Benoit MARCHISIO : Tous complices !

Benoit MARCHISIO : Tous complice !
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Présentation Éditeur

Abel trime sur son vélo. Coursier pour une plateforme de livraison de repas à domicile, il sillonne Paris. Lena répare les bécanes défoncées. Au bord du périphérique, elle retape les vélos des mineurs ou des sans-papiers qui livrent des repas. Igor défend ce nouveau prolétariat.

Jeune avocat ambitieux, il voit dans ce combat une occasion unique de réaliser son idéal et de se faire un nom. La dégradation des conditions de travail, la frustration des coursiers conscients du jeu de dupes proposé par l’application… Voilà le décor.

Abel, Lena et Igor se trouvent mêlés à un affrontement médiatique orchestré par un journaliste vedette sans scrupule.

C’est l’histoire. La ville gronde. Tout peut arriver dans cet engrenage fatal. Il suffit d’une étincelle.

Origine Flag-FRANCE
Éditions Les Arènes, collection Equinox
Date 4 février 2021
Pages 287
ISBN 9791037501233
Prix 20,00 €

L'avis de Lucie Merval

« Tous complices ! » est un roman qui résonne fortement avec l’actualité au moment où les restaurants sont fermés. Envie de petits plats, de Junk food, de sushis ? Rien de plus simple, il y a de nombreux sites qui proposent en quelques clics de vous livrer chez vous.

Qui sont ces livreurs que vous ne voyez même pas derrière votre porte ? Dans quelles conditions travaillent-ils ? Si vous habitez une grande ville, vous les avez forcément croisés, ces livreurs à vélo avec leur sac à dos siglé, prenant parfois des risques avec la circulation automobile.

C’est à eux que s’intéresse Benoit Marchisio dans ce roman. Une immersion au plus près de ces travailleurs précaires soumis au diktat de l’Appli, qui ne leur permet pas de vivre mais bien de survivre, chaque course ne rapportant que des clopinettes. D’où des dérives comme la sous-location de comptes : https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-mediatique/loue-un-compte-uber-eats-100-euros-par-semaine-enquete-sur-la-livraison-en-sous-location. Il suffit de lire les remerciements pour comprendre qu’on est au plus près, au plus vrai dans ce texte.

On va découvrir Abel. Il poursuit des études et se lance dans ce travail de coursier partenaire pour gagner un peu d’argent pour aider sa mère. Ce qui ne devait qu’un boulot temporaire va devenir un engrenage infernal… Première étape pour pouvoir bosser, trouver un vélo et un Smartphone. De peur que celui-ci le lâche, il note parfois les adresses des clients dans un carnet. L’entretien du vélo est indispensable également. On va découvrir Lena, une ancienne professeur au parcours chaotique, qui échoue un jour au bord du périph dans un camion benne. Elle, qui s’est toujours considérée comme une formatrice, une passeuse, va vite comprendre que « l’entretien de leurs vélos allait devenir un enjeu clair : ces garçons avaient besoin de livrer longtemps, sur un deux roues sûr » (P.45). Alors, elle les aide à réparer, joue un peu les mères de substitution au point de fédérer autour d’elle une communauté.

La concurrence est rude dans ce milieu (Imaginez donc quand c’est une femme. Je vous laisse découvrir le personnage de Jane…), c’est chacun pour soi, pour obtenir la meilleure course. L’Appli motive aussi ses troupes avec des challenges. Toujours plus vite, toujours plus de risques. Pédaler quelque soit le temps. Un jour, une nouvelle concurrence arrive, les livreurs à scooter. Ca chauffe sur les places de Paris où ils attendent regroupés devant les restaurants, prêts à démarrer.

Il y a aussi Igor, un avocat qui vivote et qui prend vite conscience qu’il y a un dossier à monter, qu’il faut agir, un idéaliste peut être tant il est difficile pour lui d’obtenir des témoignages à découvert. P.51 « C’est une mine d’or ce dossier. Tous les ingrédients sont réunis. Une multinationale anonyme qui pervertit le statut de micro entrepreneur, des livreurs exploités qui à leur tour esclavagisent une bande de mecs dans l’impossibilité de faire valoir leurs droits. Si Igor parvient à défendre les intérêts de ce nouveau lumpenprolétariat, il deviendra une référence. Tout le monde viendra chez lui. »

Pour compléter le tableau, nous allons pénétrer dans le milieu de la TV avec Paul Parsène, un journaliste, présentateur vedette de l’émission « Débats ». Lui, ce qu’il aime, ce sont les sujets qui agitent, qui créent la polémique, qui génèrent des commentaires sur les réseaux sociaux… Un homme aux dents longues, qui ne recule devant rien…

J’ai suivi ces différents parcours en apnée, à la fois touchée et indignée, sentant le vent de la révolte monter au fil des pages jusqu’à ce final effrayant.

« Tous complices ! » n’a jamais aussi bien porté son titre. Benoit Marchisio met les pieds dans le plat, si je puis dire et nous pousse à nous interroger sur notre responsabilité individuelle et collective.

Un polar social brillant, une grosse claque !

L'avis de Stanislas Petrosky

Tous, ouais, nous sommes tous pratiquement complices…

Qui par un soir de flemme, ou lorsque des amis déboulent à l’improviste, voire une fringale exotique de dernière minute, n’a pas commandé son repas via une application ?

Tu sais, ce genre de truc que tu as sûr ton téléphone, et que te permet d’avoir ta pizza, tes rāmens, ton burger dans la demi-heure à domicile, sans bouger ton cul. Pis si ça arrive froid, tu gueules et te fais rembourser. C’est chouette non ?

Ben non, en fait, pas vraiment, et tu le découvres dans ce roman noir social, bien épicé de cynisme.

Ce livre, je l’ai dévoré, une bien belle critique acide de notre société, que ce soit sur cette nouvelle façon d’exploiter les gens, ces nouveaux médias qui ne vivent que par la surenchère (histoire d’envoyer son audimat dans la peur de l’autre, ces personnages publics qui font monter la haine un peu partout), et la paupérisation croissante de notre époque.

Ce roman met avant tout en exergue les dangers de certains côtés de l’auto-entrepreneuriat. Bien sûr c’est une fiction, donc l’auteur va loin, parfois très loin, mais attention, la réalité est souvent proche, trop proche.

Si Tous complices ! met en avant la précarité, la révolte qui gronde, il offre aussi une belle ode à la solidarité, à la force du collectif.

Je ne connaissais pas l’auteur, mais c’est avec grand plaisir que j’aie découvert sa plume, un vrai régal !

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