Interview de Karin SALVALAGGIO

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Karin Salvalaggio
Photo : Ross Ferguson

J’aimerais parler de votre parcours professionnel : avez-vous exercé d’autres métiers avant d’être écrivain ?

Je suis chanceuse d’avoir eu l’opportunité de retourner à l’université plusieurs fois pour étudier ce qui m’intéressait. Mon premier diplôme était en biologie moléculaire. Après ma remise de diplôme, j’ai travaillé pour une entreprise qui essayait de manipuler de l’ADN de plante afin de créer des espèces avec des caractéristiques plus appréciables. C’était un travail fascinant mais cela ne me correspondait pas vraiment. Un jour j’ai commencé à organiser des présentations pour les scientifiques de mon équipe, créant et le graphisme et la présentation du matériel. J’ai alors décidé de retourner à l’école afin d’étudier la conception graphique pensant que je travaillerai en Sciences de la Communication. A la place, j’ai déménagé à Londres et monté une entreprise de graphisme en free-lance. Je crois que j’ai fait cela pendant sept ans. Suite à mon déménagement à Milan, je n’ai pu conserver mes clients. C’est à ce moment que j’ai commencé à écrire. J’ai toujours eu un intérêt pour l’écriture mais c’était la première fois que j’avais le temps de le faire.

Quelles sont les œuvres littéraires qui vous ont influencée ?

Mes goûts sont divers mais voici quelques livres que je lis et relis. We Have Always Lived in the Castle par Shirley Jackson, We Were the Malvaneys par Joyce Carol Oates  All the Pretty Horses par Cormac McCarthy et Ballad of the Sad Café par Carson McCullers

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire des thrillers ?

C’est une bonne question à laquelle j’ai eu du mal à répondre car je ne prescris aucune règle de genre. Mes livres ont été décrits comme étant des romans thrillers et de mystère et je ne suis toujours pas certaine de savoir ce que cela signifie. Les choses viennent dans mon imagination et ensuite je le mets sur papier. Je m’inquiète en pensant que l’étiquette «  thriller » puisse dissuader certains lecteurs de lire mes romans, car ils contiennent bien plus que des crimes.

Comment trouvez-vous les sujets de vos romans ?

Je lis constamment des magazines, des journaux ; si je vois un sujet qui m’intéresse, comme la traite des humains pour le commerce sexuel, des prescriptions de médicaments abusives, j’essayerai d’intégrer mes recherches dans un roman. Je suis très impliquée en tant que citoyenne, donc ce genre de problèmes sociaux me fascine.

Quand vous commencez à écrire un roman, quelle est votre idée de départ ?

Tant que je suis déterminée à introduire de tels thèmes dans mon travail, le débuts de mon histoire s’organisent bien, mais je ne planifie pas vraiment. Je prends comme point de départ une scène dans ma tête. Cela peut être Grace Adams témoin d’un meurtre dans BDW, ou Dylan Reed chevauchant à travers le désert du Montana dans BR, ou un catastrophique accident de voiture et un meurtre dans WD, ou une conversation « ivre » entre un imitateur d’Elvis et un étudiant d’université dans un bar dans Silent Rain. Je suis obsédée par ces scènes ouvertes jusqu’à ce que je trouve un sens où l’histoire me suivra après. Ensuite, je suis la piste, ajoutant de nouveaux éléments et des personnages au fur et à mesure des besoins.

Karin SALVALAGGIO - Poussieres d os
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Dans « Bone Dust  White » (Poussières d’os), vous abordez le thème douloureux de la traite de jeunes filles venues de l’Europe de l’Est. La condition des femmes dans le monde est-il un sujet qui vous touche ?

Oui, absolument, je suis très déterminée quand j’écris. Je ne réduis jamais la violence contre les femmes à un point de détail. Il existe bien trop de fictions qui titillent le lecteur avec des images de femmes qui ont été victimes d’une extrême violence. Je ne nie pas que de telles violences existent, je refuse simplement d’aggraver les choses en avilissant les victimes. C’est une des raisons pour lesquelles mon personnage principal, l’inspectrice Macy Greeley est hypersensible concernant les cadavres et n’assiste jamais aux autopsies. Ce n’est pas qu’elle ne s’en préoccupe pas, c’est plutôt qu’elle s’en préoccupe trop.

L’exploitation de la détresse humaine par des gens sans scrupules est également un thème abordé dans votre premier roman ; pensez-vous que les romanciers peuvent transmettre un message à leurs lecteurs ?

Absolument ! Je pense juste que nous ne pouvons pas être trop autoritaires. J’essaye d’être subtile en transmettant mon message car je n’oublie jamais que j’écris un roman et que ma priorité est d’inciter le lecteur à avoir envie de tourner les pages. Si je parviens à faire passer un message et à éclairer quelques esprits, j’aurais réussi à un autre niveau.

En combien de temps écrivez-vous un roman ?

En général, cela prend sept mois d’écriture, puis cinq mois de correction chez l’éditeur. Je commence en novembre pour finir en juin. Pendant l’été, je procède à des modifications, puis j’envoie la version finale à l’éditeur en novembre. Souvent, pendant l’été, je pense au roman suivant. Il n’y a pas beaucoup de temps pour la réflexion, c’est pourquoi j’aimerais ralentir les choses à l’avenir.

Pourquoi les quatre romans de la série Macy Greenley se passent-ils dans le Montana ?

Le Montana est un état exceptionnellement beau, mais également dangereux. J’aime écrire à propos de villes qui sont construites en bordure d’énormes étendues désertiques. L’indépendance est un mythe. Les gens qui vivent dans de tels endroits sont dépendants de leurs voisins et de la communauté. Arranger mes histoires dans une Amérique rurale m’a aussi permis d’exploiter des thèmes tels que le retour au pays, l’isolement et les privations socio-économiques. L’Amérique change rapidement mais de nombreuses communautés rurales sont laissées en arrière. Les situations difficiles doivent être prises en considération avant que les choses ne deviennent trop graves pour être améliorées ou réparées.

J’aimerais maintenant parler des personnages féminins du roman. Comment vous est venus l’idée de créer le personnage de l’inspectrice Macy ?

Dans mes premiers projets de BDW (Poussières d’os), Macy était un personnage mineur car l’histoire était racontée du point de vue de Grace et de Jared. La ville représentée dans le roman, est une véritable communauté fermée tissée par les liens de parenté et de nombreux secrets. Ajouté à cela que Grace et Jared sont des narrateurs incertains. Mon agent sentait que le personnage de Macy pouvait offrir un moyen de pénétrer cette communauté, c’est dans ce sens qu’elle représente les yeux et les oreilles du lecteur.

Je ne me suis pas rendu compte qu’un livre mènerait à quatre. Je suis reconnaissante d’avoir choisi Macy pour faire ce voyage.

Grace est le personnage féminin que je préfère : malgré son jeune âge et sa fragilité, elle est courageuse et déterminée ; elle n’hésite pas à affronter le danger. Quel est votre personnage féminin préféré ?

Au début, Grace est timide, mais au fur et à mesure que le livre avance, elle prend confiance en elle. Son caractère se dessine  Son personnage s’inspire fortement de l’allégorie  de «La Jeune fille et la Mort». Je pense souvent que Grace à été en partie basée sur le personnage de Blanche Neige mais avec une tournure moderne et féministe. Elle est peut-être coincée dans un «château» mais elle a trouvé une seconde chance de vivre. Sans plus personne pour la défendre, il ne tient qu’à elle pour trouver une façon de survivre. Grace à toujours fait confiance à Jared mais sa véritable progression se fait quand elle réalise que Macy est la personne qui peut l’aider. Son histoire est énorme. Elle est le personnage le plus complexe que je n’ai jamais écrit. Je suis heureuse de dire qu’elle réapparaît dans Silent Rain, le quatrième livre de la série.

Aucun de vos personnages n’a une vie sentimentale heureuse et équilibrée. Est-ce un hasard ?

Je voulais que la ville de Collier reflète la détresse de l’Amérique rurale qui a suivi la crise économique de 2007. Quoique une grande partie de l’Amérique s’en soit sortie, il y a beaucoup de gens qui sont restés sur le carreau. Les temps sont sinistres. Le taux de chômage est élevé, les investissements sont bas, les perspectives sont faibles et la toxicomanie effrénée. Je ne rendrais pas service à ces communautés si je devais ignorer les faits. J’aime à croire qu’il n’y a pas que perte et ténèbres. Mes personnages ont une chance de rédemption. Finalement, Grace trouve sa voie et Macy également. Son caractère se développe sur quatre romans donc, dans BDW (Poussières d’os), vous n’avez qu’un aperçu de ce qu’elle sera à la fin. Dans le quatrième livre, elle est sur la voie pour devenir une personne rangée et plus heureuse, mais je me suis assurée qu’elle parviendra à ce bonheur.

Vous habitez à Londres depuis une vingtaine d’années. Vous êtes-vous adaptée facilement au mode de vie anglais ?

Je continue de trouver que les Anglais sont assez déroutants du fait que nos vues culturelles sont très différentes. Je vis dans l’ouest de Londres, qui est un endroit assez cosmopolite, mais dès que je quitte la capitale c’est difficile pour moi de trouver un sentiment d’ « appartenance ». Je ne suis pas spécialement satisfaite du paysage politique actuel. Je voulais continuer d’appartenir à l’Europe. Perdre cette partie de mon identité est particulièrement déchirant. J’ai passé beaucoup de temps en Italie pour les vacances et y ai vécu. Mes enfants eux-mêmes se considèrent comme à moitié Italiens, et ils perdent le droit à cet héritage. C’est un moment difficile pour toute personne concernée. Je suis actuellement en train d’écrire un roman thriller indépendant dont l’action se situe à l’ouest de Londres . C’est un complet changement par rapport aux livres avec Macy et j’apprécie le challenge.

Quels seraient les cinq livres que vous emporteriez sur une île déserte ?

Une anthologie de la littérature américaine ; une anthologie de poésie contemporaine ; un guide de survie ; De si jolis chevaux de Cormack McCarthy et Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson.

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Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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