec un écriture formidable. Ensuite, il y a des textes plus tournées vers l’évasion, le divertissement : en avril 2010, je vais publier un super texte d’une jeune auteur qui raconte le parcours de quatre personnes qui vont pouvoir vivre ce qu’ils ont toujours rêvé de vivre. C’est très onirique et sensible, très beau.
Enfin, il y a la littérature de genre, et notamment le policier et le thriller que j’essaie de développer. J’ai six titres en préparation C’est dur pour moi de dire ce qui unit ces romans. Peut-être la relative jeunesse des auteurs et, je crois, des écritures très typées. J’en ai un peu assez des « écritures thriller » qui finissent pas se ressembler toutes.
Pouvez-vous nous présenter votre journée type ?
Je commence vers 9h30 et souvent le parcours les manuscrits qu’on a pu m’envoyer. S’ils me semblent intéressants, je les passe à des lecteurs qui me font des fiches avec leur avis.
Ensuite, crayon en main, je lis des textes à paraître. J’annote au besoin. Je propose des corrections, je note les passages qui me semblent faibles, mal construits, pas clairs…
L’après midi, comme je déjeune souvent avec des auteurs ou des journalistes qui sont assez bons vivants, je fais souvent des tâches qui demandent moins de concentration : je rédige des quatrième de couverture, des argumentaires commerciaux, passe des coups de fil aux auteurs pour les harceler quand ils sont en retard, les soutenir quand ils ont des doutes. Je reçois aussi des gens qui ont des projets à me proposer. C’est aussi souvent en fin de journée que je vois les auteurs pour travailler sur leurs textes. Leur montrer ce qui, selon moi, ne va pas, leur expliquer pourquoi… Leur suggérer des choses…
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai fait une maîtrise d’histoire et comme je ne voulais pas être prof, je me suis orienté vers un DESS d’édition. Après plusieurs stages et une année de piges à droite à gauche (lecture, écriture, correction…), j’ai trouvé un poste chez Plon. C’est rare d’être embauché juste après ses études. C’est souvent par relation…. Il faut montrer qu’on aime ça et garder le contacte avec les acteurs du métier. La mobilité est faible et les postes rarement vacants longtemps. Il faut garder sans cesse un pied dans le métier pour être le premeir sur les rangs.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait exercer votre profession ?
Comme je l’ai dit ci-dessus, en passer par des stages, souvent travailler quelques années en free lance, et surtout garder le contact avec le milieu de l’édition. Ensuite, il faut vraiment aimer lire, être curieux, ouvert. Aller vers l’autre, aussi. Et puis, fouiner beaucoup, essayer de multiplier les contacts sans pour autant se perdre dans le n’importe quoi. Parfois, il suffit d’une rencontre impromptue pour trouver un super projet.
Quels sont vos livres cultes?
J’aime beaucoup Poe et Cervantès. J’aime aussi « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez, et un livre moins connu « Melmoth ou l’homme errant » de Maturin. Je crois que j’aime les vrais romans, les vraies histoires avec un imaginaire fort qui, malheureusement, à part dans la littérature de genre, nous font aujourd’hui souvent défaut en France. (D’ailleurs, je compte bien y remédier !) J’aime m’évader, voyager… J’ai aussi un gros faible pour les « Contes du chat perché » de Marcel Aymé. C’est un texte génial. Enfin, j’aime beaucoup les auteurs ancrés dans un terroir avec leurs légendes, leurs croyances : je pense notamment à Jean Giono et Henri Pourrat.
Site des éditions PLON : http://www.plon.fr/
Merci Denis BOUCHAIN de nous avoir consacré du temps et permis d’en savoir plus sur votre profession.
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