Aurélie RAMADIER : L’affaire Cherkassky

L’affaire Cherkassky ou les murs invisibles : l’enquête d’une journaliste déterminée

Premièrement, l’ouvrage L’affaire Cherkassky ou les murs invisibles d’Aurélie Ramadier se révèle être un roman policier passionnant, qui explore les secrets des services d’espionnage russes et français. Grâce à sa plume fluide et abordable pour tous, l’auteure Aurélie Ramadier nous emmène dans une enquête complexe menée par une jeune journaliste nommée Camille.

Le roman débute en 2004 : c’est l’arrivée de Camille au journal Le Guellec, où elle postule. On l’incite fortement à écrire un article sur la Russie. La jeune femme est idéaliste et optimiste, donc elle finit par choisir l’espionnage et surtout l’affaire Farewell, un scandale d’espionnage russe qui sème le trouble dans les relations entre les deux pays. De ce fait, l’héroïne se voit alors confier la tâche de mener une enquête sur cette affaire, mais elle est surtout attirée par un autre personnage, en la personne de Nicolas Cherkassky, un individu mystérieux qui va la conduire dans les méandres des services secrets…

Bien des années après la chute du Mur de Berlin !

De plus, le roman est divisé en trois parties. Parfois, le texte nous transporte dans un voyage dans le temps, où l’on découvre une ville en proie à la tristesse et à la résignation sous le régime de Brejnev. Le personnage de Nicolas Cherkassky est comme une ombre dès le début, mais son identité et son rôle dans l’histoire restent totalement flous. Camille, tout comme le lecteur, est intriguée par ce personnage que tout le monde semble avoir oublié et va chercher à en savoir plus sur lui tout au long de l’enquête : l’intégralité du livre.

En réalité, l’écriture d’Aurélie Ramadier est très cinématographique, grâce à des dialogues percutants et des personnages forts et distincts, qui ont tous un caractère différent les uns des autres. Les descriptions sont succinctes, mais suffisantes pour immerger le lecteur dans l’atmosphère sombre et tendue du roman… Les retours en arrière sont habilement utilisés pour donner plus de profondeur à l’intrigue et aux personnages, sans pour autant alourdir le récit – car ces flashbacks sont très brefs.

Au fil du roman, Camille va être amenée à rencontrer différents personnages clés de l’enquête, comme Hervé Collomb, etc… La jeune femme va ainsi découvrir les coulisses de l’espionnage russe et français, les techniques d’interrogatoire, les méthodes de recrutement des agents et les risques liés à ce métier. La narration est vraiment prenante et permet de poser les yeux sur les enjeux de l’espionnage, à travers une enquête qui se présente sous la forme d’interviews, qui s’enchaînent. Des personnages qui se contredisent. Des chronologies bancales… Tout est là pour perdre Camille et le lecteur ! Dans cette atmosphère digne de polar, le lecteur ne pourra pas se résoudre à refermer le livre avant de l’avoir entièrement lu.

L’une des forces du roman est également sa capacité à explorer la psychologie des personnages.

L’héroïne Camille, en quête de vérité, se révèle très courageuse et déterminée, n’hésitant pas à mettre sa vie en danger pour mener à bien son enquête, pour un simple journal… Le personnage de Nicolas Cherkassky, quant à lui, est si mystérieux et troublant : le lecteur ne sait pas réellement s’il est une victime ou un agent double.

Au-delà de l’enquête sur l’affaire Farewell qui prend un angle plutôt secondaire, le roman de Ramadier explore également les thèmes de l’identité, de l’exil et de l’importance cruciale de la mémoire. Camille, qui a elle-même vécu en URSS, est souvent confrontée à la question de son propre héritage culturel et de sa place dans le monde. Son obsession pour Nicolas Cherkassky, qui est né en France mais a choisi de retourner en Russie, reflète sans doute la fascination de l’auteure pour les questions de l’identité et de la double appartenance.

Le style de Ramadier est très évocateur, avec des dialogues réussis, des personnages qui parlent avec une grande spontanéité et une sincérité rare dans le monde du polar. Les échanges entre Camille et ses amis sont d’un réalisme cru, qui donnent l’impression de lire un vrai témoignage.

Enfin, le roman de Ramadier peut également être interprété comme un hommage à la littérature policière. Les nombreux passages consacrés à l’auteure Danielle Hébert, qui a elle-même écrit un roman sur la vie de Nicolas Cherkassky, sont une réflexion sur le pouvoir de la littérature à nous faire découvrir des mondes inconnus et à donner un sens à nos vies. Le roman de Ramadier est lui-même un exemple de cette capacité de la littérature à nous émerveiller et à nous inspirer, malgré son côté obscur et oppressant.