Interview de Denis Fournaud : « J’ai le rire en tête depuis 1959 ! »

Denis Fournaud, alias « Sined Duanruof », a fait de la gélosophie sa spécialité. Et quand le rire (« gélos ») et la sagesse (« sophia ») se rencontrent, il devient possible de réfléchir sans trop se prendre au sérieux. C’est ce que l’auteur tente de retranscrire avec In Homo Veritas, publié le 31 mars 2023 aux éditions Des auteurs des livres. Nous l’avons rencontré, un jour de bac de philo.

Denis Fournaud a le rire en lui depuis bien longtemps. C’est peut-être de son professeur de philosophie, à l’accent chantant, qu’il le tient. Ou encore de ses années passées dans la bière. En 2017, ll crée « Homo rigolen », un blog au contenu décalé et à la phrase d’accroche qui fait sans doute esquisser un sourire en coin aux fans de Star Wars : « La force comique éclaire tout ». Un livre s’impose ensuite à lui, histoire de laisser quelque part les principes de la rirocratie. Ce sont cette fois les esprits cartésiens qu’il vient titiller avec une belle entrée en matière : « Je pense donc je ris, je ris, donc je suis ». Et pourquoi pas.

Denis Fournaud

Anaïs Delatour : Vous avez fait des études de droit et avez évolué dans l’univers de la boisson. Comment êtes-vous passé de la bière à l’écriture ?
Denis Fournaud : J’ai effectivement fait du droit mais j’ai surtout fait le Collège d’Europe donc j’étais destiné à travailler dans ce qu’on appelait à l’époque la CEE (Communauté Economique Européenne, ndlr). Quant à ma spécialité, c’était le droit de la concurrence et de la consommation. Voilà pour ce qui est des choses sérieuses.

Et la bière dans tout ça ?
L’univers des bières et boissons est arrivé dans ma vie en 1986. J’ai travaillé pour le groupe Hollandais Sogebra-Heineken et pour France Boissons. J’ai notamment développé des bières comme Desperados.

Déjà un peu moins sérieux… Et l’écriture alors ?
J’écris depuis 2010 mais cette idée du rire pour réfléchir me travaille depuis longtemps. Je peux dire que j’ai le rire en tête depuis 1959 ! J’avais un professeur de philosophie extraordinaire qui était très drôle. Il a sans doute contribué à ce que j’associe le rire à la philosophie, alors même que la philosophie est la science de la sagesse par excellence. D’ailleurs, je me souviens de mon premier devoir de philosophie qui était un sujet sur l’intelligence et le jugement. C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’intelligence ne servait à rien si le jugement était faux et que les jugements sont faux à chaque fois qu’on ne rit pas.

Pourquoi avoir décidé d’en faire un livre après toutes ces années ?
Je ne sais pas. En prenant de l’âge, je crois que je me suis dit que c’était dommage de ne pas en avoir fait quelque chose. Je ne prétends pas léguer des choses impérissables mais j’avais quand même envie d’expliquer mon idée.

Votre livre s’appelle In homo veritas, ce qui signifie la vérité chez l’homme. Considérez-vous le rire comme une sorte de vérité ?
Oui, la vérité de l’homme se trouve dans le rire de mon point de vue. Ce n’est pas pour rien que Rabelais disait que le rire est le propre de l’homme, lui-même inspiré par Aristote qui avait déclaré avant lui : « l’homme est le seul animal qui ait la faculté de rire ». Et ils ont raison. Je crois profondément que c’est parce qu’on rit qu’on arrive à faire en sorte que les choses soient possibles, parfois acceptables. De grands hommes sont des génies et ne se sont jamais pris au sérieux ou ont cessé de l’être. C’est le cas d’Erasme ou d’Einstein par exemple.

Denis Fournaud - In homo veritas - Homo rigolens

Je vous laisse compléter cette phrase : l’humour dans la vie, c’est…
Une vertu. Et pas une petite vertu.

Aujourd’hui, c’était le bac de philo alors j’ai une question spéciale pour vous. Vous dites qu’il faut rire en raisonnant. Pensez-vous que l’humour peut être déraisonnable ?
L’humour de dérision extrême peut être déraisonnable. Je pense qu’on peut rire de tout mais peut-être pas avec n’importe qui. L’acidité et la critique pour la critique peuvent être blessantes. Dès qu’on voit que quelqu’un vit mal une situation humoristique, je crois qu’il faut se retirer.

Des philosophes vous ont-ils inspiré pour écrire ce livre ? Des philosophes du rire ?
Ils ne sont pas si nombreux à avoir parlé du rire. Mais je peux citer Comte-Sponville qui a écrit sur l’humour ou encore d’Erasme qui parle du rire dans son Eloge de la folie. Je suis également très inspiré par Voltaire, qui est décidément un homme de lumière. Le seul truc qu’il n’a finalement pas compris est l’aspect totalement monstrueux de l’esclavage. Il faut croire que chaque homme vit avec son temps…

Il y a beaucoup de références philosophiques dans votre livre. Finalement, considérez-vous avoir fait un bouquin de philo ?
Non, parce que la gélosophie ne se prend pas au sérieux. La philosophie, probablement plus. Et en réalité, elle a peut-être un peu tort de chercher des vérités qu’elle ne trouvera jamais. Son véritable atout est plutôt de nous faire réfléchir et discuter.

Votre livre est aussi un peu hybride au sens où il emprunte à la poésie, à la photographie, ou encore il reprend les codes du blog. Est-ce un choix délibéré ?
Tout à fait ! Je ne sais même pas encore pourquoi je me suis embarqué là-dedans ! Par exemple, je n’avais pas l’intention de mettre des poèmes à l’intérieur du livre, bien que j’en ai toujours écrit. Ils ne servent d’ailleurs pas simplement à casser le rythme ou à détendre le lecteur, ils sont là parce qu’ils m’amusent. La poésie, c’est des jeux de mots. Et le pouvoir des mots est immense.

Après avoir écrit ce livre, vous êtes un expert du rire ?
Déjà, j’ai clairement bossé comme un con pour pouvoir écrire ce livre ! Et il est vrai que j’ai une bibliothèque entière consacrée à ce sujet.

C’est quoi la suite pour vous ?
J’ai 82 ans, que voulez-vous que soit la suite pour moi ? En tout cas, je suis à un âge où on ne programme plus rien. D’ailleurs, les gens qui vont lire ce bouquin vont sûrement se dire que c’était un one shot (rires) !

Par Anaïs Delatour

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