PRÉSENTATION ÉDITEUR
Juillet 1940. L’inspecteur Joseph Dumont de la 6e brigade mobile, durement éprouvé par la mort de sa femme enceinte fauchée par un automobiliste, en- quête sur l’assassinat du sénateur Étienne Ferrand, retrouvé le crâne défoncé dans une chambre de l’hôtel Carlton. Ce Grand Maître franc-maçon opposé au régime de Vichy détenait des documents gênants pour le pouvoir. La piste du complot politique est aussitôt privilégiée. De faux-semblants en rebondissements, la quête de la vérité s’avère difficile, périlleuse, voire dangereuse : tandis que Joseph Dumont a fort à faire entre ses investigations sur la mort de sa femme et sur celle du sénateur, son supérieur, le commissaire Champeix est assassiné et son ami et collègue de la police scientifique, Nestor Bondu, échappe à une tentative de meurtre. En ces temps troublés, sur fond d’espionnage industriel et de sociétés secrètes, Pierre Laval place ses hommes dans la police et à tous les niveaux de l’État. Dumont ne sait plus à qui faire confiance.
Origine | |
Éditions | De Borée |
Date | 17 mai 2018 |
Pages | 352 |
ISBN | 9782812923241 |
Prix | 19,90 € |
L’AVIS DE CATHIE L.
Pour une fois, laissons l’auteur se présenter :
« Professeur d’histoire-géographie, j’ai souvent regretté d’être limité à l’histoire « événementielle », où les individualités sont absentes. Ce sont ces histoires individuelles aux prises avec l’histoire officielle que j’ai voulu raconter. Ce roman est l’aboutissement d’une démarche personnelle et de longues recherches. La démarche, pour commencer : bien avant d’enseigner l’histoire, j’ai aimé en écrire. Des nouvelles « à la manière de… » René Barjavel, Edgar Poe. Lointaine période adolescente où je passais plus de temps au cinéma qu’à essayer de comprendre les cours d’algèbre. Puis vint le temps des études d’histoire, où, à travers le plaisir de la recherche je découvrais des histoires individuelles aux prises avec l’histoire officielle tel Pierre Tillonbois de Valeuil, garde-marteau des forêts du comté d’Évreux, chargé d’appliquer le code forestier de Colbert. Puis ce fut le temps de l’enseignement, où « la marche de l’histoire » laissait de côté les hommes et les femmes pour ne s’intéresser qu’aux événements. Des recherches ensuite. J’ai choisi l’été 1940 comme contexte de mon roman parce que ces mois de juin et juillet ont sans doute été ceux où les hommes de pouvoir ont dû faire des choix dramatiques alors qu’ils étaient dans l’incapacité de les faire. Leurs mémoires, leurs récits, croisés avec des documents d’archives et des analyses d’historiens ont apporté un cadre rigoureux dans lequel j’ai placé mes personnages, face au chaos. »
Mort d’un sénateur a été publié en 2018 par les éditions De Borée, que je remercie au passage. Le style, énergique et efficace, se déploie dans une langue populaire, directe. Mis à part le prologue qui explique pourquoi l’inspecteur Dumont en veut à la terre entière, on pénètre tout de suite dans l’histoire en retrouvant l’inspecteur sur la scène de crime. Cette immédiateté particulièrement appréciable dans un roman policier.
Adversaire affiché de Pierre Laval et du nouveau régime de Vichy, le sénateur Etienne Ferrand est retrouvé assassiné dans sa chambre d’hôtel, au moment où il s’apprêtait à l’affronter. Assassinat politique? Crime crapuleux ? Crime Passionnel ? Vengeance familiale ? Les pistes sont trop nombreuses au goût de l’inspecteur Dumont qui trouve dans la chambre un pied-de-biche qui n’est pas l’arme du crime. Que faisait-il là ?
Pourquoi le sénateur n’était-il pas à Vichy pour le vote qui allait mettre fin à la République ? Que faisait-il dans cette chambre d’hôtel à plus de cinquante kilomètres de Vichy ? Aucune piste, aucun indice à part des mégots de cigarette, personne n’a rien vu, ni entendu. Il n’y a pas eu d’effraction et rien ne semble avoir été volé. Alors ?? Que s’est-il passé dans cette chambre anonyme?
Une enquête difficile pour l’inspecteur Dumont qui a l’impression de marcher sur des oeufs : « La personnalité de Ferrand montrait un homme déterminé, qui avait pu se faire une palanquée d’ennemis potentiels. Tous n’étaient pas des assassins, et certains seraient vite éliminés de la liste des suspects. Mais la plupart des élus étaient retournés dans leur circonscription, et la zone nord était difficilement accessible.. » (Page 143) D’autant que la victime est catalogué par Laval lui-même comme un « adversaire sournois prêt à saper l’autorité de l’Etat ». Dumont se rend compte que le président se fiche pas mal de savoir par qui et pourquoi le sénateur a été assassiné: « l’essentiel étant de faire coïncider les résultats de l’enquête à la demande de l’Etat. »
Dans ces conditions, soit Dumont passe pour un traître aux yeux du nouveau gouvernement et risque d’être viré; soit il renonce aux principes de justice et d’équité auxquels il croit. Cruel dilemme… Un rapport avec les agissements de La Cagoule, bras armé de Vichy ?
Contexte historique
Juillet 1940. Suite à sa défaite rapide et peu glorieuse, la France est coupée en deux : la partie nord occupée par l’ennemi ; la partie sud menée par le gouvernement fantoche de Vichy, dirigé par un maréchal Pétain dépassé par les événements, auquel l’Assemblée vient de donner les pleins pouvoirs, nommant Pierre Laval vice-président du Conseil. De surcroît, le vieux maréchal assume le pouvoir législatif jusqu’à la formation de nouvelles assemblées. S’ajoute à cela les activités criminelles du Comité Secret d’Action Révolutionnaire, plus connu sous le nom de Cagoule, constituée, à part ses cadres, d’un « ramassis de repris de justice et de petites frappes. »
Dans ces circonstances, la police, en pleine épuration, ne peut exercer sa mission de protéger les Français et de chasser les criminels. Comme le dit le sénateur Vendroux, « Bientôt, vous ne serez plus là pour arrêter les méchants mais pour leur prêter main-forte, ou arrêter les ennemis de l’Etat comme les Juifs, les syndicalistes et les francs-maçons. » (Page 222). L’inspecteur Dumont, pris entre deux feux, ne dispose d’aucune latitude pour mener son enquête en toute impartialité.
Roman intelligemment construit selon les difficultés dues au statut de vaincu de la France et son occupation par les Allemands, avec le contexte politique tendu pouvant donner lieu à de nombreux développements pour l’enquête criminelle menée par Dumont. Chaque camp est décrit et illustré avec beaucoup de justesse, la réalité et la fiction se mêlant harmonieusement.
Le + : Pascal Chabaud en décrivant avec précision l’état d’esprit d’une grande partie des politiques de l’époque, montre combien le climat socio-politique tendu pouvait ouvrir la voie à tout débordement : « Pardonnez-moi, cher monsieur, mais vous ne pouvez qualifier d’envahisseurs ceux qui vont libérer le pays du complot judéo-maçonnique. Un redressement moral est nécessaire, et indispensable, si nous ne voulons pas tomber dans les griffes des socialo-communistes ! » (Pages 191-192).
Un premier roman à la documentation et l’écriture soignées, très abouti et très convainquant que je recommande chaleureusement.
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Nul besoin d’être clermontois d’origine ni fin spécialiste du régime de Vichy pour se laisser emporter par l’enquête de l’inspecteur Joseph Dumont… Mort d’un sénateur est un mariage subtile de la fiction avec l’Histoire qui nous permet d’entrer de plein pied dans une période malheureusement souvent passée sous silence ou résumée bien rapidement dans les programmes scolaires d’histoire.
Quel autre genre que le polar pourrait-il mieux rendre l’ambiance délétère qui règne dans les rues de Clermont en juillet 1940 ? Une galerie de personnages complexes dresse un portrait tout en nuances de la population française et de ses réactions diverses à l’annonce de l’installation du gouvernement à Vichy. Pas de manichéisme dans la description mais des demi-teintes qui rendent avec finesse l’état d’esprit d’une population désarçonnée par la nouvelle situation.
Bien-sûr beaucoup d’ombre vu l’époque et vu le genre littéraire mais aussi des traits de lumière grâce aux convictions pures des personnages principaux, ainsi qu’un parfum d’aventure apporté par l’histoire de l’industrie automobile…
Bref un savant dosage historico-littéraire ! Merci pour ce roman dévoré en quelques heures !!!
C. Padera
Très bon livre mêlant Histoire et polar, qui entraîne son lecteur dès les premières pages ! On sent que l’auteur est un passionné, et il sait transmettre son enthousiasme au fil du roman. Bref, plongez-vous sans hésiter dans cette période finalement très peu connue de l’Histoire, vous ne réaliserez même pas que vous apprenez des tas de choses, tant ce roman est prenant 🙂
Quand la petite histoire rejoint la Grande.
Mort d’un sénateur est le récit d’une enquête qui vous tient en haleine de la première à la dernière page. Ce premier roman, extrêmement documenté, est une belle réussite. On s’attache à ces différents personnages évoluant dans un décor clermontois/auvergnat, mais pas seulement puisque le principal protagoniste (Joseph Dumont) se rend aussi à la capitale.
L’intrigue prend place dans un contexte bien particulier : celui qui fait suite à « l’étrange défaite » chère à Marc Bloch. De nombreux aspects du débuts de ces « années noires » sont abordés : les derniers soubresauts d’une IIIème République agonisante ; la chasse aux frères maçons menée par le gouvernement de Vichy ; les profiteurs de la misère d’autrui et autres dénonciateurs… mais aussi les prémices de la mise en place de la Résistance. L’auteur réussit aussi habilement à se sortir de ce carcan des années 1940, afin de donner plus de profondeur et d’épaisseur à son propos.
Pascal Chabaud a-t-il écrit un roman historique et policier ou un roman policier et historique ? A vous de vous faire votre propre opinion en dévorant Mort d’un sénateur.
Ce roman tient en haleine du début à la fin. Les passionnés de l’histoire de France de 1940 y trouverons leur compte tout autant que ceux qui aiment les intrigues bien ficelées qui se construisent et se dévoilent avec finesse.
Le cadre historique de la France de 1940 est décrit avec une époustouflante précision jusque dans les moindres détails.
La qualité de la langue est excellente. J’ai aussi beaucoup apprécié tous ces personnages, adorables ou infects, dont la description donne l’impression de les avoir toujours connus. L’humour n’est pas absent et vient parfois à point nommé alléger l’atmosphère.
Ce bouquin m’a fait penser au seul prof de mon collège que j’ai jamais apprécié, monsieur Barret. Il enseignait l’histoire en contextualisant parfaitement et la rendait si captivante que certains élèves d’autres classes séchaient leurs propres cours pour assister au siens, en se tenant debout au fond de la salle.