Florie Darcieux : Le Millième Pin

Florie Darcieux : Le Millième Pin

Présentation Éditeur

L’an passé, Eddie a vu son quotidien d’adolescente totalement bouleversé.

Son père s’est trouvé impliqué dans un accident qui a coûté la vie à la mère de Martial, lycéen populaire et unique héritier d’une famille influente de leur village. Depuis ce drame, le père et sa fille ont été condamnés au silence.

Plutôt que d’attendre la comparution devant le tribunal, Eddie se lance dans une quête effrénée pour la justice, prête à tout pour prouver l’innocence de son père et retrouver sa vie d’avant.

Mais la vérité a plusieurs visages…

Origine Flag-FRANCE
Éditions Beta Publisher
Date 18 mars 2018
Pages 324
ISBN 9782490163120
Prix 17,00 €
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L'avis de Nicolas Bücher

Quand la rumeur devient territoire, et l’adolescence un combat pour la mémoire

Il y a dans Le Millième Pin quelque chose de rare : un roman qui capte le bruissement sourd de l’adolescence en marge, celui qui ne crie pas mais qui résiste. Avec ce texte publié aux éditions Beta Publisher, Florie Darcieux nous invite à traverser les Landes comme on traverse un souvenir : à pas feutrés, entre douleur rentrée, colère contenue et soif de justice.

Édith, l’héroïne du roman, a quinze ans et tout pour se faire oublier. Mais depuis l’accident qui a coûté la vie à Élise Devaux — figure appréciée du village — et mis son père sous le joug d’un soupçon silencieux, elle est devenue visible pour de mauvaises raisons. Stigmatisée, évitée, raillée dans les couloirs du lycée, elle entre en guerre, sans slogan ni drapeau, simplement en refusant d’accepter l’oubli comme verdict.

Dans une écriture aussi sobre que précise, Florie Darcieux construit un récit où chaque silence pèse plus lourd qu’un cri. Ce n’est pas un roman sur le drame — c’est un roman sur l’après, sur les conséquences sociales d’un fait divers, sur le glissement invisible entre présomption et condamnation morale. Le regard de l’autrice ne juge pas : il observe, analyse, écoute ses personnages dans leurs contradictions. C’est ce qui rend Édith si forte : elle n’est jamais héroïsée. Elle doute, se replie, avance à tâtons. Elle est profondément humaine, comme tous les personnages qui l’entourent.

À commencer par Bastien, ce nouvel élève venu de loin, à l’allure dégingandée, qui ne respecte aucun code et s’assoit à côté d’elle dans le bus comme s’il n’avait rien à perdre. Il est ce souffle venu de l’extérieur, celui qui permet à Édith de sortir de sa coquille, sans pour autant lui voler la lumière. Leur relation, sans jamais tomber dans les clichés du duo adolescent, est l’un des cœurs battants du roman.

Mais Le Millième Pin est aussi un roman profondément territorial. La forêt landaise, la scierie Devaux, les potagers en bordure de maisons anciennes, les routes bordées de pins… Tout cela n’est pas seulement un décor : c’est un labyrinthe mental, un espace clos où les choses circulent lentement, où les réputations prennent racine, où les silences sont une forme de parole. Le pouvoir de la famille Devaux n’est jamais nommé, mais il est partout. Et face à ce système figé, Édith tente d’ouvrir une brèche, de gratter l’écorce pour comprendre ce qui se cache derrière.
Le roman interroge aussi le rôle de la mémoire, et surtout de la mémoire féminine. Les femmes y parlent, y gardent, y colportent aussi. Tatie Milie, personnage haut en couleur, devient malgré elle la gardienne d’un monde ancien, à la fois protecteur et limitant. Madame Auru, elle, incarne la rancune, la solitude, les vérités qui dérangent. Ce sont elles, en creux, qui dessinent les contours du passé d’Élise Devaux, femme à la fois admirée, mélancolique, et peut-être beaucoup moins limpide qu’on ne le dit.

Le titre, Le Millième Pin, résonne comme une image de la patience, de la résistance et de la singularité noyée dans la masse. Édith est ce pin-là : le dernier, le trop, celui qui déplace la forêt tout entière simplement parce qu’il refuse de se taire.

Avec ce roman, Florie Darcieux confirme une écriture subtile, fine observatrice des dynamiques sociales et des émotions rentrées. Le Millième Pin est un roman sur le regard des autres, sur la justice qui tarde, sur la nécessité d’ouvrir les yeux — mais aussi un roman d’espoir, car il laisse entendre que la vérité, même étouffée, trouve toujours un chemin.

Nicolas Bücher
Nicolas Bücher
Journaliste et passionné de littérature

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