Rencontre avec Perrine SAVARY, responsable de la bibliothèque de Fleury-sur-Orne
Sophie PEUGNEZ : Bonjour Perrine. Comment pourriez-vous définir votre métier de bibliothécaire ?
Perrine SAVARY : Je crois que le métier de bibliothécaire c’est tout sauf l’image que la plupart des gens s’en font. Ce n’est ni silencieux, ni calme, ni monotone et ennuyeux, et non nous ne passons pas nos journées à lire loin de là !
J’ai toujours considéré que mon métier était de donner envie aux gens de lire, et que le cœur de mes missions ne réside pas dans l’objet livre mais dans l’humain et les échanges et émotions que la lecture procure.
Du coup bibliothécaire c’est fournir des livres bien sûr, mais trouver un équilibre entre les livres que les gens ont envie de lire et ceux qui méritent à nos yeux d’être lus.
C’est convaincre que la lecture est faite pour tout le monde, que personne n’est illégitime dans une bibliothèque, et qu’elle peut apporter beaucoup.
C’est animer et faire vivre des fonds documentaires, en proposant des rencontres d’auteurs, des lectures, des heures du conte. C’est aussi inventer des animations originales qui peuvent mêler livres et arts plastique, cinéma, numérique…
C’est aussi participer à la vie d’une commune, en construisant des projets avec des associations ou d’autres structures municipales. C’est être un lieu ressource pour les habitants, que ce soit pour leurs études, leurs projets professionnels et personnels ou leurs recherches d’emploi.
Et puis s’est bien sûr de façon très pragmatique acheter des livres (en librairie indépendante autant que possible !), couvrir des livres, ranger des livres, prêter des livres, ranger des livres, prêter des livres, etc. …
SP : Pouvez-nous présenter votre bibliothèque ?
PS : La bibliothèque de Fleury-sur-Orne était à l’origine associative. Elle a été municipalisée en 2012 et a rejoint le réseau lecture publique de Caen la mer en 2013, ce qui veut dire qu’un lecteur ayant une carte du réseau (Caen, Mondeville, Hérouville, …) peut emprunter chez nous et vice versa.
Nous avons un peu plus de 7 000 documents en rayons, dont certains de la bibliothèque départementale du calvados qui changent régulièrement. Notre catalogue est accessible en ligne sur le site des bibliothèques de Caen la mer.
Nous achetons des livres tous les deux mois environ et nous avons pour politique d’être très réactifs sur les nouveautés. Vous ne trouverez pas chez nous les grands classiques, mais nous sommes très compétitifs sur les sorties que vous trouverez probablement plus rapidement chez nous que dans une grosse structure ou la liste des réservations est longue.
Les locaux sont très petits (130m2) mais chaleureux et nous avons un Espace Public Numérique qui offre 8 ordinateurs en libre accès.
Nous sommes ouverts 18h par semaine, vacances comprises, du mardi au samedi.
En ce qui concerne l’équipe nous sommes aujourd’hui trois permanentes. Moi et Morgane qui sommes bibliothécaires et Julie qui est médiatrice numérique. Nous sommes heureusement soutenues par une équipe de bénévoles qui participent à l’équipement des livres, au rangement et à certaines animations. Ce sont aussi de grands lecteurs qui nous aident à conseiller !
Je pense qu’on peut dire que c’est une bibliothèque de proximité. Nous connaissons bien la plupart de nos lecteurs, et nous avons la chance de pouvoir prendre le temps de discuter avec eux afin de les conseiller au mieux, c’est vraiment très agréable.
SP : Avez-vous un fonds particulier ? (Normand, nordique, SF, policier, jeunesse….) ou que vous aimez mettre en avant.
PS : Nous n’avons pas de fonds spécifique en tant que tel, mais depuis la création du festival Bloody Fleury il paraît que les polars sont beaucoup plus présents !
Vous êtes également coordinatrice du Festival Bloody Fleury dont Zonelivre est partenaire média. Pouvez-vous raconter aux lecteurs comment ce festival est né ?
Notre maire Marc Lecerf souhaitait depuis longtemps créer un salon du livre sur notre commune. Etant donné que la région est déjà riche en manifestations littéraires, nous avons cherché à proposer quelque chose qui n’existait pas. C’est ainsi que nous avons constaté que le polar était assez peu exploité, alors que c’est un genre non seulement populaire, mais surtout extrêmement riche et varié ! Il s’adresse à tous les âges et à tous les types de lecteurs, et offre des passerelles avec le jeu de société, le cinéma, une foule de pistes à explorer !
SP : Quels sont les événements auxquels les visiteurs ont pu participer ? Quels ont été les temps forts pour vous ?
PS : Participer au festival les Boréales est toujours un moment extrêmement fort pour nous, grâce à eux nous avons pu accueillir des auteurs passionnants comme Olivier Truc ou Arni Thorarinsson par exemple.
La rencontre la plus marquante pour moi restera celle avec Insa Sane. C’était ma première à Fleury-sur-Orne dans le cadre des Afrikales en 2010. Il nous a lu un extrait de son roman, ça parlait d’une vague et j’entends encore sa voix, je sens encore mes poils se dresser sur mon bras et l’émotion me submerger. Un très très grand moment !
Et puis bien sûr le festival Bloody Fleury qui est particulier pour moi !
SP : Avez-vous déjà des idées ou des envies pour l’année 2018 ?
PS : Enormément ! Nous avons déjà programmé des lectures musicales pour les petits sur les rêves, une heure du conte en Langue des Signes Françaises.
Pouvons-nous présenter une journée type ?
PS : L’avantage de mon travail c’est qu’aucune de mes journées ne se ressemble ou presque. Je peux aussi bien être à l’accueil du public et au rangement qu’en réunion avec d’autres structures pour construire des projets, être en train de surfer sur les blogs littéraires pour repérer les prochaines acquisitions, remplacer ma collègue sur des accueils de classe, écrire un bilan, gérer des factures ou répondre à un journaliste !
Vous occupez-vous également d’acquisition ? Dans quel domaine ? Quels outils utilisez-vous et quels sont vos prescripteurs ? (magazine, Electre, sites qui sont des références pour vous, les conseils de votre libraire)
Morgane s’occupe plutôt de la jeunesse et moi de l’adulte, mais nous collaborons l’une et l’autre sur les acquisitions. Nous suivons un certain nombre de blogs (Zonelivre bien sûr, Unwalkers, la mare aux mots,…), nous regardons aussi la presse, spécialisée ou non (Lire, les inrockuptibles, Carrefour mag, …). Je suis aussi certaines chaînes youtube comme celle de Gérard Collard par exemple. Mais incontestablement notre repère numéro un ce sont nos libraires, que ce soit en littérature générale, en polar (surtout avec Sophie et Pierre) ou en BD avec Grégoire.
Nous fonctionnons beaucoup par collections, nous savons celles qui plaisent à nos lecteurs et qu’il suffit de compléter. Et puis nous suivons aussi les suggestions d’achats qui sont de plus en plus fréquentes !
SP : Quel a été votre parcours ?
PS : Après un bac L et une classe préparatoire j’ai fait un DUT Métiers du Livre et du Patrimoine. Je savais que je voulais travailler dans la littérature, même si je savais aussi que les débouchés étaient minces (comme se plaisait à le répéter mon cher papa !). Cependant je ne voyais vraiment pas quoi faire d’autre, je voulais absolument faire un métier que j’aimerai, et l’édition m’attirait énormément. A cette époque j’ai été bénévole pour une association au Havre qui organisait un salon du livre jeunesse, et ce fût la révélation. J’ai fait mon stage de deuxième année au salon du livre de Caen, qui a confirmé que l’évènementiel culturel me convenait à merveille. J’ai donc enchaîné avec une licence de communication, qui pour moi était indispensable pour ce type de poste. Une fois diplômée j’ai travaillé comme vacataire à la bibliothèque du Havre, puis à Caen. J’ai aussi eu un bébé ce qui remettait un peu en question la possibilité de travailler sur Paris dans l’édition ou sur des salons. J’ai donc pris mon poste à Fleury-sur-Orne en me disant que c’était toujours ça d’être bibliothécaire, même si j’avoue que c’était le métier qui m’attirait le moins de toute la filière !
Finalement j’ai été agréablement surprise de découvrir que le cœur du métier n’était pas le catalogage comme mes études me l’avaient laissé croire, et depuis maintenant 8 ans j’y prends beaucoup de plaisir. Quand le festival est arrivé, c’était un peu comme un rêve éveillé. Ça a réaffirmé ma volonté de vouloir évoluer dans l’évènementiel et en relation avec les éditeurs. Aujourd’hui j’aurai bien envie de devenir attachée de presse par exemple.
SP : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui aimerait exercer votre profession ? Quels sont les points positifs et négatifs de votre métier ?
PS : Conseil numéro 1 et absolu : Aimer lire ne suffit pas, il faut aimer les gens, être communicatif et inventif avant tout.
Il faut aussi avoir conscience que lire ne fait pas partie du poste en soi, ce qui empiète fortement sur la vie privée. Bien sûr c’est un plaisir, mais cela implique aussi de se forcer à lire sur du temps personnel des choses que l’on n’affectionne pas particulièrement et dans tous les styles. Je trouve que ça a néanmoins l’avantage de nous obliger à sortir de notre zone de confort et cela amène souvent de belles découvertes.
Il faut avoir en tête aussi que bibliothécaire est un poste de fonctionnaire, qui dit fonction publique dit service public et lien étroit avec le politique. Certains projets par exemple sont parfois imposés, d’autres sont refusés, les budgets sont souvent vus à la baisse, et les schémas décisionnels peuvent parfois être longs, ce qui n’est pas toujours facile à supporter.
SP : Quels sont vos livres cultes ?
PS : Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (comme quoi les lectures scolaires n’ont pas que de mauvais côtés).
La série de BD Détectives d’Herik Hana
Et puis Paulette de Barbara Constantine (je crois l’avoir conseillé à 70% des lecteurs de Fleury)
Et en polar c’est encore plus difficile… J’aime le roman noir, alors je dirai pour mes derniers coups de cœur Planète Vide de Clément Milian, Seules les bêtes de Colin Niel, et Révolution de Sébastien Gendron.
SP : Quels sont vos jours d’ouverture et vos horaires ? Avez-vous un site internet et/ou une page fb pour échanger avec le public ?
Mardi 16h30-19h
Mercredi 10h-12h30 et 14h-18h
Jeudi 14h-18h
Vendredi 16h30-19h
Samedi 10h-12h30
http://bibliotheque.fleurysurorne.fr/
http://bibliotheques.caenlamer.fr/bibliotheque-fleury-sur-orne.aspx
https://www.facebook.com/bibliotheque.fleurysurorne
Et pour le festival :
bloody.fleurysurorne.fr
https://www.facebook.com/bloodyfleury/
SP : Avez-vous des rendez-vous régulier dans votre médiathèque/bibliothèque ?
PS : Nous faisons une heure du conte tous les mois pour les petits, et deux à trois rencontres d’auteurs par an hors festival. Nous participons également aux évènements municipaux comme la fête des associations, le marché de Noël ou le festival Petite Enfance par exemple.
SP : Quels sont les prochains rendez-vous dans votre médiathèque/bibliothèque ?
PS : Samedi 24 février à 10h30 Morgane propose une heure du conte sur le thème du Loup à partir de 2 ans.
Je fonctionne beaucoup à l’instinct et aux opportunités, j’aime rebondir sur les projets, par exemple en novembre nous proposerons une table ronde autour de la littérature Argentine avec l’association Fleury-sur-Orne/Mar del Plata. Je trouve que les projets ont toujours plus de sens lorsqu’ils s’inspirent de ce qui se passe sur notre territoire.
J’aimerai beaucoup monter un projet autour des questions migratoires, mais c’est un sujet délicat à traiter.
Et puis j’ai une liste longue comme le bras d’auteurs de noir que je rêve d’avoir sur le festival : Craig Johnson, Stephen King (oui je peux rêver !), Franck Thilliez, Hannelore Cayre…
SP : Merci à vous Perrine.
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Merci pour cette interview passionnante qui permet d’en apprendre un peu plus sur Perrine, femme passionnée et investie.