INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Stock en Mars 2013 Parution aux éditions Folio Policier le 15 Janvier 2015 Collection La Cosmopolite Noire Traduit par Marianne Million Le cadavre d’une jeune fille est découvert sur les bords de la rivière Baztán dans une étrange mise en scène. Très vite, les croyances basques surgissent : et si toute cette horreur était l’oeuvre du basajaun, un être mythologique ? L’inspectrice Amaia Salazar, femme de tête en charge de l’enquête, se voit contrainte de revenir sur les lieux de son enfance qu’elle a tenté de fuir toute sa vie durant. Jonglant entre les techniques d’investigation scientifique modernes et les croyances populaires, Amaia Salazar devra mettre la main sur ce gardien invisible qui perturbe la vie paisible des habitants d’Elizondo. (Source : Stock – Pages : 464 – ISBN : 9782234071940 – Prix : 22,50 €) |
L’AVIS DE LUCIE MERVAL
Ce livre était dans ma PAL (Pile à lire) depuis un moment. Sa sortie imminente en poche m’a incité à le ressortir. Et quelle excellente surprise ! Je vous présente ici mon premier coup de cœur de l’année 2015. « Le gardien invisible » est le premier opus de la « Trilogie du Baztan » et best-seller en Espagne.
L’intrigue de ce roman se situe en Navarre, région située au nord de l’Espagne, dans un village nommé Elizondo. Un petit village entouré de montagnes, bordé d’une forêt ancestrale et traversé par la rivière Baztan. Un cadre où la nature est un personnage à part entière, où les intempéries semblent chargées d’électricité, d’ombres…
Amaia Salazar, inspectrice à Pampelune est appelée à revenir dans ce village, où elle a passé son enfance, pour enquêter sur des meurtres d’adolescentes. A chaque fois, les corps sont retrouvés au bord de la rivière, en forêt, complètement dénudés, un gâteau posé sur le pubis épilé, selon un rituel bien précis. Je parle de rituel de façon appropriée car la magie y serait-elle pour quelque chose ? En effet, ce livre nous fait découvrir cette partie de l’Espagne où vivent encore les croyances, la mythologie basque. Au village, personne ne peut croire qu’un des habitants soit un tueur en série. Et si finalement, ces horreurs étaient commises par le basajaun, être mythologique qu’on pourrait comparer à Big Foot, au Yéti ? D’autant plus, que sur les cadavres sont retrouvés des poils d’animaux, des résidus étranges…
Amaia est donc chargée de l’enquête au grand dam de ses collègues masculins avec qui il est parfois difficile de s’imposer. Elle, qui toute sa vie, a tenté de fuir cet endroit oppressant en se construisant une vie en ville (Pampelune), allant même dans son métier, effectuer un stage au FBI, va devoir fouiller dans ses souvenirs, renouer avec d’anciennes connaissances pour mieux comprendre qui est ce monstre, d’où il vient…Elle pourra compter sur le soutien de son mari James, qui tient à l’accompagner. Leur amour est sincère, fort, mais une ombre plane au dessus d’eux : la difficulté qu’ils ont à avoir un enfant. James se veut de plus en plus pressant, Amaia de plus en plus fuyante… Au fil de la lecture, nous comprenons ses réticences liées à son passé familial…Certains passages sont très émouvants, notamment quand elle s’entretient avec la mère d’une des victimes : « Amaia compatissait à l’immense douleur de cette femme, qui rejoignait en partie la sienne : son ventre, une tombe pour les enfants non nés » (P.182)
Logée chez sa tante Engrasi qui l’a élevé, elle va redécouvrir les odeurs, les bruits de son enfance, sa tante qui pratique les arts divinatoires…Elle retrouvera aussi ses deux sœurs, aux tempéraments bien trempés (surtout une), des femmes de tête qui feront au mieux pour leur vie personnelle, professionnelle… Les rapports durant ces quelques jours seront parfois houleux avec sa sœur Flora, qui lui reprochera son manque d’implication dans l’entreprise familiale, sa fuite, son absence durant les derniers jours de leur mère défunte. L’enquête qui piétine mêlée à cette ambiance familiale tendue va raviver les cauchemars enfouis dans le subconscient d’Amaia, comme elle le dit à son mari (P. 206) : « Des fantômes James. Des fantômes du passé. Ta femme, qui ne croit pas en la magie, en la divination, les basajaunes et les génies, est tourmentée par des fantômes. J’ai passé des années à tenter de me cacher à Pampelune, j’ai une plaque et une arme et pendant longtemps, j’ai évité de mettre les pieds ici, parce que je savais que, si je revenais, ils me retrouveraient. C’est tout, tout ce mal, ce monstre qui tue les petites filles et les abandonne au bord de la rivière, des petites comme moi, James » Que s’est-il passé durant son enfance ? On avance la gorge serrée… Les flashbacks nous éclairent peu à peu, jusqu’à découvrir une vérité effroyable. Se pourrait-il qu’il y ait un rapport avec le meurtre de ces ados ? Ces ados qui ne seraient peut être pas si innocentes que ça… Certains n’hésitent pas à employer le mot belagile, sorcière en euskara…
Ce livre se démarque par son atmosphère chargée de fantastique : les descriptions sont saisissantes de réalisme, je pouvais presque entendre le bruit des feuilles, le clapotis de la rivière et entre deux arbres, apercevoir un ours ou peut être une créature qui s’en rapproche… Il y aussi cette sensation d’étouffement qu’on peut ressentir dans les petits villages (d’autant plus quand il est enclavé) où tout le monde se connait, s’épie et en même temps, où on tait les souvenirs honteux, où la morale et la famille comptent plus que tout… C’est aussi un roman policier avec une véritable enquête où sont employées toutes les techniques d’investigation modernes…
Tout au long de la lecture, je suis restée en apnée, étouffée par cette atmosphère chargée de mythologie, de non-dits, d’horreur… « Le gardien invisible » est un roman noir puissant, de Dolores Redondo, envoûtant, très bien écrit, qui résonne encore en moi… J’attends avec impatience la suite !
Et vous, oserez-vous pénétrer dans la forêt et ses mystères ?
Oui, j’ai osé, et j’ai également beaucoup aimé ce livre, dont j’avais rencontré l’auteure au QDP 2013. J’attends avec impatience la suite de sa trilogie. Très belle chronique, qui reflète tout à fait ce que l’on ressent à la lecture de ce livre. Une auteure à suivre, assurément.
Merci Vincent 😉 Comme toi, j’ai hâte de découvrir la suite… Normalement en Mars !!! 🙂
Ah ! « Le Gardien invisible », quel petit bijou ! Un thriller noir passionnant à l’ambiance envoûtante et maléfique, qui frise parfois le surnaturel, qui est à la fois un vrai polar, avec son enquête rigoureuse, ses rebondissements, ses personnages dotés d’une réelle épaisseur psychologique, sa double intrigue basée sur la relation traumatisante et glaçante entre l’inspectrice Amaia Salazar lorsqu’elle était toute jeune et sa propre mère, mais aussi un portrait saisissant de cette région du Pays basque espagnole traversée par la rivière Baztán, avec son immense forêt chargée de mythologie, ses villageois attachés à leur terre comme à leurs coutumes, le tout servi par une très belle plume. Le second volet de cette trilogie, « De chair et d’os », paraîtra ce 19 mars au Mercure Noir, nouvelle collection de polars littéraires étrangers abritée par les éditions Mercure de France (groupe Gallimard) qui reprend la même ligne éditoriale que feu La Cosmopolite Noire chez Stock puisqu’elle est dirigée par la même personne, Marie-Pierre Gracedieu, qui dirigeait depuis longtemps La Cosmopolite puis avait fondé sa « petite soeur » version romans noirs avant le décès du PDG de Stock, et qui a ensuite rejoint Gallimard comme éditrice en littérature étrangère et, depuis octobre dernier, directrice de la collection Mercure Noir. D’ailleurs, le roman publié dans cette collection en février, « La résurrection de Luther Grove » de l’Ecossais Barry Gornell (qui sera aux Quais du Polar à Lyon), est lui aussi très bon et remarquablement écrit !
Merci Christian d’avoir partagé ton ressenti et pour ces infos. Plus que quelques semaines avant la suite, j’ai hâte ! Belle soirée 🙂