- Éditions JC Lattès en février 2016
- Éditions du Masque en juin 2017
- Éditions Livre de Poche le 17 janvier 2018
- Pages : 240
- ISBN : 9782253086109
- Prix : 6,60 €
PRÉSENTATION ÉDITEUR
Panique à Paris ! La peste est de retour ! Voltaire aussi !
Tandis qu’une maladie mystérieuse affole la capitale, le voilà coincé entre police, assassins, les médecins et son frère Armand, religieux intransigeant avec qui on le confond sans cesse. Déterminé à dissiper les brumes qui obscurcissent la raison et à éclairer l’intrigue de ses lumières, Voltaire prodigue aux populations effrayées les bienfaits de la philosophie en action. Hélas la police continue de penser que c’est encore la faute à Voltaire…
Nous voici à nouveau embarqués dans une réjouissante aventure policière du philosophe le plus pétulant de l’histoire de France. On se régale à le regarder faire preuve d’esprit et de férocité envers ses contemporains, en enquêteur égocentrique, persuadé de sa supériorité, jamais à court d’idées, mais toujours là pour faire surgir la vérité.
(Source : JC Lattès – Pages : 280 – ISBN : 9782709656160 – Prix : 18,00 €)
L’AVIS DE CATHIE L.
Docteur Voltaire et mister Hyde a été publié le 3 février 2016 par les éditions Jean-Claude Lattès, puis en 2017 par les éditions du Masque, un département des éditions Jean-Claude Lattès.
Le style est très agréable avec des phrases courtes, mêlant intimement style direct et style indirect, astuce qui présente l’avantage de casser le rythme, un vocabulaire souvent très imagé qui peut gêner ceux qui ne sont pas habitués à un tel langage : « Cela ne fut pas une réussite non plus, car la selle sur laquelle était assis le muletier se renversa, au grand soulagement du quadrupède, qui put s’enfuir commodément loin du péril, débarrassé de sa cargaison glapissante. ». (Page 48) ; cela demande un peu plus de concentration… Pour ma part, je trouve très agréable ce style enlevé, dont la verve me fait penser au style des contes satiriques du grand philosophe dont le roman adopte d’ailleurs la présentation en donnant un titre à chaque chapitre: chapitre 1: « Où l’on apprend que philosophie et maçonnerie sont le remède à tous les maux ».
Je trouve le passage suivant particulièrement savoureux : « La première vue qu’elle eut depuis l’allée la déconcerta. Le château n’était plus là où elle l’avait laissé. Ce qu’elle avait connu en plein était désormais en creux. En revanche, elle voyait des murs dont elle n’avait pas souvenir. Les éléments d’une charpente s’élevaient sur un chantier de pieux et de trous. Au milieu de ce désastre, un personnage en perruque longue et manches de dentelle passait d’un ouvrier à l’autre pour expliquer la bonne façon de couper, de maçonner, d’arrimer. » (Page 31)…Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Le roman est truffé d’humour, de clins d’œil et de références à l’époque et à l’œuvre de Voltaire, le tout empaqueté dans un magnifique emballage paré des mille couleurs de l’ironie et de la satire voltairiennes…
« Avez-vous vu que le prix de la saucisse de porc a encore monté? demanda l’abbé Linant. Voltaire se fût volontiers échoué sur une île déserte, il s’y serait donné la satisfaction de noyer le bon sauvage assis à côté de lui. » (Page 20)
« On dirait une prédiction de Nostradamus un jour où il aurait bu. Linant annonça qu’il prendrait bien le brouet du jour: des couilles aux chats. Ils échangèrent un regard stupéfait. -Eh bien, monsieur l’abbé? -Oh, pardon, ma langue a fourché, je voulais dire: des cailles aux choux. » (Page 180).
L’intrigue
Sanofo Sanofi, pharmacien italien, est retrouvé mort dans son officine percé d’un coup de poignard. Malgré la cause évidente de la mort, un doute terrible subsiste : le mort était atteint de la peste ; en tout cas c’est la conviction du médecin qui a examiné le corps encore chaud, malgré l’interdiction expresse du lieutenant général René Hérault de prononcer, de murmurer même le mot fatidique.
Pourtant, si le médecin a raison, cet assassinat n’a pas de sens: à quoi bon tuer un pestiféré moribond ? « Ce décès n’a pas de sens, dit Tamaillon. – Et nous connaissons quelqu’un de spécialisé dans les questions qui n’ont pas de sens, dit sombrement Hérault…La saison serait froide, pénible et urticante. En un mot, elle serait voltairienne. » (Page 17) =>Et voilà comment notre philosophe national entre en scène…
Mais bientôt, un chirurgien est également retrouvé chez lui avec des marques suspectes sur le corps, comme le pharmacien italien. L’ironie de la situation ne nous échappe pas et nous fait bien sourire : face à la nécessité absolue de ne rien laisser filtrer d’une éventuelle épidémie de peste,alors que le philosophe fut la proie de la censure et des autorités, un accord est conclu entre Hérault et Voltaire : « le Châtelet empêcherait l’assassin de renouveler ses attentats contre la pensée du siècle, cette dernière s’efforcerait d’identifier la cause de la prétendue épidémie. » (Page 93).
Les personnages
Personnages historiques et personnages fictifs se mêlent harmonieusement dans cette histoire, au fil de rencontres fortuites ou non, au point que, s’il n’y avait les jeux de mots en forme de clins d’œil caractérisant certains ( par exemple mister Hyde, Sir Jek’Hill), il serait difficile de faire la part des choses. Chacun semble à sa place dans ce joyeux carrousel. Cependant, peu de descriptions physiques ; chacun se caractérise plus par ses qualités ou défauts moraux, ses aptitudes, ses habitudes, ses petits travers.
Personnages historiques
- Voltaire : amant d’Emilie ; ne peut s’empêcher de réformer ce qui lui déplaît : « le régime de la France, la religion, les châteaux qu’on lui prêtait. » (Page 34)
- Emilie du Châtelet : habile à décoder les codes mathématiques.
- George-Louis Leclerc de Buffon : mathématicien et botaniste; brillant jeune homme. « Ses travaux sur les plantes avaient conduit Buffon à traduire des livres anglais. Cela lui avait valu la protection du jeune duc de Kingston et de son précepteur, membre de la Royal Society. » (Page 52).
- René Hérault : lieutenant général.
- Abbé Linant : fin gourmet, raisonne plus avec son estomac que son esprit.
- Pierre-Louis de Maupertuis : mathématicien, autre amant d’Emilie.
Personnages fictifs
- Sanofo Sanofi : pharmacien italien retrouvé mort.
- Inspecteur Tamaillon.
- Mister Hyde Esmond, sir Jek’Hill : un Anglais très raffiné, couvert de broderies de Leeds. Lord Kensington lui a confié la mission de ramener Voltaire, contre son gré si nécessaire, en Angleterre afin de le protéger.
- Goodycop : valet de chambre de mister Hyde.
- Baddycop : secrétaire de mister Hyde.
Les lieux
L’humour et la dérision qui font toute la personnalité de ce roman se retrouvent jusque dans les descriptions de lieux : « A Cirey, ce manoir délabré et plein de trous, isolé parmi les chênes et les hiboux, Voltaire avait pour seul réconfort l’abbé Linant, autre cause de désolation. » (Page 19).
Mais parfois l’auteur sacrifie à la nécessité de permettre au lecteur d’imaginer le plus précisément possible la configuration de lieux contemporains de Voltaire dont il serait illusoire de retrouver tels quels dans le Paris d’aujourd’hui, attestant une documentation sérieuse et soignée ; il en va ainsi de la Bibliothèque Royale :
« La Bibliothèque royale était installée rue de Richelieu, dans un ancien hôtel particulier édifié autour d’une vaste cour oblongue. Les livres étaient à la disposition du public tous les jours sauf le dimanche, dans six salles garnies de tables avec papier, encre, et tout ce dont on pouvait avoir besoin pour ses recherches. » (Page 174)
Et du Jardin des Plantes :
« Depuis qu’il en était le premier intendant, François du Fay avait donné beaucoup de lustre aux parterres du Jardin des Plantes. Des serres abritaient les essences tropicales rapportées de leurs voyages par les explorateurs, ou que les savants se faisaient envoyer depuis les comptoirs. Certains bâtiments servaient aux leçons, d’autres conservaient les herbariums. » (Page 183).
Mon avis
Je découvre la série « Voltaire mène l’enquête » avec ce petit bijou intitulé Docteur Voltaire et mister Hyde. Petit bijou pour les inconditionnels du grand philosophe comme moi ; toutefois, ce petit roman s’adresse aussi bien aux néophytes pour lesquels il constituera une bien agréable façon de découvrir l’univers de Voltaire.
Je me suis laissée prendre au ton plein d’humour et d’ironie du récit qui semble déployer ses méandres dans des confins à mille lieues d’une quelconque enquête policière; et pourtant, l’auteur ne la perd jamais de vue. J’ai particulièrement apprécié ce mélange d’érudition subtilement instillée, de scènes cocasses (comme celle de Voltaire dans la barque) ou légères, de passages moins drôles mais toujours empreints de cette distance littéraire qui fait que le lecteur s’émeut face aux déconvenues ou catastrophes qui accablent les personnages sans oublier qu’il évolue dans un univers romanesque pour le mois extrêmement divertissant.
Le petit + : les allusions littéraires, comme Voltaire lisant Robinson Crusoé, ou les origines de l’Encyclopédie dont je ne peux résister à vous donner un aperçu tant je trouve ce passage d’une saveur exquise : « Nous devrions écrire un ouvrage où nous mettrions tout le savoir humain, ça aiderait sûrement. Buffon imagina la taille de l’opuscule. -Ça ferait un très gros livre. Si gros que seul un géant pourrait l’ouvrir. -Oui, voilà, un livre pour les géants, pour les titans ou pour les cyclopes. -Nous pourrions l’appeler la Gigantopédie…la Titanopédie… -Ou la Cyclopédie, dit Voltaire, ça sonne bien aussi. » (Page 54).
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