Elsa Marpeau joue avec son lecteur comme on joue avec une marionnette, un cercle vicieux et jouissif qui s’installe
INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Gallimard Collection Série Noire en janvier 2015 Parution aux éditions Folio en mai 2017 Été 1944. Une femme court dans la campagne icaunaise. Elle cherche à échapper à la foule qui veut la tondre. Été 2015. Un homme a été tué près d’un lac. La gendarme chargée de l’enquête soupçonne que son meurtre est lié à une tonte, qui a eu lieu soixante-dix ans plus tôt. Entre aujourd’hui et hier, les destins s’entremêlent mais les protagonistes ne s’en souviennent plus – ils ont oublié la colère, les jours de liesse et la cruauté des vaincus contre ceux de leur camp, lors de la Libération. L’enquête va exhumer ce passé dont plus personne ne veut se rappeler. (Source : Gallimard – Pages : 240 – ISBN : 9782070148134 – Prix : 19,50 €) |
L’AVIS DE LAURE CHIRON
Eté 1994. La France est libérée du joug Allemand, et vient l’heure de la vengeance. De l’épuration. Au cœur des campagnes, ce sont les ruraux qui semblent les plus acharnés à punir ces femmes qui ont collaboré avec l’ennemi, de gré ou de force. Elles devront subir une série de punitions toutes plus humiliantes les unes que les autres. La première consistant en la tonte de leur chevelure. Le reste… est laissé à l’appréciation des bourreaux.
Au cœur de l’une de ces campagnes, Marianne. Elle est accusée d’avoir fauté avec un soldat allemand, et doit être punie, elle aussi. Et elle le sera, de la pire des façons.
De cette période sombre de l’Histoire française, il n’en a été fait que de peu de cas, la honte des familles prenant le pas sur la triste réalité. Le sujet a toujours été survolé, sans vraiment être creusé, analysé et rapporté comme il aurait dû l’être. C’est un secret de famille, qui se doit d’être bien gardé, pour préserver les générations futures, ou pour d’autres obscures raisons. La famille Marceau n’échappera pas à cette règle. Leur famille, les terres qui couvrent des hectares et leurs appartiennent depuis la nuit des temps, ils la garderont. Jusqu’à ce qu’ils se décident à en vendre une partie à un citadin.
Le secret de Marianne, la féroce Marianne, restera bien caché. C’est du moins ce que l’on pense.
Soixante-dix ans plus tard, c’est sur ces mêmes terres qu’un meurtre est commis. La famille est là, plus que jamais soudée, et les pièces rapportées sont ralliées à la cause de la famille, avec autant d’acharnement que les bourreaux de 44.
Et c’est là qu’entre en scène Garance Calderon, Capitaine de police qui roule en 4×4 et porte des bottes en caoutchouc avec ses petites robes légères, en pleine canicule. Un flic comme on en rencontre beaucoup quand on lit cette littérature de genre, avec un humour pince sans rire, beaucoup de cynisme et franchement tête de mule. Je l’ai appréciée, Garance, comme j’ai apprécié Marianne ; leurs personnalités se ressemblent beaucoup.
A mesure que j’avançais dans ma lecture, j’ai souvent craint de deviner les pistes et les indices distillés par Elsa Marpeau, et ainsi deviner le pourquoi du comment de ce meurtre sordide, le lien avec Marianne, pour me planter à chaque fois. Bonheur ! L’auteure a joué avec moi comme on joue avec une marionnette, te jette un os à ronger que tu gardes en grognant, puis te le retire aussi vite qu’elle te l’a donné. Tu as envie de la mordre, mais tu attends le suivant, parce que tu sais qu’elle t’en donnera un autre. Et oh bonheur (bis), le voici le voilà, avec quelques morceaux de nerfs et de viande dessus. Pas le temps de le finir, cercle vicieux et jouissif qui s’installe : Elsa Marpeau donne, et reprend.
Autant dire que côté suspens et retournement de situations, ce livre se pose là. On s’attend à tout, sauf a ÇA. En 233 pages, tu passes de la frustration d’avoir été menée par le bout du nez, à la jouissance de la découverte que tu fais au chapitre suivant. Mon appendice nasal a été tiraillé, mais j’ai adoré ça, et j’en redemande. D’ailleurs, l’histoire de l’un des personnages secondaires présents dans « Ils oublieront la colère » a titillé ma curiosité, j’ai donc acheté « Les yeux des morts » le jour de ma rencontre avec l’auteure. Une rencontre riche et enrichissante, tant sur le thème du livre que son écriture.
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