- Éditions Robert Laffont en octobre 1996
- Éditions 10-18 le 3 novembre 1999
- Éditions Archipoche le 3 janvier 2018
- Traduit par Bernard TURLE
- Pages : 400
- ISBN : 9782377350957
- Prix : 7,80 €
INFOS ÉDITEUR
1881. Non loin de Londres, une femme est exécutée par pendaison à la prison de Camberwell.
Un an plus tôt, quelques années avant que Jack l’Éventreur sévisse à Whitechapel, on retrouve dans le quartier voisin de Limehouse les corps de deux prostituées, sauvagement assassinées.
Très vite, la rumeur se répand qu’un « Golem », figure monstrueuse de la tradition hébraïque, erre dans les rues de la ville en quête de nouvelles victimes.
Néanmoins, ceci n’empêche pas une troupe de théâtre locale de continuer à se produire dans les cabarets populaires. Parmi les comédiens, Elizabeth Cree et Dan Leno, adepte du travestissement.
Lors d’un spectacle, John Cree, bourgeois érudit et écrivain insatisfait, fait la connaissance d’Elizabeth. Tombé sous son charme, il finit par l’épouser. Mais quelques temps plus tard, on découvre le corps sans vie, empoisonné, de John…
L’AVIS DE CATHIE L.
Golem, le tueur de Londres, Dan Leno and the Limehouse Golem en version originale publiée en 1994, a été publié en 1996 par les éditions Robert Laffont, puis en 2018 par les éditions Archipoche. Le fil rouge de ce roman est l’ouvrage de Thomas de Quincey, romancier et journaliste britannique né à Manchester en 1785 et mort à Edimbourg en 1859, De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts publié en 1827. Dans cet ouvrage, l’auteur met en scène une sorte de société d’érudits se réunissant régulièrement afin d’évaluer des crimes célèbres uniquement sous leur aspect esthétique, dans le but de déterminer si, oui ou non, ils constituent des chefs d’oeuvre. Dans son roman Cartes sur table, Agatha Christie imagine un scénario original : Shaitana réunit chez lui pour une soirée huit personnes: quatre détectives et quatre assassins présumés, considérant le crime comme une oeuvre d’art.
Golem, le tueur de Londres, roman érudit très complexe, aborde des thèmes aussi variés que la fatalité, la misère, le progrès scientifique et le progrès social, à travers des œuvres de l’époque, notamment le roman semi-autobiographique de George Gissing Les travailleurs de l’aube, dans lequel il dénonce la misère du petit peuple et l’incapacité des gouvernants à l’enrayer, deuxième fil rouge du roman. Toute l’intelligence de Peter Ackroyd réside dans sa capacité à utiliser des fragments de la biographie de George Gissing et les répercussions de ses écrits afin d’en faire le fond d’une partie du roman.
L’intrigue
Septembre 1880. En l’espace de quelques semaines, les cadavres de trois prostituées puis de toute une famille sont retrouvés dans le quartier près de Limehouse, dans l’East End londonien. Très vite, la rumeur attribue ces crimes sauvages à un Golem, figure mythique de la tradition hébraïque faite d’argile et de forme humanoïde, semant la panique. Ce qui n’empêche nullement les music-hall de continuer de jouer, notamment celle de Dan Leno, adepte du travestissement, et de la jeune Elizabeth qu’il a prise sous son aile.
Au cours de l’une de leurs représentations, John Cree, écrivain raté, tombe sous le charme de la jeune actrice et l’épouse. Elizabeth comment alors une nouvelle vie bourgeoise et se transforme en maîtresse de maison chevronnée. Mais un jour John est retrouvé sans vie à son domicile. Son journal intime révèle qu’il serait le fameux Golem. Pourtant, il n’est pas le seul à avoir dissimulé de terribles secrets. Elizabeth ne semble pas aussi innocente qu’elle veut bien le dire…
Les personnages
- Elizabeth Cree : actrice de music-hall ; issue d’un milieu très modeste ; épouse de John Cree ; fille unique d’une ouvrière cousant des voiles de navires.
- Mère d’Elisabeth : mère célibataire d’Elisabeth ; devenue très pieuse afin d’expier son péché ; dure avec sa fille.
- Dan Leno : de son vrai nom George Galvin ; humoriste et acteur ; enfant d’un duo d’acteurs de music-hall et de théâtres variétés ; un temps soupçonné d’être le Golem.
- John Cree : mari d’Elisabeth ; taille moyenne, cheveux bruns, visage rond et lisse, yeux bleus d’une extraordinaire clarté, regard perçant; fréquente assidûment la salle de lecture du British Museum ; fasciné par la pauvreté alors qu’il est fils d’un bonnetier prospère.
- Solomon Weil : vieil homme ami de Karl Marx ; féru d’ésotérisme et de textes kabbalistiques.
- Austin : tenancier de la pension pour artiste située 10, New-Cut ; voix haut perchée et chevrotante, visage rubicond, mains tremblantes; de constitution frêle.
• Doris : artiste de music-hall surnommée « Etoile des Funambules » ; amie d’Elisabeth dont elle partage la chambre dans la pension pour artistes ; grande, longs cheveux de jais. - Chef inspecteur Kildare.
- Détective Paul Bryden.
Personnages historiques
- George Gissing : romancier et essayiste ; avait été un brillant étudiant promis à un bel avenir compromis par sa liaison puis son mariage avec une prostituée alcoolique ; idéaliste romantique et passionné de littérature.
- Karl Marx : ami de Solomon Weil ; front noble, tempérament emporté ; très âgé au moment de l’intrigue.
Légende du Golem : je ne saurais terminer ce tour d’horizon sans évoquer le Golem tel qu’il apparaît dans les légendes juives, car il participe activement à créer cette atmosphère si particulière qui caractérise le roman de Peter Ackroyd : « Nos ancêtres voyaient dans le Golem un homoncule, un être de matière, créé par magie, une poignée d’argile dotée de vie dans le laboratoire d’un sorcier. C’est une chose épouvantable qui, selon nos légendes immémoriales, se maintiendrait en vie en ingérant l’esprit ou l’âme des vivants. » (Page 82)… A faire frémir même les plus courageux d’entre vous !!
Les lieux
La Londres victorienne constituant le décor principal de ce roman, Peter Ackroyd, qui, je le rappelle, a une excellent connaissance de la capitale londonienne, en ayant écrit une biographie très complète parue en 2000, en propose ici plusieurs facettes: le quartier juif, l’East End miséreux, le Londres des « caf’conc », autant de lieux dont il est indispensable de bien se figurer la topographie afin de saisir toutes les subtilités de l’intrigue…
« C’était le même amas crasseux, foisonnant, entêtant, d’échoppes, de venelles, de tènements et de tavernes que ç’avait toujours été. » (Page 235)
East End : « Il lui emboîta le pas aussitôt mais, quand il arriva à la hauteur de la venelle, elle avait disparu dans un enchevêtrement de masures comme empilées les unes sur les autres. » (Page 148)
Limehouse Reach : « C’était un ancien passage qui reliait une ruelle bordée de masures à un escalier en pierre qui descendait à la Tamise. Pendant des siècles, les colporteurs l’avaient emprunté comme voie d’accès, pratique quoique encombrée, aux cargaisons des navires de moindre tonnage qui déchargeaient là… » (Page 12).
Peut-on dès lors affirmer que les lieux dans lesquels évoluent les personnages font partie intégrante de leur vie, de leurs agissements, de leurs rêves et de leurs désespoirs ? Tant il est vrai que la Londres victorienne jouissait d’une mauvaise réputation non usurpée…
L’ambiance : le climat londonien, si célèbre pour son inconfort, participe grandement à la mise en scène de Golem, le tueur de Londres. A histoire glauque, atmosphère glauque et sombre et froide… « Le début de l’automne 1880 (…) fut exceptionnellement froid et pluvieux. Les fameuses purées de pois de l’époque, si pertinemment immortalisées par Robert Louis Stevenson et par Arthur Conan Doyle, étaient aussi obscures que leur réputation littéraire le suggère; mais c’est l’odeur et le goût du fog qui affectaient le plus les Londoniens. » (Page 52) Avouez que ça pose le décor…
Mon avis
La construction du roman: dès les premières pages, on assiste à l’exécution d’Elizabeth Cree, six mois après le premier meurtre. Tout l’intérêt du roman consiste à comprendre les circonstances des meurtres et pour quelles raison cette femme a été pendue. Un suspense haletant qui conduit le lecteur dans les bas-fonds de la capitale anglaise, huit années avant les crimes de Jack l’éventreur, dans une intrigue à tiroir mêlant l’histoire d’Elisabeth Cree, ancienne actrice de music-hall, et certains aspects de la biographie de George Gissing.
Golem, le tueur de Londres est un roman remarquable pour ses qualités littéraires, pour son érudition à la portée de tous, pour son intérêt historique de la cité londonienne, mais également pour ses personnages très réalistes, son ambiance de « fin du monde », et pour la façon originale dont il met en scène cette légende dérangeante du Golem. Je n’ai pas vu le film réalisé par Juan Carlos Medina, mais gageons que le roman imprimera une forte impression et, qui sait, peut-être rêverez-vous d’un géant d’argile hantant les rues de votre cité la nuit tombée…
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