Son roman « L’enfant aux cailloux » a obtenu le Prix Lion Noir à Neuilly Plaisance en mars 2012.
Bonjour Sophie Loubière, Pouvez-vous nous raconter en quelques mots votre parcours ?
Avant de débuter une carrière de productrice radio à Paris dans les années 90 et de devenir écrivain, j’ai fait mes débuts dans des radios locales privées de ma ville d’origine Nancy parallèlement à des études de lettres. Très tôt passionnée pour le cinéma, j’ai pratiqué beaucoup d’activités artistiques (danse, gymnastique, piano, dessin, chant, théâtre) et fait de nombreuses et riches expériences professionnelles dans le domaine de la communication évènementielle et de la formation d’adulte où j’enseignait la communication écrite et orale à de futurs VRP (!). C’est sur France Bleu Lorraine que j’ai animé à l’âge de 18 ans ma première émission (consacrée au septième art). En 93, je remporte un concours à France Inter qui m’ouvre grandes les portes de Radio France où je multiplie durant 17 ans les collaborations les plus diverses et les plus belles. Feuilletons dramatiques, émissions musicales (Musique de film), émissions littéraires estivales (Dernier parking avant la plage) ou nocturnes (Parking de nuit), chroniques autour du polar… C’est une période de construction artistique et professionnelle dont je tire un bilan très positif. Aujourd’hui, la radio est un peu sortie de ma vie depuis deux ans au profit de l’écriture et de ma petite famille. Mais j’y reviendrai sans doute et avec plaisir.
Quand est née votre passion pour l’écriture ?
La passion de l’écriture est née de la passion pour la littérature que m’ont communiqué mes parents et mes professeurs de français et de philo. Petite fille, malheureuse avec l’orthographe et la grammaire, je passais mes journées à dessiner et c’est donc plutôt vers l’image que je pensais me tourner (cinéma, beaux-arts). Mais à la fin de l’adolescence, guérie de ma dyslexie, soudain, s’ouvrait à moi l’expression écrite. Et c’est avec l’allégresse de l’aveugle brusquement capable de voir que j’ai pris le chemin de la romancière, mais toujours avec cette timidité propre à celle qui n’ose pas tout à fait y croire. Etonnement, c’est par la radio que mes premiers écrits sont venus. Validés par un prix SACD 1995 du meilleur jeune auteur, ces textes dramatiques m’ont permis de belles rencontres dont celle de J.B. Pouy qui publie mon premier roman en 1999 un Poulpe « La petite fille aux oubliettes ». Puis c’est grâce à un ami de jeunesse l’écrivain Philippe Claudel que les éditions Balland (en la personne de Denis Bourgeois) publient mon premier roman de littérature générale « Je ne suis pas raisonnable ». En 13 ans, j’ai publié une dizaine d’ouvrages, la radio ou d’autres activités journalistiques ayant tendance à freiner ma production littéraire – mais je me rattrape ces temps-ci.
Vous écrivez des romans noirs, de la littérature blanche, des recueils jeunesse et vous êtes également chroniqueuse à la radio. Le rapport à l’écriture est-il toujours le même dans ces différents exercices ?
Non.
Il y a l’écriture littéraire et romanesque qui nécessite du recul et de la maturation, l’écriture journalistique (où l’on recherche la concision et le sens aigu de la formule) et l’écriture dramatique pour la radio, assez proche de cette d’un scénario ou d’une pièce de théâtre. Très jubilatoire.
Quelles sont les différentes contraintes et les avantages de ces différents genres ?
La contrainte de temps est propre à la radio: souvent, j’ai à peine une heure pour rédiger une chronique ou un papier avant de passer à l’antenne. Il faut bien tout avoir en tête et ne pas se laisser distraire! Le stress fonctionne généralement bien sur l’écriture lorsqu’il s’agit de textes courts.
Pour le roman, la contrainte, c’est aussi le temps, mais d’une différente manière: on ne peut pas se permettre de passer deux ans sur un roman financièrement parlant. Il faut donc trouver un rythme d’écriture et surtout l’inscrire dans un emploi du temps à long terme. Et pour les auteurs qui ont une vie de famille, les choses peuvent alors être très compliquées, générer un stress énorme qui lui serait plutôt stérile et sclérosant.
L’écriture de dramatique radio est la plus ludique – comme celle de nouvelles courtes – et la plus souple, la plus agréable à vivre: boucler en quelques heures un texte, une histoire qui tienne la route, c’est comme rouler en décapotable sans l’angine après la promenade!
Quel est votre modus operandi d’écriture ?
Le rythme de travail est lié aux contraintes de l’organisation familiale. Il est donc anarchique car ne dépend pas de mes envies ni de mes périodes d’inspiration. Pour me permettre d’avancer et de poser les choses surtout au début d’un roman, je m’isole donc dans un hôtel pour ne pas avoir à m’interrompre au milieu d’un chapitre pour aller faire les courses. Ces moments où je m’offre à l’écriture comme à un amant sont les plus beaux de mon existence car ils sont à l’origine d’une oeuvre, donc, magiques. L’enfant aux cailloux a été écrit ainsi en plusieurs étapes, avec deux ou trois passages à l’hôtel… Je peux écrire la nuit, faire la sieste si ma tête tombe sur le clavier… Vive la pension complète! Ecrire dans le train, c’est bien aussi.
Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ?
Je connais la trame générale. Mais il arrive que le roman dévie, trouve lui-même d’autres chemins. S’ils sont plus forts que l’idée de départ, j’y vais. Par exemple, dans L’enfant aux cailloux, quinze jours se sont passés entre les deux parties du roman car il fallait que je prenne une décision, que je fasse le deuil d’un des personnages pour pouvoir me glisser dans la peau de l’autre… On est aussi comédien quand on écrit. On enfile des peaux humaines… Ce n’est pas sans conséquence sur notre entourage. Il m’arrive de tomber malade si mon personnage l’est – et vice versa. Pour le prochain roman dont l’action se déroule sur la route 66 aux USA, il y a eu une longue maturation entre le voyage de repérage sur la « Mother road » l’été dernier et la rédaction des premières lignes fin septembre/début octobre. Et de ces réflexions, de cette collectes de lieux, d’ambiances, de nombreux changements sont intervenus sur l’idée de départ et sur les personnages. TOut a prit une dimension énorme, comme les plats servis là-bas! D’un thriller psychologique en lieu clos je me suis retrouvée à écrire la vie d’un futur prix Pulitzer marqué par le massacre de sa famille et hanté par un tueur dont il va retrouver la trace par un extraordinaire hasard, avec des voyages entre Chicago, Phoenix, St Louis, Flagstaff, Sedona… et toute la route 66!
Le parcours a-t-il été long entre l’écriture de votre premier livre et sa parution ?
Non. J.B. Pouy m’a proposé d’écrire un Poulpe, il m’a envoyé une « bible » du personnage, j’ai bossé, je lui ai envoyé le manuscrit, il a dit OK. Du bonheur, non?
Quelle est la genèse de l’Enfant aux cailloux, votre dernier roman paru aux éditions Fleuve Noir?
Ce roman est un hommage à ma mère, ancienne éducatrice spécialisée, rongée par le drame (la perte d’un fils) et dont l’âme devenue capricieuse se plaît à voir le monde autrement. Cette folie douce est à la base du roman: une femme âgée, seule dans sa maison, s’ennuie un peu le dimanche. Alors elle regarde dans le jardin de ses voisins. Là, trois enfants jouent, et rient. Sauf un… Je suis aussi partie de deux faits divers que j’ai croisés (un cas de maltraitance, un assassinat commit par une grand-mère sur sa petite fille). Enfin, après avoir passé trois ans sur un roman dont l’action se situait à San Francisco (« Dans l’oeil noir su corbeau »- Cherche-Midi), j’avais besoin de me simplifier la vie, besoin d’un décor plus resserré. J’ai donc situé l’action du roman près de chez moi! Le manuscrit a été bouclé en six mois.
« L’enfant aux cailloux » et votre nouvelle « ondes de choc » dans le recueil « Les auteurs du noir face à la différence » traitent de la violence faite aux enfants. Est-ce un cri d’alerte que vous voulez transmettre aux lecteurs ?
Oui. Définitivement. Beaucoup de mes livres traitent de l’enfance et de la maltraitance qu’elle soit physique ou psychologique.
Vous venez de recevoir Le « Prix Lion Noir » 2012 pour « L’enfant aux cailloux » ? Qu’avez vous ressenti à l’annonce de ce prix ?
Une grande joie. C’est un prix de lecteurs, authentique. Ces prix littéraires ont une vraie valeur à mes yeux.
Quels sont vos prochains projets ?
Ce roman sur la route 66 provisoirement intitulé « Black Coffee » et qui va sortir en fin d’année au Fleuve Noir. Un autre roman est prévu pour 2013 au Cherche-Midi « Division 13 ».
Avez d’autres passions en dehors de l’écriture (cinéma, peinture…) ? A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre face cachée ?
(Je crois que j’ai déjà répondu au début) La musique de film reste une de mes passions. Elle est aussi en permanence avec moi dans l’écriture de mes romans. Sans elle, pas ou si peu d’inspiration émotionnelle. Mes compositeurs chéris: Alexandre Desplat, Gabriel Yared, Deborah Lurie, James Newton Howard, Thomas Newman, John Barry, Jerry Goldsmith…
J’aime aussi beaucoup cuisiner! Mais mes lecteurs et auditeurs l’ont je crois déjà compris (je glisse même des recettes de cuisine dans mes romans…)
Quels sont vos coups de coeur littéraire ?
En ce moment, c’est Thomas H. Cook. Je crois que nous avons des karmas communs: la damnation du fils, par exemple, ses difficultés à assumer le drame ou le passé d’un père, d’une mère, le poids d’une famille, on est tous les deux passionnés par ce sujet. Cela m’a fait du bien de le rencontrer à Toulouse en octobre dernier. nous nous sommes « trouvés », un peu comme des frères et soeurs ayant en commun une blessure passée incommensurable et que seule l’écriture transcende, rendant la vie supportable.
Avez vous un site internet ou un blog où les lecteurs peuvent vous laisser des messages ?
Non, je suis sur facebook!
Merci Sophie LOUBIERE de nous avoir accordé cette interview.
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