Amanda CROSS : Mort à Harvard

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Amanda CROSS - Mort a Harvard
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Parution aux éditions 10/18 en juin 1997

Traduit par Rose-Marie Vassallo

Que fait Janet Mandelbaum, professeur de littérature à Harvard, ivre morte dans une baignoire ? Après avoir résolu L’affaire James Joyce, Kate Fansler mène son enquête sur le campus de l’université de Harvard.

Mort à Harvard est un livre ironique, délicieux, un puzzle psychologique qui a obtenu le plus grand prix américain de littérature policière, le Nero Wolfe Award.

(Source : 10/18 – Pages : 187 – ISBN : 9782264018892 – Prix : – €)

L’AVIS DE CATHIE L.

Mort à Harvard est un roman policier publié en 1981 aux USA et en 1992/1993 en France, écrit par Amanda Cross, allias Carolyn Heilbrun, universitaire américaine spécialiste de la littérature anglaise. Il est le sixième opus de la série Kate Fansler.

Comme tous les autres romans de la série, l’action se situe dans une université américaine qui pourrait être Columbia ou Harvard. Il est écrit à la troisième personne du point de vue de Kate, enquêtrice emblématique d’Amanda Cross. Il a obtenu le Nero Wolfe Award, le plus grand prix américain de littérature policière.

Parallèlement à l’intrigue policière, Mort à Harvard propose une délicieuse immersion dans l’Amérique de la fin des années 70, en particulier dans le monde sclérosé des grandes universités américaines.  Il constitue un énergique plaidoyer en faveur du statut des femmes dans le monde fermé de l’enseignement supérieur, monde que l’auteur connaît parfaitement bien, de leur place grandissante dans la société en général, illustrant le schéma traditionnel qui explose: « John, je sais que vous avez un a-priori contre les femmes qui font carrière. » ; Bien que les choses aient évolué depuis les années 70-80, ce thème reste malgré tout très actuel, si l’on considère les disparités persistantes dans le monde du travail.

Amanda Cross pratique l’ironie et l’humour un peu déjanté à merveille, donnant à son roman un style tout à la fois sérieux et léger, donnant par ci par là de petits coups de canifs bien placés :

 » Pour ce qui est de t’écouter, je t’écoute, mais tu me permettras de te rappeler que le semestre n’est pas terminé et que je suis censée enseigner le semestre prochain également. On a un petit contrat à honorer, même si d’aucuns – notamment les collègues – font comme s’ils n’étaient pas au courant. » ( Page 26).

« Lors de la même cérémonie, en 1969, un étudiant en droit avait prononcé un discours véhément, lequel déclarait en substance: les rues de notre pays sont en émoi. Dans nos universités, les étudiants appellent à l’émeute. Les communistes n’ont qu’un seul but, désorganiser la nation. La Russie nous menace de toute sa puissance. La république est en danger. Oui, en danger, de l’intérieur comme de l’extérieur. Il nous faut rétablir la loi, il nous faut rétablir l’ordre. Sans l’ordre et sans la loi, nous ne survivrons pas.  Une salve d’applaudissements avait ponctué ces mots et l’étudiant avait attendu le retour au calme pour enchaîner:  » ce discours a été prononcé en 1932 par Hitler ». ( Page 186).

Comment et pourquoi Janet Mandelbaum, professeur de littérature à Harvard, au demeurant une femme sérieuse qui garde son sang-froid en toutes circonstances, a-t-elle pu se retrouver ivre morte dans une baignoire ? Teresa, son amie, demande à Kate de l’aider à faire la lumière sur cette affaire embrouillée.

 » Elle dit qu’elle ne voit pas comment elle s’est retrouvée là. Personne ne la croit, bien sûr. Tout le monde est d’avis qu’elle a du se prendre une méchante cuite et tomber dans les vapes. Évidemment, pour elle, c’est une sale histoire. » (Page 17)

C’est alors que Sylvia, son amie,  propose à Kate de prendre un congé sans solde et de venir enseigner un semestre à Cambridge afin d’enquêter en interne sur les circonstances de l’incident, et permettre ainsi de laver Janet de tous soupçons. Kate accepte et découvre rapidement qu’il s’agit en fait d’un coup monté. C’est alors que Janet est retrouvée morte.

Sous couvert d’une intrigue policière qui, il faut bien l’avouer sert plutôt d’occasion à l’auteur de régler ses comptes, Mort à Harvard se situe dans un contexte social particulier : celui de l’émergence du féminisme dans un milieu très « machiste ».

 » Ce qu’il y a, voyez, c’est qu’ils ne tiennent compte que de leurs propres intérêts. De loin en loin, les intérêts coïncident avec ceux des femmes, mais c’est rare et purement fortuit. » (Page 16)

 » En venant ici, avoue, tu devais bien te douter que le fait d’être une femme ne serait pas un détail anodin. Harvard, on sait ce que c’est. Pour s’y voir attribuer un poste, être qualifié ne suffit pas, pas pour une femme, en tout cas. » (Page 44)… « Une féministe ici, une vraie, et titulaire d’une chaire, pourrait causer beaucoup de…bon, peut-être pas des dégâts, mais des vagues à coup sûr, beaucoup de vagues. Or, c’est justement ce que Harvard redoute le plus, les vagues (…) Ils sont prêts à tout pour les éviter. » (Page 65)

 » Que crois-tu que ces messieurs aiment à dire de bas-bleus comme nous, surtout celles qui vivent seules? Quand nous étions étudiantes, ils nous traitaient de viragos; à présent nous ne pouvons être que lesbiennes. » (Page 48).

Laissons le mot de la fin à un membre éminent de la gent masculine:

 » Moi, reprit Bill, sentencieux, on ne m’ôtera pas de l’idée que si elle avait eu une vie normale, une vraie vie de femme, tout ça ne serait pas arrivé. Je n’ai rien contre les femmes qui travaillent, notez bien, mais je dis qu’elles doivent faire passer d’abord leur foyer et leurs enfants «  (Page 143).

Ne croyez-vous pas que le propos d’Amanda Cross est encore terriblement d’actualité? Laquelle d’entre nous n’a pas entendu ce discours au moins une fois dans sa vie ??

Les personnages :

  • Kate Fansler : célibataire d’un certain âge, elle est professeur de littérature dans une université; elle résout occasionnellement des affaires de meurtres qui lui permettent d’utiliser son esprit de déduction, son humour et son tempérament un peu fantasque; elle discute souvent de politique avec Reed Amhearst, universitaire comme elle, qu’elle finira par épouser. C’est une femme cultivée qui a acquis son indépendance de haute lutte:  » Issue d’une famille fortunée, elle avait tiré parti des avantages de sa condition et trouvé le moyen d’en esquiver les inconvénients. Résolue à faire carrière – prétention farfelue dans son milieu – elle était parvenue à ses fins, réussissant même à obtenir une chaire de littérature dans une prestigieuse université new-yorkaise. » (Pages 8/9)… » Ses talents de détective, cela dit, il y avait déjà un certain temps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de les exercer. Elle s’interdisait de le regretter. On n’appelait pas les cadavres de ses voeux! Le monde avait son compte de violence. Mais alors, qu’espérait-elle donc? Reed, lui, au moins, agissait. Elle, elle passait le plus clair de son temps assise à des tables rondes. »
  • Reed Amhearst : amant de Kate, policier, assistant du district attorney, qui, à l’occasion, l’aide à résoudre des affaires de meurtres.
  • Janet Mandelbaum : universitaire, personne  » très belle, intelligente, mais froide et rébarbative ( rasoir). Elle n’était pas spécialement chaleureuse, se souvint Kate. » … » Son essai sur les poètes du XVIIIème siècle avait été un ouvrage marquant, le premier sans doute depuis T.S. Eliot, alors que justement, dans les années 50, la poésie du XVIIème siècle était le domaine en vogue. Le renom que cette publication avait valu à Janet s’était révélé durable. Cinq ou six ouvrages plus tard, nettement moins brillants mais solides et dignes d’estime, elle se retrouvait donc à Harvard. »
  • Sylvia, amie de Kate, comme elle issue d’un milieu aisé, qui a fait un mariage de raison,et s’autorise parfois des aventures sans conséquence.
  • Leighton, nièce de Kate: jeune femme très vive, indépendante, bien décidée à prendre sa vie en main.
  • Moon : ancien copain de fac et ex-mari de Kate.

Les lieux :

L’essentiel du roman se déroulant dans une université qui figure Harvard, Amanda Cross en donne une description très réaliste, posant le décor dans lequel les personnages vont évoluer, comme celui d’une pièce de théâtre, notamment la partie où se déroulent l’incident et le meurtre de Janet :

 » La bâtisse ne comprenait guère que cinq ou six pièces en service: le bureau du président du département, l’office de placement, deux ou trois salles de réunion. Malgré tout, malgré le charme désuet et malgré l’acajou, c’était le quartier général du département d’anglais d’Harvard et l’endroit, même désuet, exsudait le pouvoir (…) inébranlable, patriarcal. C’était l’un des charmes d’Harvard: des librairies à profusion, des cavernes d’Ali Baba où fureter à loisir et faire de surprenantes découvertes. » (Page 34)…

 » Kate se retrouva dans une mansarde, démunie du moindre placard et munie d’une seule prise de courant sur laquelle brancher à la fois une lampe, la radio et l’engin sans nom qui faisait juste assez tiédir l’eau pour y dissoudre l’infâme poudre baptisée café. Kate contempla ce galetas et résolut que le hasard ne pouvait suffire à faire d’une pièce un tel monument d’inconfort. » ( Page 32).

En conclusion :

Mort à Harvard est un roman policier atypique, dans le sens où l’intrigue n’est somme toute qu’accessoire, mais plein de charme, qui se lit d’une traite grâce au style fluide et léger de l’auteur. Malgré qu’il soit relativement court, les personnages sont bien campés, leur psychologie et leur personnalité suffisamment approfondies pour donner à l’intrigue une réelle épaisseur. Son aspect « critique sociale » est un réel atout, donnant l’occasion au lecteur de s’interroger sur l’évolution de la société moderne depuis les années 70, au moment de la libération des mœurs: les progrès accomplis sont-ils réels ou seulement de la poudre aux yeux.Car un roman policier peut aussi proposer une réelle réflexion sur le monde dans lequel nous vivons…

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Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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