Carl PINEAU : Nuits Nantaises – 01 – L’Arménien

Carl PINEAU - Nuits Nantaises - Armenien

Présentation Éditeur

Nantes, 22 décembre 1989. Le cadavre de Luc Kazian, dit l’Arménien, est retrouvé en forêt de Touffou. Deux balles dans la peau, et partiellement calciné. Assassiné. Mais par qui ?

Et qui était vraiment l’Arménien ?

Un trafiquant de cocaïne notoire, comme le pense l’inspecteur Greg Brandt ?

Un copain de virées avec qui écumer les bars et draguer les filles, comme le voit Bertrand, son premier et peut-être unique ami ?

Un jeune orphelin perturbé, mais à l’esprit vif et éveillé, comme le pense Françoise de Juignain, sa psychiatre depuis 20 ans ?

Rien de tout cela, bien plus encore ?

De la place Graslin au Château des ducs de Bretagne, des ruelles pavées du quartier Bouffay aux bars à hôtesses du quai de la Fosse, des pavillons de Rezé aux immeubles de Bellevue, Carl Pineau fait revivre dans ce thriller noir toute l’ambiance du Nantes des années 80.

Origine Flag-FRANCE
Éditions Librinova
Date Juin 2017
Éditions Lajouanie
Date 17 juin 2019
Pages 330
ISBN 9782370471246
Prix 18,00 €

L'avis de Cathie L.

Carl Pineau est né à Nantes en 1966. très jeune, il se met à fréquenter la vie nocturne de la ville. Il se fait d’ailleurs embaucher par une discothèque pour en animer les soirées. Les lieux cultes des nuits nantaises deviennent pour lui un univers familier.

À 21 ans, il quitte le monde de la nuit et reprend des études.

Bien que Nantes soit sa ville de cœur, il la quitte en 2009, avec sa femme et ses deux enfants, pour aller voir le monde pour réaliser son rêve d’enfant : écrire. La famille se fixe d’abord au Québec, où Carl suit les cours de création littéraire de l’université de Laval et entame L’Arménien.

Depuis 2015, la tribu habite en Thaïlande, où Carl continue d’écrire. Malecón, thriller politico-financier situé entre Paris et Cuba, sortira en 2018. Deux autres polars de la série Nuits Nantaises sont également en rédaction.

Le roman

L’Arménien est paru en autoédition en 2017. Son auteur, Carl Pineau, abonné à ma page FB, m’a demandé de le lire et de le chroniquer, ce que j’ai accepté avec grand plaisir et je ne regrette pas du tout. Le style hybride est adapté à chaque personnage car la psy issue d’un milieu bourgeois ne peut s’exprimer avec le même vocabulaire que Bertrand, fils de marin évoluant dans un milieu dont elle ne peut soupçonner l’existence. A noter également l’humour parfois grinçant et déjanté mais tout à fait dans l’atmosphère « roman noir » qui imprègne L’Arménien.

Son ambiance de roman noir mettant en scène des personnages désabusés, pris dans l’engrenage de l’alcool et de la drogue, saupoudré d’un soupçon de fatalisme, est tellement réussie que j’ai parfois eu l’impression d’apercevoir le fantôme de Philip Marlowe créé par le grand romancier américain Raymond Chandler :

« Il était à peine onze heures, j’ouvris un tiroir et récupérai la bouteille de Chivas planquée parmi un tas de vieux Playboys. Je me servis dans une tasse à café sans prendre la peine de la rincer, la brûlure de la première lampée alimenta le feu dans mes tripes. Après avoir éteint l’enseigne, je me réfugiai dans la réserve. Je m’affalai sur le stock de boîtes de gel qui traînait là depuis trois ans. Une nouvelle rasade de whisky m’apaisa un peu,je sortis un paquet de clopes de ma poche puis allumai une gitane maïs. J’aimais le goût de ce tabac mélangé à celui de l’alcool. » (Page 9).

Son originalité : sa construction à double entrée: imaginons que deux grosses bobines de fils symbolisent l’une l’histoire selon le point de vue de Françoise; l’autre, selon le point de vue de Bertrand. Et pour corser le tout, chacun, dans les chapitres qui lui sont dévolus, alterne flashs-backs et événements du présent. Du coup, l’enquête policière est racontée d’une manière indirecte, conférant au roman une proximité inhabituelle puisque au lieu de suivre les enquêteurs, le lecteur suit deux protagonistes proches du mort. Le lecteur, patiemment, assemble les morceaux de l’intrigue que l’auteur lui délivre peu à peu, comme un puzzle que l’on construit pour obtenir l’image finale…. qui, soit dit en passant, n’est pas celle à laquelle on s’attend !!

L’intrigue

Tout commence par un article paru dans le journal suite à la découverte du cadavre de Luc Kazian, bien connu dans les milieux nantais sous le pseudo de l’Arménien. Certains détails laissent penser à l’inspecteur Brandt, chargé de l’enquête, que le jeune homme a lui-même creusé sa tombe et qu’il connaissait vraisemblablement don meurtrier. Règlement de compte entre dealers ? Vengeance d’un sous-fifre qui convoitait sa place bien ancrée dans le milieu malgré son jeune âge ?

Seul un retour sur certains épisodes de sa vie pourra peut-être éclaircir les zones d’ombre et les mystères qui entourent le cadavre de Luc, notamment sa rencontre avec Bertrand et l’amitié qui les liait, les dessous de sa relation avec sa psy qui semble très impliquée dans sa vie; Lounis en saurait-il plus que ce qu’il déclare à la police ? Et qu’en est-il de Sandrine, la femme de Bertrand ? Autant de pistes qui égarent l’inspecteur complètement largué par cette enquête qui s’avère bien plus complexe qu’il ne le pensait au début…

Les personnages

Point n’est besoin d’une pléthore de personnages pour évoquer les nuits nantaises de la fin des années 80. Une douzaine de personnages suffit.

  • Luc Kazian, dit l’Arménien : originaire d’Arménie ; orphelin ; arrivé en France à l’âge de 7 ans, adopté par sa tante; lèvres minces, yeux gris et sourcils noirs bien dessinés dans un visage sec ; esprit rebelle mais gentil garçon ; vit de trafics en tous genres.
  • Bertrand : coiffeur, ami de Luc ; 39 ans ; 1m60 ; crâne chauve, yeux bleus ; épaules larges ; aime le luxe ; ambitieux mais incapable de tenir ses engagements d’abord envers lui-même.
  • Inspecteur Greg Brandt : inspecteur à la PJ de Nantes; mâchoire large, épaisse chevelure grise ; chapeau mou, semble cultiver une certaine ressemblance avec le personnage de Maigret ; bien moins idiot qu’il ne le laisse paraître.
  • Diane Kazian : tante paternelle de Luc réfugiée en France au début des années 50.
  • Françoise de Juignain : psychiatre de Diane et de Luc ; vit très solitaire, ses deux enfants vivant aux USA ; consacre tout son temps à ses patients; deux fois divorcée ; très belle selon l’avis de l’inspecteur.
  • Myriam : secrétaire de Françoise depuis de longues années.
  • Marc-Antoine : ancien patron de Bertrand.
  • Ralph : jeune cousin de Bertrand ; « figure de coquelet imberbe coiffé en brosse » ; fils d’un juge d’instruction.
  • Saïda : stagiaire dans le salon de coiffure de Bertrand ; 16 ans ; beauté un peu sauvage, grands yeux foncés.
  • Lounis/Louis Ayrad : chef d’une bande de voyous maghrébins ; tête de tueur au visage plein de cicatrices ; Algérien arrivé en France après l’Indépendance ; déterminé, calme, sans scrupules, très intuitif.
  • Jack : barman du Château, grand costaud, barbe et cheveux en broussaille.

Les lieux

De son adolescence un peu « agitée », Carl Pineau a acquis une très bonne connaissance de la Nantes nocturne, de ses points chauds, de sa faune et de ses lieux de rencontre incontournables, avec pour résultat un réalisme confondant. Les lieux décrits ne font qu’un avec les personnages qui y évoluent, comme le salon de Bertrand qui en dit long sur son propriétaire :

« En ouvrant la porte vitrée, j’activai une sonnette flétrie, puis je m’aventurai dans la boutique vide.Sièges en skaï et tapisserie passée de mode, l’odeur de cigarette qui flottait dans l’air complétait le tableau suranné du lieu. » (Page 137).

La ville de Nantes, simple décor ?? Non, c’est bien plus que ça, c’est un personnage à part entière, qui participe activement au déroulement du récit, toisant les protagonistes du film noir qui défile sur ses murs et ses trottoirs :

« Dehors, il pleuvait des cordes. Valérie me porta quasiment dans la ruelle pavée de granit. Nous longeâmes le château des Ducs de Bretagne et déboulâmes sur le parking devant la cathédrale, j’eus l’impression que les gargouilles se foutaient de ma tronche. » (Page 20)…

ou sa banlieue « construite à toute vitesse dans les années 1960 avait mauvaise réputation. Pour moi, elle s’apparentait à un coupe-gorge, et je n’y avais jamais mis les pieds. » (Page 31).

Ambiance

L’Arménien est avant tout un roman d’ambiance, ambiance des années 80 et ambiance du milieu nantais et de ses nuits glauques tellement fidèlement reconstitué que l’on s’y croirait…Suivons Bertrand et Luc dans l’un de ses lieux interlopes… « Lorsque nous arrivâmes au Négrier, le bar était rempli de dockers, plus massifs les uns que les autres, qui nous regardèrent comme deux chèvres destinées à l’abattoir. Le lieu était glauque et l’ambiance lourde :une vague musique celtique grésillait dans la fumée blanche. » (Page 113)… ou dans les sous-sols du Château : « À quatre heures du matin, je finissais ma nuit devant un gin-tonic éventé, prostré le long du comptoir du Château, la discothèque branchée de Nantes. Prisonnière de la cave voûtée en pierre,la fumée me piquait les yeux. J’aperçus ma gueule d’épave dans un miroir teinté derrière une bouteille de Marie Brizard posée sur l’étagère devant moi, levai mon verre à ma santé et avalai une gorgée en réprimant une grimace. Le refrain New Wave des Taxi-Girls, Chercher le garçon, entraînait les rares clients restant sur la piste, deux nases en costards se trémoussaient l’un en face de l’autre. » (Page 18).

Mon avis

Voilà un polar noir tout à fait original : son contexte de la fin des années 80 ; le milieu des nuits nantaises; sa construction inédite ; ses personnages paumés; ses lieux en parfaite adéquation avec l’intrigue. Sans oublier son style hybride et grinçant, la petite touche personnelle de l’auteur qui fait qu’il ne ressemble à aucun autre. Donc, si vous n’avez pas encore traîné vos guêtres du côté du « Château », qu’attendez-vous ?? Croyez-moi, vous ne serez pas déçus…

L'avis de Lucie Merval

Ce polar est original dans sa construction car le lecteur ne suivra pas à proprement parler une enquête de police mais découvrira peu à peu la vérité sur la mort de l’Arménien à travers deux récits : celui de Bertrand, un ami de la première heure et celui de Françoise, la psychiatre qui suivait Luc depuis son arrivée en France.

C’est une plongée dans les souvenirs et un sacré bon roman d’atmosphère, celle des nuits nantaises dans les années 80. Le banditisme n’avait pas le même visage qu’aujourd’hui et les aspirations sociales étaient différentes…

Une belle découverte !

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Lucie MERVAL
Lucie MERVAL
Lucie Merval est libraire

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