Présentation Éditeur
Qui aurait pu imaginer une chose pareille ? Le domaine centenaire d’Archbishop’s Park, en plein cœur de Londres, défoncé au bulldozer pour y bâtir de toute urgence un hôpital. Alors qu’une épidémie sans merci a séparé la capitale britannique du reste du monde, alors que le Premier ministre lui-même vient de mourir, un ouvrier découvre sur le chantier ce qu’il reste du corps d’un enfant. Des ossements qui ne datent pas du temps des archevêques. MacNeil, l’homme qui a décidé de quitter la police, qui vit ses dernières heures dans la peau d’un flic, est envoyé sur les lieux. C’est lui, le policier désabusé, qui va devoir remonter la piste d’une machination abominable, dans une ville en butte aux pillages où les soldats en patrouille font la loi. Et alors qu’il apprend que son fils unique, Sean, est contaminé à son tour, n’ayant qu’une chance infime d’en réchapper.
Lorsqu’il a écrit ce roman en 2005, Peter May était loin de penser qu’un jour la réalité se rapprocherait autant de la fiction. Publié quinze ans plus tard en Grande-Bretagne, en plein confinement, «Quarantaine» a fait l’événement. C’est aussi, tout simplement, un roman policier qu’on ne peut pas lâcher.
Origine | |
Éditions | Rouergue |
Date | 10 mars 2021 |
Traduction | Ariane Bataille |
Pages | 320 |
ISBN | 9782812621574 |
Prix | 22,00 € |
L'avis de Stéphane FURLAN
Au-delà de son sujet d’une actualité brûlante, je me suis surtout intéressé à ce livre par le biais de son auteur, Peter May, dont j’ai beaucoup apprécié la trilogie écossaise et notamment « L’île des chasseurs d’oiseaux », une petite pépite qui parvient à rassembler toutes les qualités que je recherche dans un roman policier : la découverte d’une culture et d’une région (l’île de Lewis), des personnages attachants et bénéficiant d’une réelle profondeur (le récit alternant les passages de la jeunesse du policier avec l’enquête au présent), et une histoire crédible offrant la dose de tension indispensable au junky que je suis, le tout narré dans cette écriture limpide capable d’emporter mon imagination dans la fureur d’une tempête ou au calme d’un de ses lochs mêlant le gris des rocailles avec le bleu turquoise de la mer. C’est donc avec curiosité que j’ai entamé ces pages nous plongeant dans un cadre radicalement opposé, la ville de Londres confronté à une pandémie encore plus agressive que nous la connaissons. L’auteur a écrit cette fiction en 2005 après la première épidémie de SRAS, déjà sensibilisé par cette question l’enjeu qu’elle allait certainement représenter pour l’humanité dans les années à venir. Il s’agit donc d’un récit policier mâtiné d’anticipation, un genre que j’affectionne particulièrement et que j’ai tenté modestement de servir dans mes propres romans « Implantés » et « Couru d’avance ». Ainsi, toutes les conditions étaient réunies pour que ce livre atterrisse rapidement entre mes mains, et ceci malgré mon désir de plus en plus prononcé de recourir à la littérature pour m’extraire d’un quotidien bien sombre…
D’accord, très bien, mais quel est mon verdict ? Plutôt positif dans l’ensemble, à une ou deux nuances près.
Tout d’abord, je me dois de saluer l’inspiration de Peter May et la crédibilité du tableau peint d’une ville désertée par la pandémie. Avec quinze ans d’avance, il a vu juste, sachant anticiper ce que nous connaissons aujourd’hui comme le « Grand confinement » et la stupeur qui nous a tous saisis quand, privés de la moindre défense efficace, nous avons dû nous cloîtrer à la hâte dans nos logis pour enrayer la courbe exponentielle des hospitalisations et des morts. Une différence néanmoins : dans ce récit, le taux de létalité flirtant avec les quatre-vingts pour cent, la peur des populations n’en est qu’exacerbée et l’auteur peut ainsi libérer son imagination pour pronostiquer le déchaînement de comportements encore plus radicaux. Je vous laisse les découvrir. Je les trouve plutôt crédibles au regard de ce que nous avons vécu et il est évident que Peter May a pris soin à l’époque de se documenter sur les virus. Grâce à cette narration, on peut ainsi se souvenir qu’au début du millénaire de nombreuses voix s’étaient déjà exprimées pour nous avertir de la survenance très probable d’une pandémie et que nos pays occidentaux avaient commencé à s’y préparer (ce qui explique, entre autres, le déblocage de fonds conséquents pour favoriser des études scientifiques, la constitution de stocks stratégiques de masques et la commande importante de vaccin par la France en 2009, lors de l’irruption de la grippe A – H1N1). La lecture de « Quarantaine » agissant comme une piqûre de rappel bienvenu, elle nous permet de nous interroger avec plus de force sur les causes de l’aveuglement occidental et l’incurie évidente de nos États quand le Covid nous a submergé. Alors, que s’est-il passé entre temps ? Bon, comme ce livre ne répond par à cette question, je laisse à d’autres le soin de faire toute la lumière sur cette affaire… En espérant malgré tout que la justice s’en mêle au regard du nombre considérable de victimes qui aurait pu être évité (ce qui me permet ici de reboucler avec le roman).
Voilà pour le cadre. Qu’en est-il de l’histoire ? Au début du récit, tout commence par la découverte d’un sac contenant les ossements d’un enfant dans un chantier visant à construire des préfabriqués pour augmenter la superficie d’un hôpital (ici aussi, des images d’actualités très récentes viennent confirmer cette prédiction). Cette trouvaille macabre menaçant l’achèvement rapide d’un projet vital pour la population, Jack MacNeil, policier d’origine écossaise (on ne se refait pas…) est chargé de résoudre l’affaire dans les plus brefs délais. Séparé depuis peu de sa femme et l’épidémie ayant agi sur lui comme un juge de paix traçant une frontière claire entre l’essentiel et le dérisoire, ce dernier a décidé de démissionner pour pouvoir passer un peu plus de temps avec son fils. Ce choix va accentuer le sentiment d’urgence avec lequel il entreprend son ultime mission dont les rebondissements offriront à l’auteur autant d’occasions de nous décrire ce monde au bord du précipice.
L’enquête nous permettra de rencontrer des personnages secondaires qui ont également réussi à capter mon attention. Je pense à Tom Bennet, le médecin légiste homosexuel, et surtout à Amy, sa jeune collègue paraplégique que MacNeil fréquente en secret. Leur relation m’a touché. J’ai été moins convaincu par les méchants de l’histoire dont je tairai ici les noms, un peu trop caricaturaux à mon sens et dont les motivations ne me paraissent pas vraiment crédibles. Malgré tout, j’ai été happé par la lecture de « Quarantaine » et sa tension narrative m’a conduit à enchaîner ses pages à un rythme très soutenu jusqu’à son dénouement. J’ai aussi beaucoup aimé retrouver le style maîtrisé et délicat de Peter May dans ce livre écrit depuis quinze ans, même s’il a dû certainement retoucher le manuscrit pour l’occasion. En conclusion, ses qualités l’emportent largement sur ses faiblesses et je me permets donc de vous le recommander. Je déplore néanmoins que les éditeurs aient écarté cette œuvre à l’époque, la jugeant trop invraisemblable, car sans ça elle aurait pu participer à l’éveil des consciences sur ce sujet essentiel, nous le savons maintenant, alors qu’aujourd’hui sa parution peut apparaître comme une simple aubaine commerciale, ce qui serait très injuste pour Peter May (mais sans doute que pour lui…). Cela dit, je me réjouis de son succès actuel qui compense peut-être un peu la malédiction dont il a été victime, la même qui touchait déjà Cassandre en anticipant la ruine de Troie.
En savoir plus sur Zonelivre
Subscribe to get the latest posts sent to your email.