Passionné par le roman noir des années 1930-1940 et le cinéma anglo-américain, Laurent Scalese est aujourd’hui un scénariste reconnu pour le cinéma et la télévision.
Pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?
Après l’obtention d’un bac B et d’un BTS Action Commerciale, je n’avais aucune idée précise de ce que serait ma vie professionnelle, je me cherchais, alors j’ai fait un break : un an de service militaire dans l’armée de l’air ; contre toute attente, ce fut une année formidable. À mon retour, je n’étais pas plus fixé sur mon avenir. Une chose était sûre dans ma tête, je ne voulais pas continuer mes études. Le hasard des rencontres a fait que j’ai eu l’occasion d’approcher un créateur de mode italien qui m’a offert un job dans son équipe avant de me confier les clés de l’une de ses boutiques franchisées. Fin des années 80, j’ai connu deux années de folie, les affaires marchaient très fort, je me voyais bien poursuivre dans cette voie. Et puis, en 1990, la première Guerre du Golfe éclate, et les affaires déclinent, le concept de ce créateur ne fait plus recette, les magasins ferment les uns après les autres. Je vais de job en job, en tant de vendeur dans des boutiques de prêt-à-porter. J’ai travaillé dans des chemiseries, des « jeanneries », même dans une friperie du quartier République où j’abordais les gens dans la rue ! Le soir, en rentrant chez moi, quand je n’étais pas lessivé, j’écrivais.
Comment vous est venue l’envie d’écrire ? A quelle période ?
Dès l’âge de neuf ans, je m’enfermais dans ma chambre et je rédigeais tant bien que mal des poèmes, des nouvelles, avec le rêve secret d’être publié un jour. Le livre qui m’a laissé un souvenir indélébile et transmis le virus de l’écriture, sans guérison possible, c’est « La planète des singes », de Pierre Boulle. Jusqu’au jour où j’ai remporté un concours de nouvelles policières, je devais approcher de la trentaine. En plus de gagner un voyage pour deux à New York, j’ai reçu une dizaine de cartons remplis de livres de poche, je ne savais plus où les mettre. La publication de mon premier roman a suivi. Je n’oublierai jamais le matin où le directeur littéraire de la maison d’édition m’a appelé, quelques jours seulement après l’envoi du manuscrit par courrier. Un moment de grâce.
Quel est votre « modus operandi » d’écriture ? (Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez-vous évoluer vos personnages ?)
Chaque auteur a son « modus operandi ». En ce qui me concerne, je pense à mon histoire le matin, à la meilleure façon d’amorcer le prochain virage. Je passe à la phase d’écriture proprement dite en début d’après-midi. Je travaille jusqu’à 20h-20h30. Il m’arrive de retourner dans mon bureau après le dîner et le film du soir – un rituel auquel je ne déroge jamais, ce moment me permet de décompresser et de revenir sur terre, parmi les miens – pour corriger ou modifier un passage, un chapitre, des dialogues. En perpétuel mouvement, l’écriture d’un roman devient vite prenante, pour ne pas dire obsédante.
Il y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
Je crois que tous les écrivains s’inspirent de la vie, de gens qu’ils ont rencontrés, qu’ils apprécient ou pas. Si on veut que le roman ait des saveurs, des odeurs et des couleurs, puiser des éléments dans la vraie vie est indispensable. Même si au final l’histoire qu’on raconte relève de la fiction. Dans chaque personnage, il y a un peu de moi, un peu des autres. Certains détails sont purement fictifs. C’est ce qui fait la magie de la création, quel que soit l’art dans lequel on a choisi de s’exprimer.
Le parcours a-t-il été long et difficile entre l’écriture de votre livre et sa parution ?
À partir du moment où j’ai pris l’écriture très au sérieux, comme une passion mais aussi comme un métier – car c’en est un, avec ses règles, ses contraintes –, il ne m’a pas fallu longtemps pour être publié. Un mélange de travail acharné et de chance. La deuxième tentative fut la bonne – la première fois, il s’agissait d’un roman de science-fiction qui a été refusé par toutes les maisons d’édition. Le Samouraï qui pleure a paru quelques mois plus tard.
Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs ?
Ce qui est fascinant, c’est que chaque lecteur a sa propre interprétation de l’histoire que vous racontez. Certains lecteurs me surprennent car ma vision est très différente de la leur. C’est ce qui fait la beauté de la création en général, de la littérature en particulier. Chacun s’approprie l’histoire et les personnages, les fait vivre dans sa tête, imagine la suite de leurs aventures, etc. Au final, l’histoire ne m’appartient plus, et c’est tant mieux. Elle a sa propre vie, je n’ai plus aucune prise sur elle. Elle fait réfléchir les gens, elle leur procure des émotions, parfois dérangeantes, elle les absorbe tellement qu’elle les maintient éveillés ou qu’ils ratent leur arrêt de métro ! La plus belle récompense pour un écrivain.
Avez-vous d’autres passions en dehors de l’écriture (musique, peinture, cinéma…). A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez-vous une autre facette cachée ?
Le cinéma, la télévision, la musique me passionnent. Même si, avec la crise que nous traversons actuellement, les impératifs financiers des boîtes de production, des maisons de disques et des diffuseurs prennent de plus en plus le pas sur la création, l’inventivité, l’originalité. Nous assistons à un formatage tous azimuts, à un nivellement par le bas. Si on poursuit dans cette voie, la télé-réalité, qui est le royaume de la vacuité intellectuelle et la mort annoncée de l’esprit, finira par sonner le glas de la fiction. Pour ma part, je ne regarde plus que les séries qui ne considèrent pas le téléspectateur comme un imbécile, ces séries que les chaînes généralistes se gardent bien de nous montrer car elles pourraient amener les gens à réfléchir et à s’habituer à cette qualité. À méditer. Parmi mes préférées : Mad Men, The Shield, Luther, Wire in the Blood, Game of Thrones, American Horror Story…
Quels sont vos projets ?
Cherif, une série télé policière que j’ai co-créée et co-écrite pour France 2 sera diffusée prochainement. Elle est d’ailleurs sélectionnée au festival Séries Mania qui se tiendra au Forum des Images, à Paris, du 22 au 28 avril. Je serai présent avec l’équipe le soir du 27 avril. Après la projection des deux premiers épisodes, je participerai à un débat. Une novella écrite à quatre mains avec mon confrère et ami Franck Thilliez sera publiée en juin aux éditions Pocket. Un genre bien différent de celui dans lequel nous sévissons habituellement. Les parutions en numérique de mes trois premiers romans devraient suivre. Je suis également script-doctor sur plusieurs séries télé, et sur un long-métrage en préparation. Et, après plusieurs interruptions dues à mes travaux audiovisuels, j’ai enfin repris l’écriture de mon prochain livre, qui sera probablement un diptyque vu le pavé. À suivre…
Quels sont vos coups de cœur littéraires ?
Mes ÉNORMES coups de cœur littéraires : La planète des singes de Boulle, Le désert des Tartares et Le K de Dino Buzzati, Je suis une légende, de Richard Matheson, Replay de Ken Grimwood – une uchronie étonnamment peu connue, un véritable chef-d’œuvre –, l’œuvre de Conan Doyle, la plupart des romans noirs de Raymond Chandler, Dashiell Hammett, William Irish, James Hadley Chase, Frédéric Dard, Georges Simenon, Boileau-Narcejac, Horace McCoy, James Cain… Sans oublier le grand maître, j’ai nommé Jim Thompson, qui dépeint la noirceur de l’âme humaine comme personne.
Quels sont vos derniers coups de cœur littéraire ? (Toute catégorie confondue)
Récemment, j’ai beaucoup aimé Sukkwan Island de David Vann, qui parle de la relation père-fils, et 22/11/63 de Stephen King qui, après plusieurs livres décevants, revient en grande forme et met les points sur les i.
Avez-vous un site internet ou un blog où vos lecteurs peuvent laisser des messages ?
Mon site Internet : www.laurent-scalese.com Les lecteurs peuvent m’écrire, bien sûr.
Les prochaines dédicaces et rencontres de prévues ?
Le soir du 28 juin, tous les membres de la Ligue de l’Imaginaire seront présents au cinéma mythique le Grand Rex pour remettre un prix littéraire et assister à une projection exceptionnelle. En octobre, je serai en Gironde pour le salon du livre de poche de Gradignan.
Merci à Laurent Scalese de nous avoir accordé cette interview.
Interview paru en octobre 2013
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