Interview de l’auteur Franck THILLIEZ pour Pandemia

franck thilliez
Photo : Didier Cohen

Sébastien MOUSSE : Bonjour Franck, Pandemia sort ce mois-ci, une légère avance sur le calendrier, d’habitude tes sorties sont en octobre. Tu utilises cette fois un sujet qui terrifie beaucoup de monde, le bioterrorisme, comment t’es venue cette idée ?

Franck THILLIEZ : J’ai toujours eu en tête l’idée d’écrire un jour sur les microbes, mais deux éléments principaux me bloquaient. D’une part, le sujet avait déjà été traité à maintes reprises en littérature et au cinéma, et je ne trouvais pas comment le développer de façon originale. Pour moi, une « histoire de microbes » se résumait au vol d’un virus dangereux dans un laboratoire, que l’on répandait ensuite dans la population.

Ensuite, je voulais une spécificité française : il fallait que mon histoire se passe proche de chez nous, sur notre territoire. Tout s’est déclenché lorsque j’ai visité l’institut Pasteur de Lille. Je me suis rendu compte que des spécialistes traquent des microbes dans la nature de la même façon que des policiers poursuivent des assassins. Il y avait là, à l’évidence, un angle original à étudier et développer.

SM : C’est un sujet qui fait peur, on sait que c’est tout à fait plausible, que c’est un terrorisme pire que l’attentat à la bombe, tu le prouves dans ton livre car les victimes deviennent à leurs tours vecteurs de mort. C’est une chose qui te fait peur ?

FT : Évidemment. Les microbes sont invisibles, ils sont partout autour de nous, se multiplient tout seul à une vitesse prodigieuse. Les armes, les bombes laissent des traces, tandis que les épidémies et pandémie traversent les villes en ne causant aucun dégât matériel. Ils ne connaissent pas non plus les frontières. Si les terroristes n’utilisent pas l’arme microbiologique aujourd’hui, c’est, je pense, pour deux raisons principales : le virus qu’ils répandraient par exemple dans la population finirait par se retourner contre eux. Et ensuite, les terroristes cherchent le spectaculaire, la revendication ponctuelle par des actes sanglants et violents. Difficile de revendiquer la diffusion d’un microbe dans une population.

Non, le pire, c’est un microbe nocif entre les mains d’un fou (lettres à l’anthrax en 2001), d’une secte ou ce genre d’organisation aux croyances infondées.

SM : Un autre sujet est effrayant dans ce livre, le Darknet, cet internet obscur, la face immergée de l’iceberg virtuel. De simples manipulations pour atterrir en ces lieux où l’anonymat règne en maitre absolu, et bien sûr en découle tout ce qu’il y a plus d’illicite, trafics d’armes, de drogues, prostitutions, meurtres, pédophilie… qu’est-ce qui est le plus dangereux 

FT : Le plus dangereux est sans doute cette impression que tout à chacun a de voyager dans ces lieux en toute impunité. C’est comme si l’on entrait dans un supermarché et que le vendeur vous disait « prenez tout ce que vous voulez, c’est gratuit aujourd’hui ! » Avant, il était quasiment impossible de se procurer, par exemple, un faux permis de conduire, parce que le monde du faux, du trafic était complètement dissocié de la vie de tout à chacun : un commercial qui n’a plus de permis n’allait pas se mettre en errer physiquement dans les milieux ou endroits dangereux pour obtenir les faux papiers. De nos jours, il lui suffit de rester chez lui, tranquillement caché derrière son écran, pour se procurer tout ce qu’il veut. Il existe une véritable économie illégale et souterraine qui fonctionne parce qu’il y a de l’offre et de la demande. Et la demande, c’est un peu chacun d’entre nous…

SM : Une fois de plus tu t’es hyper documenté, que cela soit du coté bactériologie/virologie, épidémiologie/pandémie/zoonoses mais aussi informatique, combien de temps de recherches ? Plus que le temps d’écriture ?

FT : Il est vrai qu’il y a eu énormément de recherches pour Pandemia, environ 5 mois de lectures, de rencontres et d’interviews de spécialistes. La principale difficulté était d’expliquer des thèmes compliqués de la façon la plus simple qui soit, et de l’intégrer dans une enquête policière. Et aussi, je voulais un récit plausible, très proche de la réalité. Les chercheurs qui ont lu mon roman ont vraiment apprécié son caractère réaliste, et c’est d’ailleurs ce qui fait le plus peur : cela pourrait réellement arriver !

SM : Maintenant que tu es une des figures les plus connues de la littérature française, les portes s’ouvrent plus facilement quand tu as besoin de renseignements de rencontrer un ponte d’un sujet pointu ?

FT : Oui et non. Quand je suis arrivé à l’Institut Pasteur, personne ne me connaissait ! Mais très vite, les chercheurs se sont rendu compte du sérieux de ma démarche. Il ne s’agissait pas de réaliser un épisode des experts, mais de plonger dans le quotidien de ces spécialistes et de décrire leur métier au mieux, sans les trahir. Le plus important est de créer une relation de confiance, c’est un échange. Au fil des années, j’ai pu également développer un réseau de personnes prêtes à m’aider en cas de besoin, dans les domaines de la police, de la médecine légale, de la justice, et même de la thanatopraxie ! Tout cela s’est fait à mesure, et non de façon brutale…

SM : La transmission de maladie est une des phobies des thanatopracteurs, souvent en contact de défunts décédés de pathologies plus ou moins « contagieuses ». Le gouvernement est en train de légiférer afin que les corps des personnes décédées du SIDA, aient le droit de recevoir des soins de conservation, ce qui est jusqu’alors interdit. Tu en penses quoi ?

FT : J’ignorais cette forme de « ségrégation », que je trouve assez scandaleuse. Cette étape autour de la mort est une période difficile pour les vivants, et j’imagine très bien qu’une personne qui ne peut pas dire un dernier au revoir à un défunt doit avoir énormément de mal à faire son deuil. Je peux comprendre cette peur de la transmission de microbes dangereux, mais il doit y avoir des solutions comparables à certaines autopsies de personnes contaminées faites dans des environnements sécurisés. Évidemment, derrière, il faut des moyens, de la formation, mais cette étape du dernier au revoir n’a pas de prix à mes yeux.

SM : En parlant thanatopracteur, à quand le retour de David Miller, héros de la forêt des ombres ?

FT : Peut-être un jour, sait-on jamais ! Le métier de thanatopracteur est peu commun, assez méconnu des gens, il mérite qu’on parle de lui.

SM : Peut-on connaître le sujet de ton prochain best-seller ?

FT : Ce sera un one-short, dans le monde des rêves et du sommeil !

SM : Franck, je te remercie une fois de plus d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, au plaisir.

FT : Merci à toi !

Paru dans Résonance Funéraire

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Après avoir passé 30 ans à préserver les corps des défunts, Stanislas Petrosky est aujourd'hui enseignant en thanatopraxie dans un centre de formation spécialisé. Auteur de nombreux ouvrages, il débute aujourd'hui une série autour de l'une de ses passions, l'anthropologie criminel et ses fondateurs. Prenant pour base de véritables affaires traitée par le professeur Alexandre Lacassagne, Stanislas Petrosky plonge avec érudition dans ce monde si particulier qu'est le monde du crime au tournant du XIXe siècle.

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